I.2 DEVELOPPEMENT LOCAL : EMERGENCE D'UNE STRATEGIE
REACTIONAIRE
La globalisation, par ses dimensions politiques et
idéologiques, s'impose comme seule alternative au le
développement des sociétés humaines. Elle fait la
promotion d'une pensée unique imposée par une minorité
d'Etats et d'institutions internationales tout puissants (les nouveaux
maîtres du monde) qui transpose les Etats-Nations, surtout les pays
pauvres, dans un contexte où ils ne peuvent plus réguler en toute
autonomie leurs déterminants macroéconomiques du
développement. Les Etats-Nations sont donc soumis aux pressions du haut
de l'extérieur qui cherche à libérer les capitaux et
à centraliser les espaces en faveur d'une économie unique et
mondialisée. Cet état de chose ne fait qu'approfondir les crises
des EtatsNations devant: l'extrême pauvreté, la faim, le
chômage, l'analphabétisme, etc
.
C'est en résistance à cette globalisation
homogénéisante, cette pensée globaliste, qu'émerge
vers les années 70 et 80 une pensée localiste selon laquelle
c'est à partir du niveau local, par ses moyens, ses philosophie propres,
qu'on peut parvenir à reterritorialiser les espaces
déséconomisés, à rendre viables les
communautés, les sociétés, et même le monde.
Après avoir trop subi les failles d'un
développement orchestré du haut par un état mis sous
pression, d'une stratégie de développement qui ne prend pas en
compte les sensibilités et les besoins spécifiques des
communautés, les acteurs locaux s'accordent pour revendiquer une marge
plus grande d'autonomie en vue d'une prise en main propre. Ce volontarisme de
prise en
main localement a contribué à dégager une
pratique et dynamique de développement que les théoriciens ne
tardent pas à baptiser le développement local.
La philosophie du développement local, cette
contre-culture de la non-domination38 , a suscité la
résurgence, un peu partout dans le monde, du mouvement d'autonomisation
des communautés, des microprojets de quartier, des coopératives
communautaires. Cette transformation singulière dans la logique du
développement mondial est comme un éclatement si l'on se
réfère au propos de Paul Houée en ces termes :
`'..L'arrogance du modèle unique croit imposer ses
règles marchandes comme valeurs universelles, mais n'entraîne que
le réveil des tribus ou l'éclatement d'îlots dans une
société d'archipels en pleine
tempête''.39
C'est un éclatement donnant naissance à une
nouvelle stratégie de développement qui se repose sur
l'autonomisation et la protection des communautés. C'est en ce sens que
Jeremy Rifkin fonde la résistance contre la globalisation sur la force
des communautés :
`'Ce n'est qu'en bâtissant des communautés
fortes et autosuffisantes dans tous les pays que les populations pourront
résister à la déferlante des mutations technologies et
à la mondialisation des marchés, qui menacent les moyens de
subsistance et la survie même d'une grande partie de la famille
mondiale''40.
38 Sainsine, Y., Mondialisation, développement et paysans
en Haïti: Proposition d'une approche en termes de résistance.
Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Lovain, 2007
39 in Methot, M., Le développement local au risque de
l'utopie : Vers une interprétation des enjeux du développement
local au 21 ème siècle (thèse de doctorat,
université du Québec à Rismouski ) , p. 154
40 Idem
C'est toute une philosophie de
faire-ensemble-pour-nous-mêmes, du vivre-ensemble local qui constitue une
seconde pression (venant cette fois-ci du bas intérieur) sur
l'Etat-Nation. Celui-ci n'aura d'autre choix que de s'y impliquer en concoctant
des politiques plus axées sur la décentralisation, et en
reconnaissant, par le fait même, que les acteurs locaux (individus et
institutions) comme des intervenants tout aussi pertinents qu'incontournables
en matière de développement.
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