II.2- RESISTANCE A L'ACCULTURATION ET A LA DOMINATION
TECHNOLOGIQUE
La stratégie du développement local à
bien des égards se présente comme une spécificité
de la résistance locale contre l'introduction de nouvelles technologies
et la modernisation dans son ensemble. La modernisation, par l'introduction
inappropriée des technologies occidentales, a remis en cause le
système de production dans les pays en développement.
Obsédés par les produits exportables, les agents de la
modernisation attaquent les secteurs vitaux des économies en
développement, en détruisant le plus souvent la culture des
produits de subsistance. De surcroit, ils contribuent à
déstructurer les économies locales et les systèmes de
valeurs des sociétés dites traditionnelles. Les agents de la
modernisation ne prennent nullement en compte la structuration familiale et
communautaire qui détermine l'organisation sociale qu'ils entendent
modifier. De la stérilisation à la désertification des
sols, l'introduction des techniques maladroites et inadaptées n'a pas
contribué au grand miracle, qui était censé racheter les
nonoccidentaux de leur mode de vie proche de la misère.
Ces échecs pour le moins chaotiques ont provoqué
chez certains et renforcé chez d'autres, le besoin de culturaliser et de
contextualiser la pensée globaliste de l'aide au développement en
exhortant:
(i) Le respect de l'identité culturelle
des collectivités:
Le développement ne doit pas broyer les
différences identitaires. Il doit permettre aux collectivités de
se transformer cumulativement et durablement sans altérer leur
conformation typique, sans culturellement les aliéner, car :
`'C'est dans la culture, en effet, que le
développement trouve son impulsion fondatrice, dans les besoins et les
aspirations des individus comme des collectivités, dans les fins qu'ils
s'assignent et dans les projets qui les
concrétisent.''44
Ainsi, la revendication des diversités de cultures
constituera le socle de la contestation locale de la modernisation
péjorativement unificatrice. Une valorisation des identités
culturelles est de nature à transformer les populations en acteurs
réels de leur propre développement.
(ii) La valorisation de la technologie
traditionnelle et l'adaptation fonctionnelle de la
technologie moderne :
Dans la perspective de la modernisation, les populations des
communautés en développement ont été victimes du
préjugé selon lequel elles ne possédaient d'aucune
technologie, tandis qu'il n'existe ni de vide technique et ni de vide
culturel45. Selon Jacques Perrin, les difficultés
d'apprentissage- constatées chez les populations locales par rapport aux
nouvelles technologies modernisantes- ne sont que l'interférence de
cellesci avec les habitudes techniques traditionnelles. Ce n'est que par une
vision occidentaliste systématiquement centrée qu'on ignore
l'existence des technologies traditionnelles. Sinon, elles existent bel et
bien:
44 Unesco, Examen et évaluation de l'application de la
stratégie internationale du développement pour la
troisième décennie des Nations Unies pour le
développement, doc.119 EX/16, Paris, Unesco, 1984, p.44
45 Perrin, J., Les transferts de technologie, Editions La
Découverte/Maspero, Paris.
`'Les technologies traditionnelles sont le fruit d'une
interaction plusieurs fois millénaire entre la société
humaine et la nature.46»
Le développement local ne ferme pas sur soi-même
jusqu'à l'autarcie, car les contestataires de la globalisation ont
reconnu que le:
`'Respect de l'identité culturelle ne saurait
toutefois signifier négation de l'apport extérieur, mais la
nécessité de leur assimilation (de leur `'digestion'') par les
populations concernées». 47
L'occident doit chercher à se conformer à
l'idée de Jacques Bousquet selon laquelle l'on doit aider les autres
à se développer à leur manière.48 Au
plan économique, le développement local cherche à
établir une politique de substitution aux importations massives, de
multiplication d'activités de petite dimension destinées au
marché en vue d'une certaine autosuffisance, d'une diversification et
intégration des activités et des produits locaux.
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