VII.2. Tentations recentralisatrices des
autorités haïtiennes
Cette compréhension de `'fait calculé sur mesure
`' est d'autres en plus renforcée, car, après environ un quart de
siècle depuis l'adoption de la Constitution de 1987, les organes
Constitutionnellement prévus dans le processus de la
décentralisation ne sont qu'infirmement mis en place et ceci dans une
logique pour ainsi très déconcertante. Les Conseils Municipaux
fonctionnent sans les Assemblées Municipales, organes de contrôle,
de délibération et de participation. Aucun conseil
départemental ne fonctionne, ce qui entraine automatiquement le
non-fonctionnement du Conseil Interdépartemental. La configuration- des
institutions fonctionnelles et non fonctionnelles de la
décentralisation- soulève un paradoxe dans le processus. Les
conseils exécutifs des Communes dont le statu est mitigé
existent. Les conseils exécutifs des Départements dont le statu
est sans ambigüité n'existent point. Les Communes fonctionnent dans
une précarité juridique. Les Départements qui auraient la
latitude légale nécessaire pour fonctionner pleinement comme
entité décentralisée n'ont ni conseils exécutifs,
ni Conseils délibératifs ou participatifs (Assemblées
Départementales) dans la réalité. Tel est aussi le cas du
Conseil Interdépartemental (CI) qui travaillerait directement avec
l'Exécutif, et participerait au Conseils de ministres dans le cadre
l'étude et de la planification des projets de décentralisation et
de développement du pays (article 87-87.5 de la constitution de
1987).
Pourquoi des entités ont été mises en
place et d'autres non ? Pourtant toutes les Délégations et
Vice-Délégations sont fonctionnelles. Les entités
délégataires même de l'exécutif et de chaque
ministre du gouvernement ont vue ces dernières années leur
situation en parfaite amélioration. On a assisté à un plus
grand déploiement territorial de l'État centrale par le biais
des Directions départementales dont les conditions
matérielles ont sensiblement amélioré. L'État
semble se renforcer sans accompagner les entités
décentralisées à se renforcer. Assiste t-on à un
retour du centralisme d'autrefois?
VII.3. Absence de vision stratégique
unifiée et de volonté politique de l'État haïtien
En 2006, soit 19 ans après, est publié le
parquet de cinq (5) décrets qui viennent régler le mode
d'organisation et de fonctionnement des Collectivités Territoriales.
Cependant ces décrets sont frappés d'interdit politique.
L'État n'a pas une position arrêtée des décrets. Ils
ont été publiés dans le journal officiel du pays par
l'exécutif. Il n'y a jamais eu d'arrêté ni de
décrets contraires aux cinq décrets, cependant ils ont
été politiquement mis en veilleuse. Puisqu'en dehors de ces
décrets c'est le vide au niveau du mode de fonctionnement et
d'organisation des CT, le MICTDN, exerçant le contrôle de tutelle
sur les CT, en fait un usage mitigé. Les décrets constituant la
`'Charte des Collectivités Territoriales» sont mis en ligne sur le
dite du MICTDN, mais aucun officiel ne les assume publiquement. Le MICTDN a
publié en Avril 2011 le Recueil de textes normatifs entourant l'action
locale (648 pages) où ces cinq décrets ont été
largement cités et exploités dans la régulation du mode de
fonctionnement et d'organisation des CT, cependant contrairement à tous
les autres textes cités, les décrets ne figurent dans l'annexe.
Ces décrets à la fois utilisés et mis sous suspicion
créent une confusion monstre sur l'organisation et le fonctionnement des
CT. On est donc devant un État marron qui n'assume pas ses actes, qui ne
tranche pas et qui joue sur les confusions pour se déresponsabiliser.
Dans cette confusion ou flou juridique grave, l'État
qui est censé être un organe unifié de décisions est
déchiré par ses propres contradictions. Le MPCE et le MICTDN sont
bien connus pour leurs guerres intestines dans le cadre de leurs interventions
dans les Collectivités Territoriales. Le MICTDN armé de sa
mission de définir et concrétiser la politique du pouvoir
exécutif en ce qui concerne la tutelle des CT, et le MPCE conscient de
sa mission d'élaborer des plans de développement national, ces
deux entités étatiques s'affrontent incessamment afin de
déterminer celui qui agit sur et contrôle les actions des CT.
Selon la stratégie du MPCE, les Communes et les
Sections Communales ne que des niveaux territoriaux opérationnels dont
les politiques de développement doivent s'aligner sur les
priorités définies au niveau de l'arrondissement qui n'est selon
la Constitution n'est qu'un découpage administratif. D'ailleurs, le Plan
national de relèvement et de développement du pays se fonde
essentiellement sur les arrondissements et les
Vice-Délégués pour promouvoir l'aménagement du
territoire et le développement local. Le MPCE, privilégiant la
déconcentration, soutient que la mise en place de services
administratifs locaux serait plus fonctionnelle à l'échelle de
l'arrondissement qu'à ceux des Communes et des Sections communales.
Alors que le MICTDN veut que la décentralisation- comme mode de
responsabilisation et de capacitation des Maires et des Casecs- soit au centre
des décisions stratégiques. Ainsi deux (2) visions d'organisation
territoriale s'affirment et s'affrontent. Des activités du MPCE sont
parfois paralysées, car il n'a pas la capacité de mobiliser les
Maires et Casecs qui sont pour ainsi dire contrôlés pour le
MICTDN. Ce dernier, à son tour, s'enlise dans un certain renforcement de
l'administration locale sans pouvoir effectivement accompagner le processus du
développement territorial des Communes et des Sections Communales. Car
pour cela, l'expertise en planification et aménagement du territoire du
MPCE serait nécessaire.
La stratégie de l'organisation et du
développement territorial est d'autre en plus ambiguë que d'autres
acteurs comme les députés, les sénateurs, et même le
président outrepassent leurs prérogatives Constitutionnelles pour
piétiner les attributions des Délégués, des Maires,
des Casecs. Bien que le Maire soit le premier responsable de
développement de la Commune, Souventefois c'est le député
et/ou le sénateur qui reçoivent du gouvernement central les fonds
pour faire opérer des projets de développement, et ceci à
l'insu même du premier citoyen de la Commune qui est le Maire. Quand les
Casecs ne sont pas directement convoqués au Palais national pour
recevoir les dons et les instructions de l'exécutif, ils sont
recrutés sur terrain via le MICTDN pour devenir des agents locaux du
pouvoir exécutif. N'ont-ils récemment reçu des cellulaires
et des motocyclettes pour mieux faire les campagnes électorales du
pouvoir en place ? Les délégués départementaux ont
été mis en poste pour des fins uniquement politiques. On a
observé récemment des délégués
démissionnaires qui s'enorgueillissent d'avoir fait leur job en
contribuant à la victoire des sénateurs du président de la
république qui l'a nommé. Les
représentants de l'État central feignent une
mécompréhension totale des organisations et attributions des
institutions locales. Ils les domestiquent par l'abus du pouvoir et les
corrompre avec les ressources mêmes qu'ils devraient mettre à leur
disposition.
Toutefois, cette pratique déroute l'idéal
explicite de la Constitution de 1987. L'absence des CI laisse le champ libre
à l'exécutif et au gouvernement de faire les grandes
décisions de la nation sans la concertation et la participation des
populations locales. Les Conseils Municipaux et Casecs en poste se trouvent
dans des conditions vulnérables qui ne leur permettent point d'exercer
les pouvoirs et compétences octroyés. Les observations directes
ont révélé que les élus locaux (Maires, Casecs)
sont peu conscients des compétences qui leur sont octroyés. Ceux
qui en sont plus ou moins conscients par moments n'ont pas
nécessairement la faculté, la capacité ou la
possibilité matérielle d'en exercer. C'est ainsi qu'il a
été aussi observé que de manière pratique les
Casecs fonctionnent sous le contrôle des Maires, qui se jettent à
leur tour dans les mains du pouvoir centrale, notamment le MICTDN dont le
contrôle de tutelle devient en réalité un véritable
contrôle hiérarchique. Au lieu d'encourager la mise en place des
Assemblées Constitutionnelles, le pouvoir centrale, par le biais du MPCE
fait tout pour établir des structures non-constitutionnelles
parallèles : les Tables Départementales de Concertation (TDC),
les Tables Communales de Concertaion (TCC) et des Tables Sectoriels
(éducation, santé, environnement, justice, agriculture, etc.).
Les TDC, TCC et TS bénéficient- depuis le passage du cyclone Jane
en Haïti (2004) notamment à Gonaïves- d'une attention
particulière de l'État et des bailleurs de fonds internationaux.
Présidés respectivement par le délégué
départemental, le Maire et le directeur départemental sectoriel,
ces structures sont financièrement appuyées par l'ONU, les ONG,
les OI qui les utilisent comme espace de concertation et de participation entre
le secteur public, la société civile et le secteur
privé.
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