3.4.2. Aménagements proposés
Dans cette rubrique, il ne s?est pas agi de donner des
aménagements tous faits, mais plutôt de donner des indications
techniques aux fins d?un meilleur aménagement des espaces cultivables de
Sô-Ava pour les adapter aux contraintes de maîtrise de l?eau.
SUGGESTIONS
A travers l?étude des stratégies paysannes
d?adaptation, nous recommandons que les expériences soient
capitalisées, et suggérons les améliorations suivantes
:
> Les puits : ils doivent être plus
profonds. Au moins 12 m de profondeur sur les sols argilo-limoneux et 25 m sur
les sols sablo-limoneux ou sablo-argileux. Ceci corrigera l?épuisement
rapide du puits (tarissement).
> Les adductions (bassins de
dérivation) : ils sont nécessaires pour les parcelles
proches d?un cours d?eau ou d?une cuvette humide. D?ailleurs, la cuvette est
utilisée comme bassin, qu?il faudra surcreuser au besoin.
> Les canaux de drainage ou d'évacuation
: les producteurs doivent s?associer pour ouvrir de grands canaux
d?évacuation. Ces canaux vont réduire l?engorgement des terres et
l?inondation des cultures. Ils seront exécutés en tenant compte
de la topographie des champs mitoyens. Ils seront orientés dans le sens
de la plus grande pente. Les eaux vont donc rejoindre les ruisseaux. Ces
derniers les conduiront vers la rivière Sô. De façon
pratique, d?amont en aval, chaque producteur peut se chercher les moyens pour
creuser la portion du canal longeant son champ ; le producteur suivant prend le
relai et ainsi de suite jusqu?au ruisseau. Ce dernier devra être
entretenu par les producteurs le longeant pour permettre un libre
écoulement de l?eau vers la rivière Sô.
|
67
|
Présenté et soutenu par Naboua KOUHOUNDJI,
2010
|
L?aspect d?association ou d?entente entre les producteurs est
important car il s?agit de grands travaux. Et pour le moment, ils sont les
seuls à y faire face ; ils sont les premiers à être
victimes des affres de l?inondation des cultures.
> Autres suggestions : les berges des
cours d?eau ne doivent pas être exploitées pour l?agriculture
compte tenu de la fragilité du milieu. Il faut y installer des
espèces forestières aux fins de lutte antiérosive et
d?amélioration de la qualité physique du sol. Par contre, les
talus centripètes des cuvettes peuvent être exploités avec
un système de culture qui éviterait leur comblement : labourer et
réaliser les opérations culturales en travers de
pente.
Le principal obstacle technique auquel se heurte la mise en
valeur des bas-fonds à SôAva est la maîtrise de l?eau qui,
sans aménagement, reste largement tributaire des aléas
climatiques. Dans toute la Commune, l?irrégularité du
fonctionnement hydrologique prend des formes différentes : stress
hydriques et crues dévastatrices, arrêt précoce des crues
suivies de sécheresse, problème d?excès d?eau. Un bon
aménagement doit prendre en compte tous ces aspects. Pour cela, une
approche méthodologique en trois phases pourrait être
proposée :
> Analyser les mécanismes de base pour comprendre le
fonctionnement hydraulique du bas-fond. Cette analyse intègre, à
l?échelle du bas-fond et de son bassin-versant, l?ensemble des
paramètres physiques, morphopédologiques, hydrologiques,
climatiques et socio-économiques.
> Définir, en fonction des conditions du milieu, les
caractéristiques techniques et socio-économiques
d?aménagements-types adaptés à ces conditions du milieu.
L?évaluation des impacts des aménagements qui seront mis en place
se basera sur la maîtrise et la gestion des écoulements en termes
de sécurisation hydrique des cultures et de réduction des
risques.
> Développer un outil de «diagnostic
rapide» du fonctionnement hydraulique des bas-fonds.
La conception des aménagements tend actuellement à
privilégier les principes suivants (Ahmadi, 1994 ; Legoupil et
al., 1996 et 1997 ; Lidon et al., 1996) :
|
68
|
Présenté et soutenu par Naboua KOUHOUNDJI,
2010
|
- stabiliser les fonctionnements hydriques et limiter les
risques pour encourager
l?adoption de pratiques culturales plus performantes et moins
aléatoires ;
- utiliser au mieux la topographie naturelle et les axes
d?écoulement, actuels et
anciens, pour favoriser les apports d?eau et limiter les ouvrages
coüteux ; - simplifier au maximum les procédures de gestion des
ouvrages ;
- prendre en compte la capacité des villages ou des
communautés rurales à participer à la conception, à
l?exécution des travaux et à la gestion des aménagements
(Belloncle, 1985 ; Dossou-Yovo, 2001) ;
- respecter l?environnement naturel en intégrant ces
aménagements dans un schéma directeur d?ensemble du réseau
hydrographique qui préserverait les droits des utilisateurs en aval.
Pour prendre en compte tous ces principes, nous recommandons
le «Diagnostic Rapide de Pré-Aménagement (DIARPA)» pour
le choix du type d?aménagement et du système d?irrigation.
Le DIARPA (Legoupil et al., 1996) :
l'application d'indicateurs pour un choix d'aménagement
Le diagnostic rapide hydraulique d?un bas-fond est une
méthode opérationnelle de détermination d?un type
d?aménagement adapté au milieu concerné.
Un nombre réduit d?indicateurs a été
sélectionné pour leur capacité explicative du
fonctionnement hydraulique et leur simplicité de mesure. Des valeurs
seuils de ces indicateurs ont été expérimentalement
définies en fonction de leur incidence sur le choix du type
d?aménagement, sur ses caractéristiques et sur son coût.
Chaque type d?aménagement est caractérisé par une
combinaison particulière des classes de valeurs de ces indicateurs
(tableau X).
|
69
|
Présenté et soutenu par Naboua KOUHOUNDJI,
2010
|
Tableau X : Les indicateurs du Diarpa et leurs seuils de
valeur pour chaque type d?aménagement
|
Indicateurs
|
Pédologiques
|
Topographiques
|
Hydrologiques
|
Critères
|
Perméabilité m/s
|
Profondeur d'une
couche imperméable
|
Pente longitudinale moyenne du bas-fond
|
Axe d'écoulement
|
Débit
de crue par m/l largeur de bas- fond
|
Profondeur de la nappe d'inféroflux du bas-fond
début janvier
|
Durée minimum de couverture des besoins en irrigation par
les écoulements de base
|
Type d'aménagement du bas-fond
|
Diguettes déversantes en courbe de niveau
|
< 10-4
|
Indifférent
|
< 1 % (3%)
|
Pas d'axe d'écoulement
|
3 l/s
|
Indifférent
|
Indifférent
|
Diguettes en courbe de niveau avec ouvrage de
déversement des crues
|
< 10-4
|
< 1 %
|
Avec ou sans axe d'écoulement marqué
|
25 l/s
|
Seuils déversants sans
masque d'étanchéité
|
< 10-4
|
< 0.5 %
|
Axe d'écoulement marqué
|
250- 600 l/s
|
Seuils déversants avec
masque d'étanchéité
|
> 10-4
|
< 2 m
|
< 0.5 %
|
Axe d'écoulement marqué
|
250- 600 l/s
|
Ouvrages
de diversion pour l'épandage des écoulements
|
< 10-4
|
Indifférent
|
< 1 %
|
Axe d'écoulement encaissé
|
50 l/s
|
1 mois
|
Ouvrages de diversion pour réinfiltration et
recharge des nappes
|
> 10-4
|
< 1 %
|
Axe d'écoulement encaissé
|
50 l/s
|
< 2 m
|
1 mois
|
Source : Legoupil et al., 1996 : le DIARPA
COMMENTAIRE DES INDICATEURS DU DIARPA
Le diagnostic rapide hydraulique est composé de sept
indicateurs pédologiques, topographiques et hydrologiques dont les
classes de valeur correspondant aux types d?aménagement sont
données au tableau 10. Le diagnostic permet, en fonction de
différentes combinaisons de ces indicateurs, de choisir parmi six types
d?aménagement : diguettes déversantes en courbes de niveau,
diguettes en courbes de niveau avec déversoirs, digues
déversantes, digues déversantes avec tranchée
d?étanchéité, ouvrages de diversion pour l?épandage
des crues et ouvrages de dérivation pour la réinfiltration des
écoulements.
|
70
|
Présenté et soutenu par Naboua KOUHOUNDJI,
2010
|
Les quatre indicateurs simples, pédologiques et
topographiques, sont directement mesurables sur le site. C?est le cas de la
perméabilité des sols, de la présence et de la profondeur
d?une couche imperméable, de la largeur et de la pente
générale du bas-fond. Les trois indicateurs complexes,
descriptifs du fonctionnement hydrologique, sont des résultantes de
plusieurs mesures ou d?évaluation de paramètres, comme la crue
décennale qui est fonction de la pluie décennale estimée,
de la superficie et des caractéristiques du bassin versant.
La perméabilité du sol du bas-fond est le
critère principal pour la définition du type
d?aménagement. Une forte perméabilité conduit
obligatoirement à des aménagements qui auront un effet de
régulation de la nappe : un aménagement de type seuil
déversant avec tranchée d?étanchéité
bloquera la nappe ou un aménagement du type ouvrage de
réinfiltration permettra de soutenir la nappe. Une faible
perméabilité conduit à des aménagements dont
l?objectif est d?améliorer la régularité de
l?épandage des eaux de surface.
La prise en compte de la variabilité des
écoulements de base est indispensable pour évaluer la
faisabilité et la durabilité de l?aménagement. Les
écoulements de base sont les écoulements de surface dus à
la vidange de la nappe générale du bassin versant et du bas-fond.
Sans eux, la réserve en eau en cas d?arrêt des pluies est
limitée à celle stockée par l?aménagement.
La réalisation d?un aménagement nécessite
donc des études pour connaître les paramètres liés
au site. A titre d?application du Diarpa, nous avons choisi le site de Todja
pour exemple.
APPLICATION DU DIARPA SUR LE SOUS-BASSIN DE NANSI (SITE
DE TODJA)
Nansi est un cours d?eau permanent situé au nord-est de
la commune, soit précisément aux coordonnées 6° 37?
18,8?? latitude nord et 2° 25? 49,16?? longitude est. Il est situé
sur le site Todja. Les caractéristiques de ce site sont inscrites sur la
fiche descriptive suivante (tableau XI).
|
71
|
Présenté et soutenu par Naboua KOUHOUNDJI,
2010
|
Tableau XI: fiche descriptive du site de Todja
Identification du site
|
Nom du site :
|
Todja
|
Latitude :
|
6°37?18,8?? N
|
Longitude :
|
2°25?49,16?? E
|
Caractéristiques physiques du bassin versant
alimentant le bas-fond
|
Caractéristiques hypsométriques
|
1.Surface
|
2.Périmètre
|
3.Altitude 5 % sup
|
4.Altitude 5 % inf
|
5.Pente transversale
|
6.longueur
|
4 km2
|
10 km
|
2,8 m
|
1,5 m
|
0,0002
|
4 km
|
Caractéristiques géologiques
|
Type de substratum : argile
|
Caractéristiques physiques du
bas-fond
|
Topologie
|
7.Surface
aménageable
|
8.Largeur
|
9.Pente transversale
|
10.Pente longitudinale
|
100 ha
|
600 m
|
0,0002
|
0,000325
|
11.Axe d'écoulement :
marqué
|
Profondeur : 0,5 m Largeur : 3 m
|
Hydrologie
|
12.Pluie
moy. Annuel
|
13.ETP moy.
|
14.Fin saison pluies
|
15.Début saison
pluies
|
16.Crue décennale
Q10
|
17.Profond eur de la
nappe
|
18.ETP/j
|
19.Débit d'écoulem
ent
|
1260 mm
|
1661 mm
|
30/10
|
15/03
|
7,0181.10-2 m3/s
|
3 m
|
3,5 mm
|
1,386.10-2 m3/s
|
Hydropédologie
|
20.Perméabilité du sol : 0,000033
m/s
|
21.Profondeur du sol: 0,6 m
|
L?application du Diarpa sur un site agricole nécessite
que l?on connaisse deux groupes de caractéristiques physiques sur ce
site. Il s?agit des caractéristiques physiques du bassin versant
alimentant le bas-fond d?une part et des caractéristiques physiques du
bas-fond d?autre part. Ces caractéristiques descriptives permettent
d?obtenir les indicateurs du Diarpa et surtout de faire l?estimation complexe
de la crue décennale Q10. D?après les informations de
la fiche descriptive du site de Todja et à l?aide du logiciel Diarpa, la
crue décennale Q10 estimée du cours d?eau Nansi est de
7,0181.10-2 m3/s. Son débit d?écoulement
moyen est de 1,386.10-2 m3/s (tableau XI) avec une
vitesse moyenne de 0,0033 m/s. L?ensemble des indicateurs du Diarpa (tableau
XII) aide à opérer des choix d?aménagements
conséquents.
|
72
|
Présenté et soutenu par Naboua KOUHOUNDJI,
2010
|
Tableau XII: Indicateurs du Diarpa du site de Todja
Perméabilité m/s
|
Profondeur d?une couche imperméable (m)
|
Pente longitudinale moyenne du bas-fond
|
Axe d?écoulement
|
Débit de crue par m/l largeur de
bas- fond (l/s/ml)
|
Profondeur de la nappe d?inféroflux du
bas-fond début janvier
|
Durée minimum de couverture des besoins
en irrigation par les écoulements de base
|
0,000033
|
0,6
|
0,000325
|
marqué
|
0,116968
|
3
|
1mois pour 8,5 ha
|
La confrontation de ces indicateurs aux critères de
choix de type d?aménagement (tableau X) nous fait remarquer que le type
Diguettes déversantes en courbes de niveau est le mieux
adapté (figure 15).
![](Problematique-de-la-matrise-de-leau-agricole-dans-la-basse-vallee-de-lOueme--S-Ava145.png)
Figure 15 : Diguettes déversantes en
courbes de niveau avec déversoirs latéraux
|
73
|
Présenté et soutenu par Naboua KOUHOUNDJI,
2010
|
Les diguettes déversantes en courbes de niveau sont
réalisées parallèlement aux courbes de niveaux. Elles sont
munies de déversoirs latéraux pour évacuer les surplus
d?eau. L?espacement des diguettes est fonction de la pente et du type de
culture à y mettre. Pour la culture du riz irrigué par exemple,
les casiers rizicoles doivent être confectionnés entres les
diguettes de façon à ce qu?il y ait une lame d?eau stagnante
(figure 16).
![](Problematique-de-la-matrise-de-leau-agricole-dans-la-basse-vallee-de-lOueme--S-Ava147.png)
Figure 16 : Casier rizicole entre diguettes
Les diguettes sont confectionnées en terre. Leur hauteur
est d?environ 30 cm. La hauteur
C il
d?eau dans le casier est d?environ 10 à 40 cm. Elle est
stable car l?eau ne s?infiltre pas en
ce sens que le substratum est constitué d?argile. Une
certaine pente est observée pour favoriser l?écoulement et
permettre l?alimentation des casiers en aval. Sur les diguettes, on peut
installer des ouvrages de vidange centraux dans l?axe d?écoulement du
bas-fond. Ceci pour vider les casiers afin de renouveler l?eau. Dans un tel
aménagement, la mise en terre des cultures se fait par
pépinière et repiquage.
à 10 cm 30 à 40
APPLICATION DU DIARPA AILLEURS ET AU BENIN (Mama V. J.,
2000; Consortium Bas-fonds, 2005)
Au Mali, l?utilisation de la clé de
détermination des types d?aménagement adaptés aux
conditions des sites a abouti, dans 16 des 17 situations testées,
à la conformité de l?aménagement issu du Diarpa avec celui
qui a été réalisé. Pour apprécier la
validité du choix de l?aménagement issu du Diarpa, le bon
fonctionnement et l?efficacité hydraulique et agricole des ouvrages
réalisés ont été évalués.
|
74
|
Présenté et soutenu par Naboua KOUHOUNDJI,
2010
|
Cinq aménagements sont exploités avec
satisfaction par les producteurs. La surface moyenne cultivée est de 7
ha par aménagement. Six aménagements présentent des
problèmes de gestion hydraulique malgré une bonne correspondance
entre les recommandations du Diarpa et les aménagements construits. La
hauteur importante des digues déversantes (120 cm en moyenne) y
entraîne une difficile gestion de la lame d?eau en amont de la digue et
la riziculture est pratiquement impossible. Les superficies en riz sont assez
faibles, de l?ordre de 4 ha par aménagement. Cinq aménagements ne
sont pratiquement pas exploités en agriculture : deux
aménagements pour l?abreuvement des cheptels, une digue route, deux
micro-aménagements de moins de 2 ha chacun. Les ouvrages à double
vocation (agricole et désenclavement ou retenue) font l?objet d?une
appréciation plus mitigée de la part des usagers. Ces ouvrages
sont mal entretenus et on peut penser que leurs superficies cultivables sont
trop faibles pour intéresser les communautés villageoises. Enfin,
à Dié (dix-septième situation) où l?ouvrage
fonctionne de façon peu satisfaisante, l?application du diagnostic
rapide de pré-aménagement conclut à un non
aménagement.
Au Bénin, neuf sites ont été
testés. Ce sont : Gankpetin (4 ha), Gomè (7 ha), Loulè I,
Magoumi (6 ha), Baatè I, Sowé (15 ha), Lèma II (8 ha),
Lèma I et Akuègba. La mise en place de dispositifs
spécifiques a permis de relever des mesures de certains
paramètres hydrauliques, agronomiques et socio-économiques sur
ces sites. Leur comparaison aux mesures effectuées en zone soudanienne
dénote que les résultats montraient une utilisation possible du
DIARPA sur certains sites alors que sur d?autres, les valeurs ne concordent
pas. Cette discordance est liée principalement à la pente
transversale du bas-fond et au débit de l?écoulement. C?est le
cas du bas-fond d?Akuègba dont la pente transversale est
supérieure à 1% et le débit supérieur à 250
l/s.
Il importe, pour une meilleur appréciation des
comportements des bas-fonds de la zone humide tropicale, de poursuivre les
études sur les bas-fonds, en rechercher à intégrer les
paramètres de pentes et de débit à cause de la
concavité de ces types de bas-fonds. Toutefois, on peut noter d?ores et
déjà que le DIARPA est un outil d?aide à la conception
d?aménagement des bas-fonds et par la même occasion un outil de
planification et d?aide à la décision à l?usage des
opérateurs du développement, des planificateurs et même des
bailleurs de fonds.
|
75
|
Présenté et soutenu par Naboua KOUHOUNDJI,
2010
|
|