PARAGRAPHE-3 : LE RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE
ET LES VOIES DE RECOURS
La règle du recours gracieux préalable est
susceptible d'avoir une influence sur les voies de recours. Les voies de
recours désignent les moyens ouverts aux requérants pour obtenir
un nouveau jugement de leur affaire. Nous nous appesantirons sur celles qui
sont plus usitées dans le contentieux administratif camerounais en
l'occurrence le pourvoi en appel(A) et accessoirement le pourvoi en cassation
(B).
A- Recours gracieux préalable et pourvoi en
appel
L'appel78 est la garantie du principe du double
degré de juridiction qui « est en passe d'être
érigé en droit fondamental de l'homme79 ».
C'est une voie de recours de réformation ou d'annulation par laquelle
une partie insatisfaite d'un jugement rendu en premier ressort
défère ce dernier à une juridiction du degré
76MESCHERIAKOFF (A.S), « Le régime
juridique du recours gracieux préalable dans la jurisprudence
administrative camerounaise », Article précité, pp.
42-55.
77 Sur l'ensemble de la question, voir KEUTCHA
TCHAPNGA (C), « Le régime juridique du sursis à
exécution dans la jurisprudence administrative camerounaise »,
Article précité, p.86.
78Sur l'appel, voir SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), L'appel
dans le contentieux administratif au Cameroun, Thèse Droit,
Université Paul Cézanne Aix - Marseille III, 2001, pp.146-147.
79 ANOUKAHA (F), « La réforme de
l'organisation judiciaire au Cameroun », Article
précité, p.54.
immédiatement supérieur, ou bien du second
degré. L'appel a un effet suspensif et dévolutif. Le juge d'appel
statue en droit et en fait.
L'arrêt TAGNY Mathieu représente en
matière de recours gracieux dans le pourvoi en appel un arrêt de
principe. Cet arrêt a fait jurisprudence et reste même
d'actualité trente ans après l'ordonnance de 1972
précitée. Dans cet arrêt le juge a rappelé que le
recours gracieux préalable ne peut être intenté qu'une
seule fois par procédure.
Les faits de l'espèce TAGNY Mathieu, méritent
d'ailleurs d'être rappelés. Le sieur TAGNY Mathieu médecin
de son état est incarcéré et détenu à la
prison de Yaoundé pour des faits de subversion. Il introduit le 20
juillet 1957 un recours devant le Conseil du Contentieux Administratif. Dans sa
requête, il demande la condamnation de l'État à lui payer
une somme représentant le montant de la solde durant la période
de détention allant du 31 mai 1955 au 6 mars 1956. Il demande
subsidiairement que l'État lui accorde une indemnité d'un montant
identique en réparation du préjudice que ladite
incarcération lui a causé.
Malheureusement pour lui, le Conseil du Contentieux
Administratif se déclare incompétent, motif pris du fait que son
action est fondée sur une faute liée au fonctionnement des
services judiciaires. Insatisfait de ce jugement, il demande son annulation
devant le Conseil d'État qui se déclare à son tour
incompétent du fait de l'indépendance accordée entre temps
au Cameroun francophone en 1960.
Le dossier du sieur TAGNY fut donc renvoyé à la
Cour Fédérale de Justice conformément aux accords de
coopération judiciaire signés à cette époque entre
l'État du Cameroun et la France. Le représentant de l'État
soulève devant cette Cour l'irrecevabilité de la demande du sieur
TAGNY pour défaut de recours gracieux préalable. Le juge
rapporteur lui répliqua qu' « il va de soi que le recours
gracieux préalable, lorsqu'il est obligatoire, ne peut être
exercé qu'une seule fois dans chaque instance , le plaideur qui l'a
introduit préalablement à la saisine du juge administratif de
premier degré n'est plus tenu de le répéter pour
cause d'appel, car l'Administration ne peut dire qu'elle a
été attraite à son insu 80».
C'est conformément à ces éclairages du
juge rapporteur que la juridiction rend sa décision. En effet, le juge
déclare recevable le recours du sieur TAGNY, au motif que «
cette procédure, qui est antérieure à la saisine du
juge administratif et ne peut être intentée qu'une seule fois dans
chaque instance, est censée avoir été suivie lorsque,
comme en l'espèce, il apparait que l'Administration a pris position sur
le fond81 ».
Point n'est donc besoin d'un recours gracieux préalable
en appel, étant donné que cette étape qui consacre le
principe du double degré de juridiction est couvert par un autre
principe qui est celui de l'immutabilité du lige.
Ainsi donc une demande présentée pour la
première fois en appel sera déclarée irrecevable non
seulement parce que le procès doit rester le même, mais aussi
parce que l'Administration n'aura pas arrêté sa position
préalablement à cette demande. Le RGP étant d'ordre
public, on peut se demander s'il a une influence sur le pourvoi en cassation
qui est une autre voie de recours.
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