1.1.2. Les bases de la fertilité physique du sol.
«Essentiellement, le sol se présente comme un
filtre complexe. La circulation des fluides à travers ce filtre va
être affectée par les irrégularités qu'il
présente, et réciproquement les variations d'humidité et
la circulation de l'eau vont en modifier la structure»(Hénin,
1977).
Ce filtre complexe peut, grâce à la
propriété des argiles et de la matière organique, retenir
l'eau captive. Une forte augmentation des surfaces de contact entre l'eau et
son support favorise cette aptitude.
Le complexe organo-minéral est capable d'adsorber l'eau
à sa surface par des forces de succion résultantes des forces
capillaires et des forces de liaison. Il favorise également la formation
d'agrégats de taille variable, ce qui libère des espaces qui
formeront la porosité du sol. Ce second mécanisme participe
à l'augmentation des surfaces d'échange qui est l'une des bases
de la fertilité physique du sol.
Cette augmentation est favorisée à toutes les
échelles. Elle commence au niveau des constituants minéraux par
la possibilité éventuelle de mettre à disposition les
espaces interfeuillets pour les échanges (argiles gonflantes). Cette
augmentation se prolonge par la formation de micro-agrégats puis
d'agrégats. Par une organisation spatiale de plus en plus complexe, qui
est finalement visible à l'échelle d'un solum (profil
pédologique), les surfaces disponibles sont multipliées.
La conséquence de cette organisation morphologique est
la formation d'une porosité optimale dont la dimension est d'un ordre de
grandeur variable. A cette porosité il faut associer une modification de
la densité volumique du sol qui sera le reflet de son ameublissement.
Celui-ci est la conséquence d'une
propriété mécanique acquise par la formation des
agrégats qui est la plasticité du sol. Cette plasticité
provient de la capacité des particules à glisser les unes par
rapport aux autres lorsque l'on exerce une force de poussée
(Hénin, 1978).
L'ensemble des caractéristiques morphologiques ainsi
acquises peut être entièrement détruit sous l'impact de
l'eau par des processus physiques et/ou chimiques. Selon la résistance
des agrégats à la destruction un sol sera plus ou moins sensible
à l'érosion. La disparition de la porosité
provoquée par la destruction des structures va favoriser la circulation
de l'eau en surface qui entraînera alors les particules fines, c'est
l'érosion.
L'eau, le complexe organo-minéral et la composition
granulométrique et chimique du sol sont les éléments
moteurs de ces associations particulaires. Il est possible de définir
ces propriétés soit par l'analyse de la morphologie du sol,
associée à l'analyse de sa structure et de sa texture, soit par
l'analyse de leurs conséquences. On évaluera par exemple la
porosité du sol, sa capacité de rétention en eau ou son
infiltrabilité.
Relation entre la composition et l'organisation :
structure et texture.
La première étape dans l'analyse de la
fertilité physique d'un sol va être de déterminer les
différentes fractions granulométriques qu'on y rencontre. Cette
analyse granulométrique permet de définir au travers de la
texture du sol ses propriétés générales. Par
exemple, cette évaluation permet de déterminer
grossièrement la réserve en eau du sol (Hénin, 1978).
Cette détermination de la texture ne suffit pas pour
évaluer précisément le volume et la dimension des pores.
Il existe d'une part de multiples possibilités d'arrangements des
particules minérales et organiques, d'autre part l'eau a une influence
sur la stabilité de ces arrangements. On constate en effet que
l'organisation spatiale des arrangements particulaires détermine une
forme précise aux agrégats. Des surfaces de plus
faible résistance mécanique permettent de
désagréger des mottes de terre en unités structurales de
plus en plus petites.
Ce phénomène permet de classer les sols en
fonction de leur structure ou de leur surstructure (Lozet et Mathieu, 1990).
Celle-ci peut être continue ou fragmentaire. Dans le cas d'une
morphologie fragmentaire on trouvera des structures arrondies, lamellaires ou
anguleuses.
La formation de liaisons entre la matière organique et
les colloïdes d'origine minérale permet d'éviter le
lessivage de ces substrats. Ces liaisons dépendent de la présence
de cations polyvalents qui permettent d'effectuer un pontage entre les deux
particules anioniques (Hayes and Himes, 1986). Cette propriété
morphologique va avoir pour conséquence d'amplifier ou de restreindre la
porosité du sol. Un sol aura selon sa structure une porosité
structurale définie (porosité entre les agrégats et
porosité entre les mottes). Selon leur dimension, ces espaces
faciliteront la diffusion des gaz, la circulation de l'eau et des racines.
Dans un sol riche en sodium et pauvre en calcium, on observe
en présence d'eau une hydrolysation des argiles qui libèrent
l'ion Na en solution. Le pH dépasse 9 ce qui provoque une dispersion des
argiles. Celles-ci peuvent alors être lessivées et le sol perd sa
structure avec la disparition des argiles. La destructuration est alors
d'origine chimique.
Dans les cas de destructuration des sols liée à
l'action de l'eau, la destruction des agrégats est provoquée par
la compression des gaz contenus dans les micropores du sol au niveau de la
porosité de l'agrégat (Casenave et Valentin, 1989). C'est l'effet
de «splash» des gouttes de pluies. La destructuration est alors
d'origine physique.
Un sol dont la structure est altérée, ne pourra
plus assurer sa fonction de milieu poreux, sauf s'il s'agit d'un sol à
texture grossière. Du fait de la destruction des agrégats au
contact de l'eau, ce qui a pour effet de limiter l'infiltrabilité du
sol, l'érosion hydrique est rendue possible.
L'indice d'instabilité structurale d'un sol permet de
mesurer sa sensibilité à l'eau et par conséquent de
définir sa capacité à préserver les espaces poraux
de la destruction. Elle dépend des forces de cohésion entre les
particules de sol. Ces forces doivent résister aux modifications
d'équilibre provoquées par la présence de l'eau. A cette
condition, le sol pourra alors exercer pleinement sa fonction de support poreux
mais stable
Fonction de stockage de l'eau: la capacité de
rétention en eau.
L'augmentation de la surface disponible pour les
échanges a, comme nous l'avons vu, un effet sur la quantité et la
dimension des volumes poraux. Les colloïdes qui tapissent ces espaces ont
un pouvoir de succion sur l'eau qui est proportionnel à la concentration
d'éléments adsorbés sur leurs surfaces. Enfin, certaines
argiles (argiles gonflantes) peuvent absorber l'eau dans les espaces
interfeuillets.
Il en résulte une limitation de l'influence des forces
gravifiques sur les mouvements de l'eau. Le stock qui se constitue sera
disponible pour la plante dans la mesure où les forces de succion qui
retiennent l'eau dans le substrat sont inférieures aux forces de succion
de la racine. La capacité de rétention en eau peut être
appréciée au travers du stock disponible et du stock inaccessible
à la plante pour les raisons précédemment
invoquées.
On peut estimer dans une première approche la
capacité de rétention en eau d'un sol directement à partir
de la détermination de sa texture. On peut également par des
mesures en laboratoire déterminer la quantité d'eau
réellement disponible pour la plante. Ces mesures conduisent à la
détermination de la quantité d'eau présente dans le sol
avant le point de flétrissement.
Fonction de capteur des précipitations:
l'infiltrabilité du sol.
La mesure de la vitesse d'infiltration au champ ou en
laboratoire nous permet de déterminer quel volume d'eau pourra
s'infiltrer dans le sol en fonction du temps. Cette mesure permet d'estimer le
risque de ruissellement et de déterminer l'efficacité d'un
arrosage naturel ou artificiel.
Les définitions physiques et chimiques nous ont appris
que pour qu'un sol soit fertile, il lui faut être poreux, riche en
éléments minéraux et organiques et enfin, capable de
retenir l'eau.
Les facteurs principaux de cette fertilité sont les
argiles et la matière organique qui permettent à la fois de
réguler les échanges et de maintenir les structures.
On dispose d'indicateurs qui permettent d'évaluer ces
différentes propriétés du sol. La capacité
d'échange cationique nous permet d'évaluer globalement les
concentrations des cations présents sur le complexe adsorbant et
l'activité des argiles du sol. La mesure du pH nous donne une indication
sur les risques d'apparition d'une toxicité aluminique. La mesure du
taux de matière organique et de substances humiques nous renseigne sur
les réserves nutritives et sur la nature des échanges dans le
sol. La mesure de l'infiltration permet d'évaluer la porosité du
sol et le risque d'érosion. Il existe ainsi de nombreux indicateurs dont
certains, tels le sodium ou le calcium, permettent de prévoir l'impact
d'une technique d'irrigation sur la fertilité chimique et physique du
sol.
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