b) Des arbitrages qui risquent de grever la
compétitivité de l'industrie maritime
Sur certains segments particuliers, le transport maritime de
marchandises peut être en concurrence avec d'autres transports. Cela
n'est bien évidemment pas le cas pour les gros chargements de vracs secs
et liquides ou les lignes conteneurisées impliquant une traversée
océanique.
Néanmoins, sur de courtes distances et pour certaines
marchandises le plus souvent conteneurisées, le cabotage maritime peut
être en concurrence avec d'autres modes de transport, au premier rang
desquels le transport routier, qui offre les avantages d'une desserte de point
à point sans rupture de charge.
86 Stephenson Harwood, Shipping finance, Euromoney
Books, 2006.
87 La qualité de l'emprunteur est
appréciée suite a une analyse financière de son
activité et de ses résultats. Elle détermine la note -le
rating en anglais- attribuée a l'armateur. Cette note
aura un effet direct sur la marge dégagée par la banque dans le
cadre d'un financement.
88 Ibid.
89 La part du navire financée par un prêt
ou quotité de financement se nomme le leverage en anglais. Ce
leverage est plus ou moins important en fonction du niveau de risque
inhérent au financement.
Il en va de même pour le transport de passagers et de leurs
véhicules par des ferries sur des courtes distances.
Le marché du cabotage en mer du Nord et dans la
Baltique pourrait à ce titre être négativement
impacté par la mise en oeuvre des mesures destinées a
réduire le niveau d'émissions de NOx et de SOx.
Les armateurs de la région ont fait part de leur
inquiétude quant aux coûts additionnels représentés
par l'achat de fiouls a très basse teneur en soufre.
Selon eux, ces surcoûts se traduiraient par une
augmentation des taux de fret dans des proportions plus que susceptibles
d'entrainer un report modal90.
En effet, il est bon de préciser ici que l'augmentation
des prix du fioul a un effet direct sur l'augmentation des coûts de
soutes dans le transport maritime, ce qui est moins vrai dans le transport
routier du fait qu'une large partie du prix du diesel qu'utilisent les camions
soit constitué par des taxes91.
D'autre part, le temps nécessaire a l'amortissement
d'un camion est de 3 a 4 années, ce qui rend l'adaptation du transport
routier plus facile face a l'arrivée d'une nouvelle
règlementation écologique.
Il est vrai que dans le transport maritime, les cycles de vie des
actifs sont plus longs, et l'hypothèse d'un renouvellement de la flotte
prendrait beaucoup plus de temps92.
Ainsi, l'augmentation des taux de fret dans les ECA pourrait
être de 8% a 20% selon les scénarios dans le cadre d'une vitesse
commerciale standard.
Toutefois, pour les navires réalisant un cabotage «
express », cette augmentation pourrait se situer entre 20 et 40%.
Les lignes maritimes Transmanche, les liaisons maritimes entre
l'Europe de l'Est et les Etats Baltes, et plus généralement
l'ensemble des liaisons sur des distances moyennes seraient les plus fortement
impactés par l'augmentation des coûts fixes. Ces trades perdraient
des parts de marché au profit de la route93.
90 In Lloyd's List, Fjordlines secures $14m Marco Polo
funding, 24 janvier 2011.
91 Theo Notteboom, Eef Delhaye et Kris Vanherle,
Analysis of the Consequences of Low Sulphur Fuel Requirements,
European Community Shipowners' Associations (ECSA), Janvier 2010.
92 Ibid.
93 Ibid.
La seule perspective d'une baisse des volumes de 10% a 20%
pourrait entrainer une réduction de la capacité de la part des
armateurs, avec pour corollaire une diminution des dessertes et une perte
d'attractivité et de compétitivité qui pourrait
éloigner les investisseurs et rendre plus difficile l'accès aux
financements94.
Une baisse des volumes entrainerait une baisse des revenus des
navires. Or, dans le cadre d'un financement maritime traditionnel, ce sont ces
revenus qui sont considérés comme la principale source de
remboursement du prêt.
C'est d'ailleurs en fonction de ces revenus qu'est
étalé le crédit (durée, fréquence et montant
des remboursements).
On calcule au préalable le « breakeven » du
navire. Le breakeven est alors comparé aux revenus futurs du
navire, connus si le navire dispose d'un contrat d'affrètement, ou
estimés en fonction de la moyenne du montant des contrats
d'affrètement a un an en fonction du type de navire financé
(vraquier, navire-citerne etc...).
Les revenus du navire doivent impérativement être
supérieurs au breakeven pour garantir la viabilité du
financement. Les projections faites a l'aide de logiciels
spécialisés permettent d'envisager plusieurs hypothèses
(haute, moyenne ou basse) de revenus sur l'ensemble de la durée du
financement (voir figure ci-après).
94 Ibid.
Figure 11 : breakeven, revenus du navire et
viabilité du financement
Source : Stephenson Harwood, Shipping finance, Euromoney Books,
2006.
En conclusion, il est indéniable que l'absence de
revenus d'un navire engendre souvent un cas de défaut de paiement de
nature a mettre en cause le financement, mais surtout d'hypothéquer un
accès futur au crédit.
De ce point de vue, la perspective d'une baisse des revenus
conséquence des volumes de fret suite a un report modal ne peut
qu'inquiéter les armateurs opérant dans les ECA appelées a
être régies par les nouvelles mesures anti-émission de
SOx.
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