En conformité avec l'hypothèse
H1, les analyses menées au chapitre précédent
montrent que c'est l'analyse de risque qui détermine la décision
de financement des PME.
On constate par exemple que la qualité des livres
comptables, l'expérience de l'entrepreneur, la localisation de la PME,
la situation du secteur d'activité et l'historique de remboursement sont
très importantes dans la décision d'octroi de financement aux
PME.
L'importance accordée à la disponibilité
de l'information sur les flux économiques, financiers ou même
administratifs peut se justifier en ce sens qu'elle augmente la transparence et
atténue les réticences. Cette position est soutenue par tous les
développements tant théoriques qu'empiriques de notre revue
littéraire.
De même l'historique de remboursement de crédit
n'est pas sans importance dans leurs décisions de financements des PME
béninoises. Cette significativité est certainement la
conséquence que les analystes de crédits font usage du
modèle de scoring de renouvellement de crédit. Il s'agit en
théorie d'une technique qui se base, dans le cas de financement de PME,
sur les comportements passés de cette dernière en matière
de remboursement de crédit pour prédire sa probabilité de
défaut. Dans une telle logique, les analystes font davantage confiance
aux PME béninoises qui ont bien honoré leurs engagements
contractés par le passé.
L'expérience de l'entrepreneur revêt
également une importance capitale dans la mesure où avec un
entrepreneur expérimenté, les différents processus de
production de la
PME sont mieux maîtrisés. Cette
expérience peut rassurer l'analyste de crédit que les erreurs de
gestion de la PME seront davantage réduites et donc une gestion
améliorée.
La localisation de la PME a été aussi une
variable de risque significative. Ce résultat peut s'expliquer par le
fait que la bonne marche d'une activité et donc le retour du capital sur
investissement en dépend. D'ailleurs, on entend souvent dire que «
tel milieu ne vend pas ». Les analystes en tiennent donc compte parce que
ce facteur constitue pour eux une assurance additionnelle de la bonne marche
des activités et donc d'un bon remboursement du crédit.
Avec les résultats des tests de comparaison de khi-2,
l'on remarque que les établissements de crédits financent
davantage les PME localisées en milieu urbain que celles
localisées en milieu rural. Une telle préférence est
certainement due au fait que la plupart des activités du milieu rural
sont non seulement dans l'informel mais aussi utilisent pour leur
développement de moyens rudimentaires ; et donc des technologies qui ne
rassurent pas l'analyste de la réussite opérationnelle desdites
activités.
Par ailleurs, la prise en compte de la situation du secteur
d'activité dans la décision d'octroi de financement aux PMEB nous
paraît bien justifiée. En effet, ce n'est pas prudent pour
l'établissement de crédit de financer un secteur en
«crise», c'est-à-dire un secteur où les fluctuations ne
sont plus maîtrisées, de peur que la capacité de
remboursement anticipée de la PME ne soit modifiée à la
baisse et impactée négativement sur le respect de
l'échéance. Une parfaite illustration en est le comportement des
établissements de crédits quant à l'avènement du
Projet de Vérification des Importations (PVI) au Bénin. Certains
analystes de crédits nous ont confié que la plupart des PME qui
font de l'importation et qui ont eu du financement dans cette période
n'ont pas pu respecter leurs premières échéances de
remboursement ; de facto ces analystes sont devenus réticents dans leur
décision d'octroi de crédits aux PME qui font l'importation
durant cette période. Alors que pour un secteur d'activité
«en expansion», c'est-à-dire un secteur où les
activités connaissent un développement sans faille, ils
adopteraient le comportement contraire.
Aussi dans leur décision de financement des PMEB, les
analystes de crédits tiennent compte du secteur d'activité.
A ce niveau, nous remarquons une préférence du
financement des PME du secteur tertiaire au détriment des autres. Ce
résultat peut s'expliquer par le fait que la plupart des PMEB exercent
dans le commerce et que les secteurs primaire et secondaire plus risqués
du fait certainement de la non-maîtrise des technologies et de leur
caractère informel dominant.
Par ailleurs, la non significativité du facteur `
`exportation» est la conséquence de la faible production des PME
industrielles qui ont souvent du mal à être financées. En
effet, sur le plan technologique, le Bénin, à l'instar de la
plupart des pays de l'Afrique du sud du Sahara, est à un niveau de
développement technologique très faible. Ce qui limite leur
réussite opérationnelle : une justification essentielle de la
réticence des établissements de crédits en matière
de financement de ces catégories de PME.
De même le niveau d'instruction des entrepreneurs n'a
pas été significatif, par contre leur «expérience en
affaire» l'a été. Cela suppose donc que les analystes de
crédit s'intéressent plus, en termes de facteurs de risque
liés à l'entrepreneur, aux dirigeants qui ont une certaine
maîtrise de l'activité à financer qu'au niveau intellectuel
de ce dernier. Le degré de maîtrise de l'activité
menée compte alors dans la décision de financement des PMEB.
Quant aux facteurs de risque global, la taille des
entreprises n'a pas été significative alors qu'elle a
été annoncée dans le modèle théorique de
risque. Cela peut être lié au fait que la plupart des PME ont
environ le même nombre d'employés (entre 1 et 9). Il n'y a donc
pas une différence en matière de nombre d'employés entre
les PME ayant obtenu de financement et les autres.
Par ailleurs, tous les facteurs de risque opérationnel
et technologique (formation continue des employés, succès
d'application d'un nouveau processus) n'ont pas été
significatifs. Pour le premier facteur, cela semble lié à
l'état d'être des PMEB. En effet, les dirigeants des PME ne
s'intéressent pas à la formation de leurs employés : ils
pensent qu'ils ont déjà énormément de charges pour
supporter la formation continue de leurs employés. Ils n'y voient pas un
gain additionnel. Cela pose un problème d'expertise des dirigeants des
PME.
Quant au deuxième facteur (application d'un nouveau
processus), sa nonsignificativité, peut provenir de la
préférence de l'expérience en affaire par les analystes.
Ils préfèrent souvent que la PME ait un résultat
satisfaisant pour ces premiers essais. Cela émane certainement du fait
de la forte prévalence de risque qui laisse les établissements de
crédit toujours «prudents».
Les tests de comparaison effectués
révèlent également que le facteur «sexe» n'est
pas déterminant dans la décision d'octroi de crédit aux
PME. Cependant, il ressort de nos entretiens que certains analystes
(minoritaires) ont une préférence féminine dans leur
décision d'accord de crédit aux PME. Comment cela peut-il
s'expliquer ? Peut-être qu'ils estiment que la femme a une bonne culture
de remboursement ou bien qu'elle est une cliente
facile à relancer en cas d'impayés. Mais,
aucune des études revues dans notre étude n'a
révélé cela. Même notre analyse a montré
l'indépendance de la décision de financement avec le sexe de
l'entrepreneur.
Ces résultats ne sont pas tellement en
déphasage avec les résultats issus des entretiens où une
importance a été accordée à l'ordre d'analyse. En
effet, il y ressort que la décision de financement des PME dépend
en premier lieu d'une part de la capacité de remboursement de la PME que
dévoile les diverses analyses de risque et de rentabilité et
d'autre part des motivations du client à rembourser. En second lieu
vient la garantie proposée en couverture du prêt. Tels sont les
éléments très décisifs pour les analystes de
crédit en matière de financement des PME.