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Le recours gracieux préalable au Cameroun, trente ans après

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par Grégoire Yves DOUNGUE KAMO
Université de Dschang Cameroun - Master en droit public 2011
  

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B - Les modalités de computation des délais du recours gracieux
préalable acheminé par voie postale

Jusqu'à une date récente, l'acheminement des courriers postaux au Cameroun était un véritable calvaire. Il n'était pas évident que ces courriers arrivent à bon port et en temps normal. La poste était en crise. Les

190 Voir MOMO (B), «Problème des délais dans le contentieux administratif camerounais », Article précité, p.137.

191Jugement n°37/04-05/ CS-CA du 29 décembre 2004, ACHENGUI c/Communauté urbaine de Yaoundé.

dysfonctionnements de la poste avaient suscité plusieurs interrogations.192 Ces dysfonctionnements étaient susceptibles de déteindre sur les actes de procédure expédiés par voie postale.

L'affaire YOUMBI André c/ République Fédérale du Cameroun, objet de l'arrêt de l'Assemblée Plénière de la Cour Suprême du Cameroun du 8 novembre 1973, parait révélatrice des conséquences du mauvais fonctionnement de la poste sur les actes de procédure193. Les faits de cet arrêt sont les suivants :

À la faveur d'un concours lancé le 16 septembre 1964 et dont la date de clôture était fixée au 30 septembre de la même année, le requérant expédia son dossier par voie postale. La suite devint problématique, car son dossier était parvenu après la date de clôture. Le juge de la Chambre Administrative était confronté à la difficulté relative à la date qu'il fallait considérer dans la détermination des délais : était- ce celle de la remise du dossier à la poste ou celle de sa réception par le destinataire ? À cette question, la juridiction administrative privilégia l'Administration en affirmant qu'un pli remis à la poste ne devient la propriété du destinataire qu'à la date de réception du pli par ce dernier, et aucunement à celle de son expédition.

Pour M. MOMO Bernard, « Cette solution, sans doute d'origine privatiste (précisément du droit commercial), paraissait trop sévère » 194. C'est sûrement pour remédier à cette situation que l'Assemblée Plénière de la Cour Suprême dans l'affaire SEBA NDONGO Jean c/ État du Cameroun (DGSN), objet de l'arrêt n°1/A/CS-AP du 27 novembre 1986, va remettre en cause le raisonnement tenu 13 ans plutôt. En effet, la Cour déclare :

« Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure que la requête introductive d'instance de l'intéressé a été expédié le 29 mai 1982 comme en fait

192 Voir à ce sujet KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Les aspects juridiques de la réforme de l'activité postale au Cameroun », Revue EJDA, n°45, avril -mai -juin 2000, pp.43-60, plus précisément pp.45- 46.Voir aussi jugement n°13/CS-CA du 23 novembre 1989, ENYENGUE DIPOKO Bernard c/ État du Cameroun. Dans laquelle le juge a estimé qu'un fonctionnement défectueux des services postaux constitue une faute engageant la responsabilité de l'État.

193Voir recueil MBOUYOM précité, pp.48-51. Voir aussi MOMO (B), Article précité, pp.139 et ss. 194 MOMO (B), Article précité, p.139.

foi le cachet de la poste, donc dans le délai légal ; mais qu'elle n'a été enregistrée que le 14 octobre 1983 sous le n°36 de la Chambre Administrative de la Cour de céans » (...)

« Qu'ainsi SEBA NDONGO Jean ne saurait être tenu pour responsable du retard de sa requête à parvenir au greffe de ladite Chambre ».

Cette solution est d'autant plus juste qu'on ne saurait reprocher au justiciable de bonne foi le mauvais fonctionnement de l'Administration195. Solution valable aussi bien pour le recours gracieux que pour le recours contentieux196, elle rejoint la position du Conseil d' État français qui prend en considération la date à laquelle la demande a été adressée à l'Administration.197

De nos jours, la difficulté relative au retard causé par l'acheminement des courriers postaux apparaîtrait comme une sorte de faux problème. Cela est dû inévitablement à l'essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication dont la place primordiale de l'internet n'est plus à démontrer. Il ne fait plus de doute aujourd'hui que l'e-mail ou le courrier électronique a considérablement supplanté la lettre postale198 et on peut même se demander s'il ne sonne pas le glas de ce dernier. Tout compte fait, il reste que l'e-mail est rapide, fiable et se trouve progressivement entrain de gagner le coeur des camerounais.

Nous ne sommes pas sans savoir que presque toutes les Administrations camerounaises y compris les établissements publics ainsi que les collectivités territoriales décentralisées ont des sites internet et des boites électroniques grâce auxquelles elles pourront désormais recevoir des correspondances électroniques. La loi de 2006 précitée n'interdit pas d'adresser un RGP par e-mail. Un raisonnement juridique consiste à dire que ce qui n'est pas expressément interdit par la loi est implicitement admis. Toutefois, la juridiction administrative n'a pas

195 Voir les observations de KAMTO (M) à propos de cet arrêt, Juridis info n°2, avril-Mai -Juin 1990, pp.51-52.

196 Sur cette question, voir MOMO (B), Article précité, pp.139 et ss.

197 CE, DELORT, 20 février 1970, Rec., Lebon, p.30, cité par MOMO (B), Article précité, p.140. 198KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Les aspects juridiques de la réforme de l'activité postale au Cameroun », Article précité, p. 59.

encore tranché un litige relatif au RGP formé par e-mail, ceci pour dire que cette question relève encore de la prospective.

La juridiction administrative apprécie désormais les délais du RGP envoyé par voie postale en privilégiant les intérêts des administrés. La même démarche lui serait exigée dans la conception des cas de prorogation des délais du RGP.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille