II - Approche méthodologique du sujet
L'approche méthodologique traite des précisions
relatives à l'intérêt du sujet, à la
problématique, à l'hypothèse de travail, aux
méthodes utilisées et enfin au plan du travail.
A - Intérêt du sujet
Le recours gracieux préalable au Cameroun est apparu
pour la première fois au lendemain de l'indépendance, notamment
l'ordonnance n°61/DF/6 du 4 octobre 196123. Pour le Professeur
MESCHERIAKOFF , « ce recours improprement appelé gracieux peut
être en fait hiérarchique puisqu'il doit obligatoirement
être porté non pas devant l'auteur de la décision
contestée, mais devant certaines autorités habilitées
à le recevoir :la plupart du temps, les Ministres24 ».
Le problème ne se pose plus aujourd'hui en ces termes parce que le
RGP est désormais adressé entre autres à l'auteur de
l'acte attaqué25.
La règle du recours gracieux préalable a
été reprise dans l'ordonnance n°72/6 précitée.
Cependant, entre 1961 et 1972, rien ne permet de dire que le recours gracieux
préalable au Cameroun est un moyen d'ordre public26,
affirme
b) les actions en indemnisation du préjudice
causé par un acte administratif ;
c) les litiges concernant les contrats (à l'exception
de ceux conclus même implicitement sous l'empire du droit privé)
ou les concessions de service public ;
d) les litiges intéressant le domaine public
;
e)les litiges intéressant les opérations de
maintient de l'ordre ».
23 L'article 15 de cette ordonnance dispose «
Les recours pour excès de pouvoir devant la Cour
Fédérale de Justice contre les actes réglementaires ou les
actes administratifs individuels émanant d'autorités
fédérales ne sont recevables qu'après l'échec d'un
recours gracieux tendant au retrait des dispositions attaquées
».
24 MESCHERIAKOFF (A.S), « Le régime
juridique du recours gracieux préalable dans la jurisprudence
administrative camerounaise », RCD n°15 et 16, Série II,
1978, p. 42-55, notamment p.42.
25 Article 17 alinéa 2 de la loi de 2006
précitée.
26Voir JACQUOT (H), Article précité,
p.113. L'auteur cite à l'appui de sa position l'arrêt TAGNY
Mathieu c/ État du Cameroun Arrêt n°19/CFJ-AP du 16 mars
1967.
M. MESCHERIAKOFF. À la faveur de l'ordonnance de 1972
précitée le juge va reconnaitre le caractère d'ordre
public du recours gracieux préalable. À partir du jugement ITEM
Dieudonné, il est désormais établi qu'au Cameroun le
recours gracieux préalable est d'ordre public.
Trois décennies après la réaffirmation de
la règle recours gracieux par le législateur camerounais et la
consécration consécutive de son caractère d'ordre public
par la juridiction administrative, on a l'impression que cette institution
peine à retrouver ses marques. La règle du recours gracieux
préalable n'est pas restée indifférente au temps ou mieux
aux évolutions. Nous sommes partis d'un recours, pourrait-t-on dire,
simple formalité administrative en passant par un recours doté
d'un caractère d'ordre public, pour arriver enfin à un recours
dont le caractère d'ordre public est menacé par une multitude
d'exceptions27, à telle enseigne que la règle, toute
proportion gardée, n'est plus que l'ombre d'ellemême. Autrement
dit, de la confirmation du caractère d'ordre public du RGP à la
multiplication des exceptions et atténuations à la règle,
on a sinon le sentiment, du moins la certitude que la règle du recours
gracieux préalable n'est pas restée la même depuis ses
origines.
S'il nous est demandé aujourd'hui de faire un
exposé sur le régime juridique du recours gracieux
préalable comme l'avait si bien fait le Professeur MESCHERIAKOFF, il est
évident qu'on n'y trouvera pas exclusivement les mêmes arguments
que ceux qui prévalaient en 1978. De nos jours, l'organisation et le
fonctionnement de la Cour Suprême ont évolué. En bref
l'organisation judiciaire n'est plus la même il y' a trente
ans28. Il en est de même des attributions de la Chambre
administrative de la Cour suprême. Elle n'est plus que juge d'appel et de
cassation selon le cas29. Il y a davantage, les règles
gouvernant
,
27 Voir KEUTCHA TCHAPNGA (C) et TEUBOU (B), «
Réflexions sur l'apport du législateur camerounais à
l'évolution de la procédure administrative contentieuse de 1990
à 1997 », Revue Internationale de Droit Africain EDJA n°
45, Avril-mai-juin 2000, pp. 66- 69.
28 ANOUKAHA (F), « La réforme de
l'organisation judiciaire au Cameroun », Juridis Périodique
n°68, octobre- novembre- décembre 2006, pp.45-56, notamment
pp.46-47.
29 SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), «Perspectives
ouvertes à la juridiction administrative au Cameroun par la loi n°
96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin
1972 », Annales de
le contentieux administratif ont été
considérablement modifiées. Une série lois intervenues
dans les années 2000 pour l'essentiel, en application de la loi
constitutionnelle du 18 janvier 199630 ont opéré une
réforme somme toute significative du contentieux administratif
camerounais. La juridiction administrative évoque de nos jours la notion
de recours gracieux collectifs, ce qui n'était pas le cas dans les
années 70. La preuve en est que les Professeurs KAMTO, JACQUOT, NLEP,
MESCHERIAKOFF et bien d'autres n'ont pas fait état des RGP collectifs
dans leurs oeuvres. C'est nous semble-t-il une nouveauté dans la
jurisprudence administrative camerounaise en matière de recours gracieux
préalable.
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