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Financement de navires verts : une rentabilite incertaine ?

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par Guillem Salles
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 Transports Internationaux 2011
  

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II) Une rentabilité menacée par de lourdes incertitudes

Ces incertitudes concernent d'abord le manque de recul et d'expertise sur le véritable l'impact des mesures environnementales sur l'économie du navire (A), mais également le fait de savoir si les banques commerciales sont prêtes a s'engager dans le financement de navires utilisant des technologies nouvelles, qui impliquent par nature certains risques supplémentaires (B).

A) Des incertitudes liées a l'impact des mesures environnementales sur l'économie du navire

Certains arbitrages entre le respect de l'environnement et le profit économique pourraient s'avérer préjudiciables à la rentabilité du navire (1), alors que certaines inconnues pèsent encore lourdement sur la viabilité des financements de navires verts (2).

1) Des arbitrages préjudiciables à la rentabilité du navire

Malgré leur nécessité en matière de lutte contre le réchauffement climatique, les règlementations écologiques peuvent avoir un impact négatif sur la compétitivité du navire, voire sur sa rentabilité.

Cela supposerait que l'armateur soit forcé d'opérer a un moment donné un arbitrage entre le respect de l'environnement et la profitabilité.

Ainsi, les surcoûts qu'entraineraient les mesures visant a limiter les émissions seraient de nature a grever la profitabilité du transport maritime.

L'idée générale développée ici pourrait se résumer de façon suivante : « Au-delà d'un certain seuil d'économies d'énergie, le taux de profit se met à décroître parce que le coût marginal de réduction des émissions est croissant82 » (Voir figure ci-dessous).

82 Michel Husson, Un capitalisme vert est-il possible, Université d'été du Comité pour l'annulation de la dette du Tiers Monde, Juillet 2009.

Figure 10 : La relation taux de profit / Economies d'énergie

Source : Michel Husson, Un capitalisme vert est-il possible, Université d'été du Comité pour l'annulation de la dette du Tiers Monde, Juillet 2009.

Quoi qu'il en soit, la réduction des émissions de Co2 ainsi que de NOx et de SOx, et les surcoûts qu'elle entraîne, pourraient non seulement avoir des effets sur la concurrence entre armateurs, mais également sur la compétitivité du transport maritime dans certaines circonstances.

a) Des arbitrages aux effets pervers : le risque d'un shipping a deux vitesses

L'objectif d'une compagnie maritime est d'exploiter un navire dans le but d'en tirer un profit maximal. La réduction des émissions de Co2 est un objectif annexe, dont la réalisation ne se fera qu'à condition de ne pas compromettre le succès de l'objectif principal, a savoir le profit ou a tout le moins le maintien de la rentabilité.

Nous l'avons vu, les efforts destinés à réduire les émissions de Co2 supposent des surcoûts.

Il en va de même pour le slow steaming, qui comporte deux sortes de coûts additionnels : le coût que représente l'ajout de un ou plusieurs navires dans un service en slow steaming ainsi que l'augmentation des coûts d'inventaire pour les armateurs83.

L'ensemble de ces coûts a été estimé a 7000 Dollars par jour pour un porte-conteneurs de 1000 à 2000 EVP, 8000 Dollars par jour pour un navire de 2000 à 3000 EVP, et 9000 Dollars par jour pour les navires dont la capacité est supérieure à 3000 EVP84.

Nous l'avons vu également, le slow steaming permet à la fois de réduire la consommation de fioul et de lutter contre la surcapacité. Pour autant, compte tenu de son coût, il est plus que probable qu'il serait abandonné si la surcapacité que connaît le secteur du conteneur venait à être réduite sous l'effet d'une hausse de la demande de transport.

Il en irait de même si les prix du fioul venaient à baisser alors que les taux de fret venaient à augmenter dans le même temps.

Dans ces conditions, il est clair que le maintien du slow steaming par certains armateurs amoindrirait leur profitabilité, et constituerait pour eux un désavantage vis-à-vis de ceux qui l'auraient abandonné.

Par ailleurs, dans un contexte de taux de fret bas, la concurrence est farouche au niveau des prix. Cela peut conduire les armateurs a s'adapter et à restreindre les investissements ou abandonner les pratiques qui pourraient mettre en péril leur compétitivité face à une concurrence rude et un marché réduit.

Cela entraînerait l'émergence d'un shipping a deux vitesses : d'un côté un shipping de qualité développé par de grands groupes internationalement reconnus disposant d'un accès relativement aisé aux sources de financement bancaire, et d'un autre côté un shipping a « low cost and low quality »85 uniquement focalisé sur la réduction des coûts et la fourniture d'une prestation de transport essentiellement conçue comme un déplacement d'un point A vers un point B.

83 In Pierre Cariou, Is slow steaming a sustainable means of reducing CO2 emissions from container shipping?, Euromed-Management, 2010.

84 Ibid.

85 In Hermann Kaps, Quality Shipping Incentives, Disincentives, WMU Journal of Maritime Affairs, Volume 3, Number 1, April 2004.

La capacité d'accès au crédit bancaire et le coût du crédit pour un armateur dépendent de86 : - La qualité de l'emprunteur87.

- Le niveau de sécurité qu'il aura a offrir en contrepartie du prêt.

- Le niveau de trésorerie dégagé par l'actif, qui conditionnera la capacité de remboursement du prêt.

- La durée du financement et de la nature du projet (achat de navire neuf ou d'occasion). - Le niveau de rentabilité envisagé pour le navire.

Les armateurs qui bénéficient des meilleurs résultats seront donc ceux qui auront un accès à la plus large gamme de produits financiers à des taux avantageux et pour des montants élevés88 proportionnellement à la valeur du navire89.

Cette réalité d'un accès au financement a deux vitesses pourrait par ailleurs pousser les armateurs plus modestes à privilégier la rentabilité de leur activité sur toute autre considération de type environnemental.

En outre, cette focalisation sur la rentabilité pourrait engendrer une pression à la baisse sur les standards environnementaux appliqués par les compagnies vertueuses.

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