CHAPITRE II. ANALYSE JURIDIQUE DU
CARACTERE SPECIFIQUE DE LA REPRESSION EN DROIT DOUANIER
Le contentieux douanier a donc pour objet les litiges, nes
du fonctionnement du service des douanes et qui sont susceptibles
d'être portes devant les tribunaux selon les regles de procedure edictees
par le code des douanes. On distingue essentiellement : le contentieux
administratif applicable generalement aux commissionnaires en douane qui
comprend surtout les contestations flees sans qu'il y ait infractions a
l'occasion de la perception des droits et taxes (contentieux du recouvrement) ;
Le contentieux repressif qui englobe les litiges ayant pour objet la poursuite
et la repression des infractions donanieres. 79 c'est le plus
important.
Les infractions douanieres sont de par leur nature, tits
fugaces, tel que le passage de la frontiere comme fait generateur de la fraude
peut subvenir ponctuellement en un endroit inaccessible aux douaniers et par
consequent, it est difficilement decelable.
Elles sont en outre generalement considerees avec beaucoup
d'indulgence par l'opinion publique qui n'apercoit pas tres bien le tort
qu'elles sont susceptibles de causer au pays. Contrairement au voleur ou a
l'escroc qui fait l'objet de la reprobation generale, le fraudeur qui procure
des marchandises a bon marche beneficie de la sympathie des populations."
C'est reagir contre cet etat de chose que le contentieux
repressif douanier est impregne d'une severite inhabituelle en droit commun. II
se caracterise par une action preventive contre l'impunite, l'indulgence ou les
complaisances dont les fraudeurs ne manqueraient pas de beneficier s'ils
etaient simplement soumis aux regles de droit commun.81
79 MEHL, L.,Organisation et legislation
douaniere, Paris, P.U.F., 1975, p. 119.
80 Idem
81 REYBROUCK, R. Manuel de contentieux:
Administration des douanes et accises, Bruxelles, Bruylant, 1978, p.
37.
Tout d'abord, comme toutes les lois fiscales, la loi douaniere
doit etre appliquee la lettre, sans gull soit permis sous pretexte
d'interpretation, ou d'analogie, d'en restreindre ou d'en etendre
arbitrairement la portee.
En outre, les pouvoirs des juges, Les droits de defenses des
prevenus ont done ete limites, de meme que les droits des tiers.
L'administration des douanes dispose enfin des prerogatives particulieres.
II ne faudrait pas &duke de ces particularites, que la loi
douaniere institue une procedure entierement speciale qu'elle renvoie aux
regles de droit commun en cas de silence de la loi douaniere.
Les developpements qui suivent concernent le caractere general du
contentieux repressif douanier (Section I), De la repression purement douaniere
(section II).
SECTION I. DU CARACTERE GENERAL DU
CONTENTIEUX REPRESSIF DOUANIER
Il s'agira ici, de l'analyse du caractere de l'intention et de
la notion de la preuve ( §1) et du systeme particulier de responsabilite
penale (§2), c'est-à-dire du contentieux repressif douanier.
§1. De ('intention et de la preuve
s'agit ici du caractere non intentionnel (I) et de la notion de
la preuve(I I). I. Du earactere non intentionnel
L'intention, c'est « l'avoir fait expres ». Pour
eclairer encore cette definition, it est utile d'employer un langage familier,
mans expressif ; au fond avoir l'intention delictueuse, c'est avoir fait expres
de commettre rinfraction.82
82 SOYER, J.-C., Droit penal et procedure
penale, 9e ed. Paris, L.G.D.J., 1992, p. 98.
A partir de cette expression evocatrice, on retrouve les deux
composantes de la definition ci-dessus. Car, pour "l'avoir fait expres" : it
faut etre conscient (quand, on ne sait pas ce qu'on fait, on ne l'a pas fait
expres), et libre (quand on ne fait pas ce qu'on veut, on ne l'a pas fait
expres) ; Il faut aussi, c'est merne le sens le plus apparent de l'expression
"l'avoir fait expres", avoir souhaite le resultar defendu. Faire expres de
blesser quelqu'un, ce n'est pas seulement savoir ce qu'on fait (etre conscient)
et faire ce que l'on veut (etre libre), c'est de surcroit et necessairement
s'etre employe, a dessein, a causer des blessures a la victime.
Dans son etude de la conception juridique de la culpabilite,
M.J. VIDAL est alle, lui, jusqu'a parler ouvertement de la faute normative.
Apres avoir constate que "le droit penal protege les valeurs morales et
sociales", cet auteur considere la faute d'imprudence de la maniere suivante :
"parfois la loi impose aux individus de se conduire avec prudence, afin que
soit evitee la lesion des valeurs qu'elle protege". Pour determiner si une
faute a ete commise, le juge ne scrute pas la psychologie de l'agent en
recherchant s'il a prevu ou pu prevoir les consequences dommageables de son
comportement. Il recherche s'il s'est conduit comme it aurait du se conduire,
c'est-A-dire avec prudence et diligence ; et it se refere pour cela a la
conduite qui aurait ete celle d'un homme normalement prudent et avise, place
dans les memes circonstances. La faute d'imprudence resulte du manque de
precaution. C'est une faute normative.83Et c'est justement cette
faute normative que l'on rencontre lorsqu'on examine rappreciation qui est
faite de la faute non intentionnelle.
Quel est alors, pour ces infractions non intentionnelles ou,
par definition, relement moral dont l'intention n'est requise. Puisque, pour de
telles infractions, la bonne foi, comme on dit , est indifferente, y a-t-il
meme un element moral ?
Il faut repondre oui, et cet element moral, c'est la volonte,
avec le sens que nous lui reconnaissons : le fait d'être conscient et
libre, ou si l' on prefere, le fait de n' titre ni dement ni contraint.
83 DANA, A.-Ch., Op. Cit, p. 327.
En d'autres termes, on peut affirmer avec la jurisprudence que
"toute infraction", meme non intentionnelle, "suppose que son auteur ait agi
avec volonte... 1184
On ne se laissera donc pas prendre dans un piege de
vocabulaire, quand la loi park "d'homicide, coups et blessures involontaires".
ce mot "involontaire" signifie simplement qu'il n'y a pas eu la volonte tendue
vers l'homicide, les blessures ou les coups. Il ne doit surtout pas faire
croire que ces infractions d'imprudence pourraient etre commises par un etre
sans volonte, c'est-à-dire dement ou contraint. Car it y a, dans ces
deux cas de demence ou de contrainte et dans quelques autres, disparitions de
l'element moral.
L'article 100 bis du Decret du 29 Janvier 1949 relatif au code
douane stipule dans son ler alinea que : "les sanctions etablies par
le present Decret sont applicables independamment de tout element
intentionnel".
Cela signifie que l'infraction douaniere s'apprecie par son
caractere purement materiel. Le defaut d'intention coupable n'a pas pour effet,
comme en droit commun, d'amenuiser le prejudice d'annuler purement et
simplement l'existence meme de 1' infraction. 85
I I. Notion de la preuve
La question de preuve releve davantage de la procedure penale
que du droit penal general. Neanmoins, son importance est telle qu'il convient
des maintenant d'en donner les principes generaux. D'abord, que faut-il
entendre par preuve en matiere repressive ?
Pour GUILLIEN et J. VINCENT, c'est l'etablissement de la realite
d'un fait ou de l'existence d'un acte juridique.86
Pour NYABIRUNGU,"La preuve" est tout moyen permettant d'affirmer
l'existence ou la non existence d'un fait donne, ou encore l'exactitude ou la
faussete d'une
84 SOYER, J.-C., Op. Cit, p.101.
86 DELDICQUE, D., Op, Cit, p.5.
86 GUILLIEN, R. et VINCENT, J., Lexique des
termes juridiques, 12e dd.. Paris, Dalloz, 1999, p.412.
proposition. Et de maniere moms abstraite, nous dirons qu 'en
matiere penale, la preuve est tout moyen permettant d'affirmer l'existence
d'une infraction ou son absence, la culpabilite ou l'innocence du
prevenu.87
La maniere de se procurer les preuves n'est pas entierement
fibre. Elles doivent etre obtenues suivant une procedure que la loi reglemente.
La reglementation a pour but, ou bien d' assurer Pefficacite de la preuve,
afire qu'elle soft incontestable, ou bien d'eviter les abus qui pourraient
resulter d'investigations sans lirnite.88
Dans l'ensemble, cette reglementation devient d'autant plus
stricte et minutieuse que le proces penal avance; si, au debut des
investigations, on peut se contenter de vraisemblances et de probabilites, it
faut, au fur et mesure, se rapprocher le plus possible de la verite, et la
preuve foul-the doit s'entourer du maximum de certitude et de garanties pour la
personne poursuivie.89
Pour reconstituer le passé, pour elucider les
circonstances de l'infraction, on ne peut se referer qu'aux personnes (en les
questionnant), ou aux choses (en les scrutant). C'est de la qu'on trouve les
divers modes de preuve.
Les deux premiers s'adressent aux personnes, ce sont l'aveu et
le temoignage.
Les deux suivants tirent les renseignements des choses, ce sont
les constatations matetielles, ce sont les presomptions ou indices.
Un demier mode de preuve, constitue par les ecrits, est a
mettre a part, en ce qu'il relie, en quelque sorte, les deux categories
precedentes : car les ecrits relatent a la fois les faits concernant les choses
et les declarations des personnes ( Cas de la douane).
87 NYABIRUNGU, M.-S., Op. Cit.,
p.375.
88 SOYER, J.-C., Op. Cit., p. 228.
89 Idem.
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