2. 10- Approche par la gestion de l'interaction
Cette approche théorique dont l'un des partisans est
Emmanuel Seyni Dione semble être plus appropriée à notre
étude. Il s'agit d'une approche qui trouve son originalité dans
le relativisme de la rupture que les démarches participatives
prétendent réaliser avec les démarches classiques
d'intervention. Trop souvent, la méthode participative, telle que mise
en pratique sur le terrain se réduit à de simples dialogues
« participatifs », en des échanges ritualisés où
les acteurs ne font que valider ou alimenter les analyses et les choix faits
par les agents extérieurs. En ce sens, Nguinguiri. J.C considère
que : « La planification participative, même si elle
était à ses débuts considérée comme un
processus évolutif dépourvu de toute ambition exhaustive comme
c'était le cas dans les démarches précédentes, elle
a toutefois perdu ses principes fondateurs qui ont été vite
évacués par la plupart des intervenants avides de produits et
à la recherche de diagnostics correspondants à leur propre
perception des enjeux de développement. Dans la plupart des cas,
déjà des choix de développement en amont de ce qui aurait
dû être une concertation interne sur les options futures de
développement du territoire » (J.C.Nginguiri, 2001 : 44).
Donc au niveau des interventions, ce que l'on nomme dans les
projets participatifs « le pilotage par les besoins exprimés
par les populations » est en réalité largement un fait
de rhétorique. Certains auteurs de l'APAD comme J.P Chauveau et P.L
Delville insistent sur le fait que la structure de la demande est souvent
largement déterminée par l'offre. Autrement dit, le choix des
usagers (les acteurs de base) est généralement
surdéterminé par les propositions des intervenants : «
Beaucoup d'intervenants prétendent partir des demandes tout en
orientant nettement vers leur offre. Les diagnostics participatifs menés
par les projets dans le but de faire émerger les vrais besoins des
populations peuvent être une sophistication supplémentaire dans la
manipulation des populations par le projet (il est rare qu'un diagnostic
participatif mené par un projet agro-forestier ne débouche pas
sur une demande de reboisement » (J.P Chauveau et P.L Delville, 1995
: 202).
En effet, dans cette approche par la gestion de l'interaction,
quatre (4) dimensions sont élaborées pour saisir les rapports
entre paysans et organismes étatiques d'intervention.
2.10.1- L'identification des espaces naturels de
participation par les intervenants
La première dimension constitue celle qu'il nomme
l'identification par les organismes d'appui, des espaces naturels de
participation pour s'y inscrire. En d'autres termes, il s'agit principalement
d'une approche qui se réfère à l'identification des
espaces naturels de négociations et de décision, et donc des
stratifications ou des découpages que les acteurs populaires
opèrent dans leur environnement social et affectif.
L'intervenant selon cette approche est amené à
s'inscrire dans la mouvance des différents réseaux du milieu,
à y prendre une place sachant qu'elle ne sera jamais neutre puisque
« travailler avec les paysans revient souvent à travailler avec
certains paysans au dépens d'autres » (E. S. Dione, 1994, p
77). Alors autant reconnaître et utiliser ce fait pour déployer sa
stratégie et son action avec réalisme. Par contre nier une telle
réalité revient du côté de l'intervenant, à
vouloir à tout prix introduire dans les structures
décisionnelles, un certain dualisme qui pourrait compromettre son
action.
Lorsque l'organisme d'appui s'inscrit dans les réseaux
populaires, il s'y positionne comme un enjeu et peut ainsi utiliser cet
avantage pour développer une stratégie au coup par coup
orienté vers tel ou tel groupe d'acteurs à la base, ou vers tel
ou tel objectif. Dans ce cas, il reste relativement dans le coup, en situation
de complicité pour « co-agir » sur le cours des choses, du
moins se donne-t-il du recul pour ne pas trop se laisser prendre au
piège de ses illusions.
|