3) Vers de nouvelles formes de travail parlementaire
?
« Lorsqu'une question retient l'attention, qu'un conflit
de quelque importance oppose des catégories entre elles ou à
l'administration, il serait logique que la représentation nationale s'en
saisisse et appelle ainsi syndicalistes, producteurs, ministres à venir
exposer devant elle leurs arguments, afin de s'informer sur ce qui
150 Propositions de lois de Mme Valérie
Pécresse, n°3221 relative à la médiation familiale et
à l'exercice de l'autorité parentale après la
séparation des parents, n°3222 relative à la
délégation des responsabilités parentales pour les actes
de la vie courante de l'enfant, n°3223 relative au respect des droits de
l'enfant devant la justice, n°3224 relative à l'accouchement dans
la discrétion, n°3225 relative à la possibilité de
lever l'anonymat des donneurs de gamètes, n° 3226 relative au droit
de l'enfant à entretenir des relations avec ses grands parents.
151 Propositions de loi de M. François Hollande,
n°3218 visant à aménager les conditions d'exercice de la
parentalité et n°3219 visant à ouvrir le mariage aux couples
de même sexe.
agite la société et réciproquement,
d'informer celle-ci, pour faire progresser la réflexion collective
au-delà des slogans152 ».
Cette phrase de Pierre Avril qui vise avant tout à
donner des perspectives d'avenir aux parlementaires, peut d'ores et
déjà s'appliquer, on l'a vu, à de nombreux travaux
parlementaires. Certaines missions d'information et commission d'enquête
ont poursuivi ces objectifs avec succès. Peut-être faut-il que la
représentation nationale aille plus loin encore dans le travail
collectif et qu'au-delà de l'organisation de table ronde de
débats ou d'auditions, de nouvelles tentatives d'élaboration
commune de solutions se multiplient. A cet égard, un modèle
récent de travail parlementaire a retenu notre attention : le «
comité de suivi des intermittents ».
Autoinstitué par quelques parlementaires, au sein de
l'Assemblée nationale, suite à un conflit ouvert par
l'agrément donné, le 7 août 2003 par le gouvernement
à un protocole d'accord réformant fin juin 2003 les annexes 8 et
10 de la convention UNEDIC sur l'assurance chômage concernant les
artistes et techniciens du spectacle du cinéma et de l'audiovisuel, le
comité de suivi des intermittents revêt une forme hybride et
nouvelle au sein du Parlement. En effet, il comprend, outre des parlementaires
de tous les groupes, des représentants des syndicats, des
152 Pierre Avril, La Ve République : les
réformes envisageables. Les conditions d'une revalorisation du
rôle du Parlement, Cahiers français n°332, La Ve
République, évolutions et débats, La Documentation
française, 2006, p.56.
organisations professionnelles et de la coordination des
intermittents153. Alors que nombre de festivals culturels durant
l'été 2003 ont été gravement perturbés voire
annulés donnant une publicité particulière à ce
conflit social, les parlementaires ont été amenés, dans un
premier temps, à se tourner vers une demande de création de
commission d'enquête154 . Ces propositions de
résolutions n'ont pas été adoptées, mais, comme
souvent on l'a vu, une mission d'information parlementaire sur << les
métiers artistiques » a été créée en
substitution par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales
le 3 décembre 2003. Parallèlement, le 17 décembre 2003 est
officiellement né le << comité de suivi de la
réforme des annexes 8 et 10 de l'assurance-chômage des artistes et
techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel ».
Les deux structures se sont de fait côtoyées avec des objectifs
différents155. La mission d'information comprenant plusieurs
membres du comité de suivi, les conclusions de son rapport ont
été naturellement influencées par le travail exercé
au sein du comité de suivi. Ainsi, la mission d'information a-t-elle
décidé de travailler dans un premier temps sur la situation
particulière des intermittents du spectacle et a rédigé,
le 10 mars 2004, une <<contribution au débat sur le régime
d'assurance chômage des intermittents du spectacle ». Si cette
mission d'information
153 Liste des membres initiaux du comité de suivi fin
2003 : La Coordination des intermittents, la CGT Spectacle, Sud spectacle, la
Société des Réalisateurs de Films, le Syndicat national
des établissements de l'action culturelle (SYNDEAC), l'U-Fisc regroupant
des compagnies d'art de la rue, quelques personnalités et des
parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat.
154 Trois propositions de résolutions ont
été déposées cf. I chapitre 2
155 Le comité de suivi ayant pour objectif initial
« de se donner moyens législatifs et politiques de rouvrir des
négociations et demandait au Président de la République de
bien vouloir répondre à [sa] demande d'arbitrage et de recevoir
au plus tôt une délégation composée d'élus et
de professionnels », communiqué de presse du comité de suivi
du 17.12.2003 tandis que la mission d'information visait à « mener
une réflexion sur les conditions actuelles d'exercice des métiers
artistiques en France et sur la place qui leur est faite dans notre
société »
avait naturellement un caractère temporaire, le
comité de suivi a perduré, comme le conflit. Et la prise en
compte par la représentation nationale des évolutions du dossier
a permis l'élaboration de perspectives nouvelles.
La pression exercée par les parlementaires de tous
bords sur le Gouvernement en 2004 a ainsi amené, dans un dossier
où les chiffres les plus divers sur le coût de l'intermittence
circulaient, à nommer un expert indépendant156
chargé d'expertiser le système entré en vigueur le 31
décembre 2003. De comité de suivi d'une situation donnée,
le comité s'est alors, sur la base des travaux de l'expert et des
discussions engagées, transformé en force de proposition. Ainsi a
été élaborée une proposition de loi, amenant les
parlementaires du comité de suivi après des mois de travail, de
rapports et d'écoute à considérer qu'ils sont «
allés au bout du processus157 » de dialogue et à
demander que le Président de l'Assemblée nationale «
inscrive à l'ordre du jour la proposition de loi déposée
et signée par 471 parlementaires dont 312 députés ».
Si cette proposition de loi risque de ne pas être inscrite à
l'ordre du jour de l'Assemblée nationale par son Président, le
travail issu du comité de suivi, sur un sujet compliqué par le
fait qu'il résulte initialement de négociations
sociales158, a montré la capacité de l'institution
parlementaire à élaborer un travail commun, consensuel en son
sein, avec une réelle volonté de reprendre l'initiative
législative
156 En la personne de Jean-Paul Guillot.
157 Communiqué de presse du mercredi 31 mai 2006.
158 Sur lesquelles le gouvernement est amené à
intervenir a posteriori pour donner ou non son agrément.
dans un domaine pour lequel, manifestement, ils ne peuvent
constater de réelles avancées.
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