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Décentralisation et mise en Å“uvre des stratégies de développement local: analyse du système de gouvernance territoriale du cas de Croix-des-Bouquets

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par Edy FILS-AIME
Université d'état d'Haà¯ti département des sciences du développement - Maitrise en sciences du développement 2012
  

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PARTIE PREMIERE :

EMERGENCE, STRATEGIES ET CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT
LOCAL

PARTIE PREMIERE:

EMERGENCE, STRATEGIES ET CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL

Le développement local est en dépit de son acceptation comme réalité désormais incontestable reste et demeure un produit de l'histoire des contradictions sociopolitiques, économiques voire religieuses du monde occidental. Sa (re)production se comprend à partir de la fabrication de la notion du développement même, tantôt vue elle-même comme un fait naturel inévitable et irréversible, et tantôt comme la conséquence de la domination, de l'exploitation et de la dépendance de certaines catégories de pays par une autre catégorie donnée. Fort de cela, le chapitre I de cette partie du travail expose le cheminement et les ruptures qu'a subi la notion du `'développement» avant de conduire à l'avènement de la philosophie localiste du développement.

Afin d'expliquer la notion développement local de manière précise, le chapitre II reprend les principales stratégies de celle-ci. Que le développement local soit utilisé comme instrument de résistance pour se réapproprier et reconstruire des territoires, ou pour résister à l'acculturation et à la domination technologique et politique, ou comme outil issu du néolibéralisme pour mieux exploiter les avantages comparatifs, ou encore comme socle pour la territorialisation soutenable des actions publiques, la notion du développement local ne se défait jamais de ses spécificités liées à l'idée de proximité, de participation, et de partage de responsabilités et de compétences. D'où le lien inextricable entre le développement local et la décentralisation. Ce lien constitutif et instrumental est spécifiquement traité dans le chapitre III où la notion de décentralisation est placée dans la problématique globale de la gouvernance territorialle pour le développement. Ces trois (3) chapitres, pour le moins, servent essentiellement à dégager les invariants des notions de décentralisation et de développement local, et leurs liens organiques.

CHAPITRE I: ESSOR DU DÉVELOPPEMENT AU DEVELOPPEMENT LOCAL

Pour définir le développement, on fait référence généralement à la définition devenue classique de François Perroux : `'La combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la rendent apte à faire croitre cumulativement et durablement son produit réel et global»8. Mais le développement comme notion officielle tire son origine historique en 1949 précisément le 20 janvier au point IV du discours du président américain Harry S. Truman, dans le cadre du plan Marshall :

`'...Quatrièmement, il nous faut lancer un nouveau programme qui soit audacieux et qui mette les avantages de notre avance scientifique et notre progrès industriel au service de l'amélioration et de la croissance des régions sous-développées. Plus de la moitié des gens de ce monde vivent dans des conditions voisines de la misère. Leur nourriture est insatisfaisante. Ils sont victimes de maladies. Leur vie économique est primitive et stationnaire»9...

C'était la première fois que l'adjectif sous-développé était utilisé pour signifier `'économiquement primitive et stationnaire». D'où sera construit le substantif sousdéveloppement en introduisant un rapport inédit entre sous-développement et développement dans un paradigme qui n'avait jamais existé auparavant. Depuis fut inaugurée une nouvelle vision du monde, l'ère du développement. Wolfgang Sachs a constaté que l'épithète régions sous-développées du président Truman devenait :

8 In Deubel, P., Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, 2008, p. 20

9Rist G., Le développement : histoire d'une croyance occidentale. Paris: Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1996. 462 p.

`'Un concept charnière depuis lors jamais remis en question qui engloutit l'infinie diversité des modes de vie de l'hémisphère sud dans une seule et unique catégorie : sous-développée''10.

Sachs poursuit :

`'Du même coup et pour la première fois, sur les scènes politiques importantes, surgissait une nouvelle conception du monde selon laquelle tous les peuples de la terre doivent suivre la même voie et aspirer à un but unique : le développement.

`'11

La notion du développement depuis son officialisation a soulevé toute une kyrielle d'interrogations et de critiques par rapport à ses origines, ses fondements et ses perspectives.

I.1.- PRINCIPAUX PARADIGMES DU DEVELOPPEMENT

C'est ainsi que la notion du développement sera t-elle l'objet d'un ensemble de théories et approches qui se succèdent et s'entrecroisent soit dans un paradigme évolutionniste soit dans un paradigme marxiste ou dans un paradigme historico-systémique.

A. PROCESSUS NATUREL ET CULTUREL

Dés son origine officielle en 1949, la notion du développement- étant théoriquement associé au naturalisme- est comprise comme un processus naturel de changements ininterrompus, cumulatifs, irréversibles (retour impossible au stade antérieur) et dirigés vers une finalité précise.

10 SACHS, Wolfgang (1996), « Le développement : une idéologie en ruine », in W. Sachs et E. Gustavo, Des ruines du développement, Montréal, Écosociété, P. 50

11 Idem

Cette conception présuppose que le sous- développement était, il y a des siècles, la condition générale de l`humanité et qu'aucune nation ne puisse éviter le développement. Les évolutionnistes présentent le développement comme le produit d'un ensemble de transformations à la fois naturelles et culturelles ou d'étapes de croissance décrites 12 en 5 étapes :

- La société traditionnelle non industrielle : ce serait l'étape initiale générale de l'humanité où la terre représente la source de richesses la plus importante. A proprement parler, la société traditionnelle n'est pas strictement statique. Elle a pour ainsi dire une science et connaît certaines inventions, mais non pas un courant suffisamment élaboré pour provoquer des innovations technologiques. C'est ainsi l'histoire de cette société est-elle cyclique. La société traditionnelle peut se développer jusqu'à un certain niveau, mais toujours elle se heurte à un plafond technologique qui la fait retomber dans des crises qu'elle n'a pas la capacité de résoudre.

- Les conditions préalables au changement : ce serait l'étape de la germination et de la diffusion des valeurs nouvelles favorables au changement de mentalité et de comportement pour le progrès. L'éducation et la formation se développeraient massivement et joueraient un rôle primordial dans les facteurs de production. La société développe ses infrastructures et cadres juridiques et institutionnels à un niveau plus fonctionnel. C'est l'étape de l'apparition d'une classe d'entrepreneurs sensibles à l'introduction de la technologie dans la production.

- Le décollage ou le take-off : ce serait l'étape où sont vaincus les anciens blocages et les anciennes résistances pour ouvrir la voie à une croissance continue. A cette étape, est constatée l'implantation des premières usines à effets industrialisants. La société connaît une transformation de ses structures politiques et sociales en faveur de sa

12 Rostow, W.W.: Les étapes de la croissance économique. Ed. du Seuil , Paris, 1970.

croissance économique auto-entretenue où l'État se fait très présent pour jouer son rôle moteur d'incitateur au développement.

- La marche vers la maturité : la société connaîtrait une expansion de la technologie moderne dans toutes ses activités économiques, ce qui entraîne une augmentation considérable du niveau de production (diversification des biens dans tous les secteurs, développement de spécialisations, etc.).

- L'âge de la consommation de masse : cette étape corresponderait au moment où tous les moyens techniques (coïncidant avec un revenu élevé) permettent de produire des biens de consommations durables (automobiles en série, des logements, des supermarchés, etc.). Tous les besoins essentiels de la population sont censés couverts. La classe moyenne ayant accès à la consommation de biens durables connaît un niveau de vie élevé.

La différence essentielle entre les pays développés et les pays sous-développés serait d'ordre culturel. Le sous-développement résulterait de l'incapacité de certains pays à appliquer à temps des politiques institutionnelles adéquates, de la résistance active et de l'inadaptation des systèmes de valeurs traditionnelles aux systèmes de valeurs modernes. Seraient donc sousdéveloppés les pays qui favorisent la tradition plutôt que l'innovation, les aspects communautaires ou régionalistes plutôt que les perspectives de conciliation nationale ou globale.

Comme remède au sous-développement, les évolutionnistes promeuvent la modernisation qui serait la stratégie parfaite pour accélérer le développement dans les pays en retard. Comme support, ces derniers devraient bénéficier de l'assistance technique, de la technologie industrielle des pays développés pour atteindre le démarrage et la croissance économique.

Cette approche étapiste du développement est vivement critiquée par les marxistes du fait que :

(i) La théorie présenterait une conception unilinéaire du développement et présuppose que tout pays aspirant au progrès doit nécessairement passer par une seule et unique voie.

(ii) La théorie renfermerait une vision trop simpliste de l'évolution de l'humanité. Les limites entre les étapes de la croissance seraient peu précises. Des étapes comporteraient des caractéristiques pour ainsi dire identiques. En plus aucune société des pays dits sous-développés ne représenterait les caractéristiques de la société traditionnelle qui constitue l'état initial de la théorie évolutionniste.

(iii) La théorie évolutionniste nierait les forces complexes. Car une société constituerait un ensemble complexe qui mériterait d'être pris comme un tout, en tenant compte de la dynamique globale des acteurs et des facteurs.

Les critiques de la théorie évolutionniste, se sont développées et approfondies particulièrement dans le cadre du paradigme marxiste du développement.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo