SECTION II. DE L'ORGANISATION GENERALE DES POLITIQUES
DOUANIERES
Comme le souligne Jean CARRIERE, la rationalite economique
plaide, sinon pour un libre-echangisme integral, du moms en faveur d'un
developpement constant des echanges intemationaux, qui permet, en favorisant la
division internationale du travail, d'obtenir a l'echelle du monde les memes
societes rationales, la specialisation professionnelle des
individus51. C'est pourquoi, dans le debut de l'essor industriel,
les nations se sont efforcees de codifier les relations douanieres, de les
reglementer, afire de supprimer les abus de protectionnisme, rinstabilite
tarifaire et les discriminations commerciales.
Cette progressive reglementation des politiques douanieres
s'est operee logiquement et chronologiquement par des arrangements bilateraux
d'abord, puis par des conventions multilaterales notamment l'Accord General sur
les tarifs douaniers et le Commerce (GATT) (§1), les unions douanieres
(§2) pour enfin atteindre le plus haut niveau, r organisation Mondiale du
commerce (§3), toujours dans le meme cadre, plutot elargi (OMC).
§1. Accord General sur les tarifs douaniers et le
commerce (GATT)
Le principe devait etre consacre par la conference economique
mondiale reunie, en 1927, par la SDN, puis par la charte de la Havane, redige
au lendemain de la deuxieme guerre mondiale, par une conference convoquee a
l'initiative des Nations Unies.52
L'accord general sur les tarifs douaniers et le commerce
(GATT), entre en vigueur le 1" janvier 1948, est le seul instrument
multilateral qui &once des regles convenues en matiere de commerce
international.53
La philosophie du GATT, en 1947 s'inscrivait dans le contexte de
rectification de l'ordre economique neo-liberal de rapres guerre. En 1947, avec
le GATT, it s'agissait de
si CARRIERE, J., Op.Cit., p.383.
52 Idem.
53 DUNKEL, A., ABC des Nations Unies,
New-York, Department de l'information de Nations Unies, 1994,
p.261.
retrouver, par voies conventionnelles et institutionnelles, ce
qui etait, avant la premiere guerre mondiale, une situation naturelle : a
savoir la liberte du commerce. En outre, it s'agissait de multilateraliser les
relations commerciales inter -etatiques qui etaient jusqu'alors essentiellement
bilaterales.54
Comme nous le constatons, cette philosophic neo-liberale,
issue des doctrines d'Adam Smith, de David Ricardo dans "la loi des avantages
compares" et de Stuart Mill, s'est concretisee, dans l'accord general, en un
certain nombre de principes et de clauses que nous allons etudier.
I. La clause generale du traitement de la nation la plus
favorise'e.
Partant de la conception de certains publicistes, notamment
Benjamin MULAMBA MBUYI55, on situe souvent la notion de la clause de
la nation la plus favorisee dans le contexte general du droit des traites. On
la rencontre frequemment dans les traites de commerce (traites contrats) et par
elle, les parties au traite (bilateral ou multilateral) initial se promettent
d'accorder des avantages commerciaux particuliers a un autre Etat tiers dans le
futur.
Dans le cas d'espece, les pays commercants renoncent souvent,
en premier lieu, a leur complete autonomie tarifaire. Its fixent un tarif
general et un tarif minimal. En l'absence d'accords douaniers, c'est le tarif
general qui joue ; quand une convention douaniere est passee avec un pays
partenaire, explique jean CARRIERE, le tarif conventionnel, c'est-à-dire
le tarif defini par l'accord douanier, ne peut descendre audessous du tarif
minima1.56
Cette clause est l'apport principal du GATT, d'autant que son
champ d'application est -fres vaste : elle s'applique non seulement
aux droits de douane, la reglementation et des formalites afferentes aux
importations et aux exportations et a la fiscalite interieure des produits
importes ; mais aussi, elle fait l'objet de garanties et de controle par voie
de consultation et de conciliation.57
54 CARREAU, D. 'et al', Droit international
economique, 31' ed. Paris, L.G.D.J., 1990, p.105.
55 MULAMBA MBUYI, B., Introduction a Petude
des sources modernes du droit international public, Quebec, P.U.L.,
1999, p.113.
CARRIERE, J., Op.Cit., p.383.
57 QUOC DINH% N. 'et al', Droit international
public, 6eme ed., Paris, L.G.D.J., 1999, p.1066.
Le contenu de la clause dans l'accord general peut se
comprendre de plusieurs maniere d'apres certains auteurs, notamment Dominique
Carreau, Thiebaud Flory et Patrick h illard58 que nous nous
proposons d'en synthetiser Pidee :
En premier lieu, on assiste a une multilateralisation de la
clause, en ce sens que la clause s'applique desormais entre tous les etats
signataires de l'accord general ;
En deuxieme lieu, on assiste a une extension du champ
d'application de Ia clause. En vertu de Particle 1 de l'accord general, le
traitement de la nation la plus favorisee s'applique aux domains suivants :
- 'les droits de douane et les impositions de toute nature pelvis
a l'importation ou l'exportation ou a l'occasion de l'importation ou a
l'exportation' ;
- `les droits qui frappent les transferts ou imposition' ;
- Tensemble de la reglementation et des fonnalites afferentes aux
importations ou exportations';
-les questions relatives a la fiscalite interieure sur les
produits importes et relatives a la commercialisation de ces produits importes
(par renvoi a Particle III, §2 et §4, de l'accord general');
En troisieme lieu, l'accord general marque un retour a
l'application
inconditionnelle de la clause (telle qu'elle etait formulee
dans sa theorie originelle et avant qu'elle ne soit denaturee au cours de Ia
periode de l'entre-deux guerres). Dans le cadre du GATT, Ia clause ne saurait
dependre, pour son application de conditions de nature commerciale ou non
commerciale. Elle a un caractere automatique ;
Enfin, en quatrieme lieu, on assiste avec le GATT a une
institutionalisation de Ia clause de la nation la plus favorisee. En effet, les
Parties contractantes et les differentes institutions du GATT sont chargees de
la surveillance de Papplication du traitement de la nation la plus favorisee
dans les rapports commerciaux entre les parties contractantes.
58 CARREAU, D. 'et al', Op.Cit.,
pp.107et 108.
Etant donne qu'a cote de chaque principe reside souvent une
exception, la clause a aussi quelques exceptions resultant notamment des
dispositions conventionnelles. II convient de mentionner celles qui sont
applicables aux zones de libre-echange et aux unions douanieres d'une part.
Notons que ces deux regimes d'exceptions englobent des domaines importants du
commerce international qui sont soustraits a l'application du traitement de in
nation la plus favorisee (T.N.P.F) . D'autre part, les exceptions resultant
d'une decision des parties contractantes (ou du conseil) en ce sens que toute
derogation a l'application de la clause dans des cas non prevus par les
dispositions conventionnelles du GATT, doit expressement resulter d'une
decision des parties contractantes (ou du conseil) prise conformement a la
procedure de l'article XXV, §5 de l'accord general.59
L'accord general est loin de contenir une reglementation aussi
coherente et complete que la convention de la Havane car, malgre les
amendements ulterieurs, son objet est exclusivement douanier. Le systeme
international du commerce comporte de ce fait des lacunes que les Etats en
developpement ont critiquees et dont ils ont pris argument pour preconiser
certaines reformes.6°
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