B - La distance et l'incidence des dimanches et jours
fériés
La distance peut aussi constituer un facteur de prorogation
des délais dans le contentieux administratif en général,
et plus particulièrement en matière de recours gracieux
préalable. Il arrive souvent que le requérant se trouve
très éloigné de l'autorité habilitée
à recevoir le recours gracieux préalable.
199 Voir jugement n°34/CS-CA du 24 avril1980, ESSOUGOU
Benoît c/ État du Cameroun ainsi que jugement n°9/ CS-CA du
28 avril 1982, NGANKOU Amos Flaubert c/ État du Cameroun .Cités
par MOMO (B), Article précité, p.155.
Ce problème se posait avec acuité sous l'empire
de l'ordonnance de 1972. Cela était dû au fait que les recours
pour ce qui n'était pas des collectivités territoriales ou des
établissements publics dans une certaine mesure étaient
adressés selon la loi au « Ministre compétent
» qui ne résidait qu'à Yaoundé, siège des
institutions du pays. L'enclavement de certaines régions fit en sorte
que les actes pris par les autorités officiant dans la capitale
n'étaient pas exécutoires le même jour. L'article 3 de la
loi n°72/11 du 26 août 1972 relative à la publication des
lois, ordonnances, décrets et actes réglementaires dispose
d'ailleurs :
« Les lois, les décrets et actes
réglementaires publiés au journal officiel sont
exécutoires à Yaoundé le jour même de leur
publication.
Dans les autres circonscriptions administratives, les lois
et actes réglementaires des autorités centrales sont
exécutoires le lendemain du jour de l'arrivée du journal officiel
au chef-lieu de la circonscription ».
Cet article dispose également que « le jour de
l'arrivée du journal officiel est constaté par le Chef de la
circonscription administrative ».
On peut donc penser qu'une décision prise par une
autorité centrale n'est pas exécutoire dans un département
autre que celui du Nfoundi tant qu'elle n'y est pas arrivée. Cette
décision ne peut donc être attaquée qu'à partir de
la date où elle est devenue exécutoire, et c'est cette date qui
doit être prise en compte dans la computation des délais du
RGP200.
Le délai de distance varie d'un ou deux jours
après la sortie du journal officiel. Cette variation est fonction du
lieu où se trouve le requérant par rapport à
Yaoundé, étant donné que très souvent, c'est le
lieu où il doit déposer son recours gracieux. La loi de 2006 qui
attribue compétence à l'auteur de l'acte pour connaitre du
recours gracieux préalable contribue, dans une certaine mesure
à
200 Sur cette question, voir MBALLA OWONA (R), Les délais
de distance en contentieux administratif camerounais, Mémoire de DEA,
Université de Douala, année académique 2003-2004,72 p.
remédier à ce problème
d'éloignement lorsqu'on sait que les recours gracieux ne seront plus
exclusivement adressés au « Ministre compétent
».
Le requérant qui réside à
l'étranger bénéficiera aussi du délai de distance
prévu par l'article 1033 du Code de Procédure Civile et
Commerciale applicable en matière administrative. Dans le jugement
OUMAROU Paul c/ État du Cameroun, un acte est pris le 11 novembre 1975.
Le délai de deux mois en cas d'annulation expirait en principe le 11
janvier 1976 inclusivement. Étant donné que le sieur OUMAROU Paul
résidait hors de Yaoundé, un recours gracieux adressé par
ce dernier le 03 mars 1976 avait été considéré par
le juge comme valable. On en conclut avec M. MBALLA OWONA Robert qu'il y a eu
application en l'espèce des délais de distance. Dans cette
décision, la Cour affirme: « Compte tenu des délais de
distance, OUMAROU Paul devait considérer son recours rejeté au 10
juin 1976 »201.
Le délai applicable peut être donc majoré
d'un délai de distance d'un ou deux mois : il est d'un mois si le
requérant est établi en Afrique et de deux mois pour le reste du
monde d'après l'article 1033 du Code de Procédure Civile et
Commerciale précité. Ce délai de distance permet de
compenser la position défavorable du justiciable
éloigné202.
Concernant l'incidence des jours fériés, il est
à relever que le délai du recours gracieux peut être
repoussé au prochain jour ouvrable lorsqu'il expire un jour
férié, ou un dimanche. Cette solution nous parait tout à
fait logique. Relevons hic et nunc qu'on ne saurait tenir un
recourant coupable du fait de n'avoir pas agit un jour non ouvrable. Il va de
soit qu'en principe203, les services publics ne reçoivent pas
les usagers et sont d'ailleurs fermés les dimanches et les jours
fériés. Un délai qui expire un de ces jours ne saurait
raisonnablement être
201 Voir dans ce sens jugement n°46 /CS-CA du 30 avril 1981
OUMAROU Paul c/ État du Cameroun. Cité par MBALLA OWONA (R),
Mémoire précité, pp.34 et ss.
202 Ibidem, pp.28 et ss.
203 Certains services fonctionnent régulièrement
24h/24 et du premier janvier au 31 décembre de l'année telle que
le service public de la défense, du maintien de l'ordre et de la
santé.
maintenu quel qu'il soit. C'est ce qui ressort du jugement
n°20/CS-CA du 27 janvier 1983, GUEBAMA PELE Pierre c/ État du
Cameroun204.
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