CHAPITRE II PRINCIPALES STRATEGIES DU DEVELOPPEMENT
LOCAL
CHAPITRE II : PRINCIPALES STRATEGIES DU DEVELOPPEMENT
LOCAL
S'élevant pour constater l'échec des politiques
économiques ultralibéralistes, le développement local
entend réintégrer- au développement des espaces
déterritorialisés par la globalisation- les dimensions humaine,
sociale, historique et culturelle. Le développement local constitue la
stratégie par laquelle les micro-espaces luttent contre l'exclusion
forgée, la paupérisation systématisée par les
méga-entreprises et États maitres du monde. Les acteurs locaux,
impliqués dans le processus du développement, misent
essentiellement sur la mobilisation et la valorisation des potentialités
propres pour résister et créer des alternatives à
l'uniformisation déshumanisante du monde. Ils décident donc de se
mettre au poste de commande pour piloter le processus de développement
de leurs collectivités. Sans exclure pourtant l'assistance venant d'en
haut ou de l'extérieur.
Les théoriciens, sans s'accorder sur une
définition restreinte de la notion du développement local,
partagent l'idée selon laquelle le `'local» impliquerait entre
autres : (i) L'espace idéal pour construire les solidarités et
les conditions d'une vie meilleure ; (ii) L'échelon le plus efficace
pour faire fructifier les interactions quotidiennes des acteurs ; (iii)
L'échelon immédiatement récupérable du
néolibéralisme mondialisé.
II.1- REAPPROPRIATION ET RECONSTRUCTION DE
TERRITOIRES
Face à la globalisation qui vide les territoires de
leurs contenus économique, socioculturel et politique en imposant
à tous un territoire virtuel, l'espace-marché, des acteurs
déçus des illusions globalistes se mettent et cherchent à
récupérer et à reconstruire leurs territoires
dévitalisés ou déconstruits. Cette initiative, posant la
réappropriation et la reconstruction du territoire comme fondement
stratégique du développement, reconnait la dimension
local comme: cadre de vie le plus intime et le plus proche
à l'individu et à la collectivité imprégnant toutes
les sphères de la quotidienneté et formant l'espace de vie,
l'espace relationnel de base.
Par la dimension local ainsi comprise,
s'établit un distinguo stratégique entre territoire et
espace. Le territoire est cette entité qui invoque le
sens et le symbolisme du temps et de l'histoire. Il est cet espace
qu'on s'est approprié, qu'on a conquis avec le sentiment et la
conscience de son appropriation et de sa conquête. Le territoire fait
référence à la communauté dont on mesure
l'autorité et la légitimité par ses capacités
d'assurer l'intégrité spatiale et l'organisation de son
territoire. Contrairement à l'espace qui n'implique pas
nécessairement appropriation et appartenance, le territoire -
faisant référence à la fois à la notion juridique
(Etat, Département, Commune..), à la notion sociale (population,
communauté, tribu...), et à la notion culturelle et affective
(quartier, rue, ruelle....) - exprime l'identification, l'appropriation, la
socialisation de l'espace dans une vision collective.
Dans cette perspective territorialiste, le développement
se comprend alors comme :
`'...un processus collectif d'innovation territoriale
inscrit dans la durabilité. Ce processus s'enracine dans un territoire
pertinent, il y fédère et organise en réseau les acteurs
économiques, sociaux, environnementaux et culturels pétris d'une
culture Commune de projet dont la finalité est le bien-être
collectif et la centralité: l'être humain''.41
Le développement est donc un système
évoluant dans le temps dans le cadre duquel des acteurs
développent cette culture Commune de projet en produisant et en
consommant les activités.
`'Chaque processus de développement local est
propre et singulier à un territoire et à ses acteurs dans un
temps défini. En d'autres termes, chaque
41 DECOSTE, D-P., Guide de diagnostic de situation et de
modèle de plan stratégique de développement local,
Université Libre de Bruxelles, Bruxelles, Novembre 1998, p. 7.
territoire produit un processus de développement
local qui correspond à sa propre identité et à celle de
ses acteurs en fonction de la période oil il s'organise. Dès
lors, chaque Commune ou association supra-communale produira son propre
développement local''42.
Le développement territorial se justifie donc par la
volonté des acteurs locaux d'enrayer ou d'atténuer la
désintégration économique et sociale au niveau local, et
de répondre à leurs besoins de trouver un environnement proche et
rassurant pour s'épanouir et agir. C'est en ce sens que le
développement territorial local se situe dans une transaction de
proximité d'au moins trois (3) niveaux entre les humains et leurs
ressources :
(i) La régulation politique : le
développement local est envisagé sous l'angle de la
décentralisation et de la démocratisation. La
crise de l'Etat- tant sur le plan de la gestion et de la
représentativité- a suscité le besoin d'une gouvernance
locale, c'est-à-dire la capacité à forger des compromis
sociaux sans utiliser nécessairement l'Etat central. Pour ce faire, il
importe un transfert aux Collectivités Territoriales (CT) des
compétences antérieurement exercées par le pouvoir central
ou l'attribution aux CT des compétences actuellement non exercées
par une autre entité publique. Il est nécessaire non seulement
d'encourager l'Etat central à jouer son rôle moteur dans le
processus du développement, mais aussi faut-il appuyer les initiatives
des forces locales en vue d'une promotion continue des valeurs de concertation
et de démocratie.
(ii) La planification économique : le
territoire est appelé à jouer pleinement son rôle
d'intégrateur d'activités. La planification s'active à
résoudre une des principales contradictions de l`aménagement du
territoirequi entend:
»...d'une part, assurer la
compétitivité des territoires ; d'autre part, rechercher pour
tous ces territoires une égalisation des conditions de vie et un
même accès aux principaux services
publics»43.
Un ensemble d'actions seraient donc engagées afin de
mettre le territoire en état de prospérer, de se
développer et de mettre en oeuvre, par exemple, des politiques d'emplois
en harmonie avec les potentialités du milieu.
(iii) L'intervention sociologique : le
développement local constitue un système d'action et de
création institutionnelle résultant d'une fermentation
sociologique. Il serait nécessaire de considérer
l'identité des territoires si l'on souhaite un développement
qualitatif des individus dans leur milieu. Le lien social se place donc
à la base du développement afin d'éviter la dispersion et
la distorsion socioculturelles.
En fin, le développement territorial illustra une
dimension culturaliste et existentialiste du développement. Dans la
mesure oil sont essentiels, pour le processus du développement, les
phénomènes de contact et d'interpénétration des
cultures et des valeurs intersubjectives. Le développement local
territorial placera les acteurs dans un être-ici-maintenant oil ils se
' L'action par laquelle une autorité politique se
substitue, éventuellement sans leur consentement, aux personnes
singulières pour déterminer à leur place à quelle
fin et selon quelle modalité occuper et utiliser telle ou telle partie
du territoire.
43 Nemery, JN-Claude et all, Gouverner les Territoires, juin
1994, datar/éditions de l'aube. P. 15
définissent dans l'acte quotidien aux seules fins de
transformer l'espace approprié et conquis en un milieu innovateur.
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