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Décentralisation et mise en Å“uvre des stratégies de développement local: analyse du système de gouvernance territoriale du cas de Croix-des-Bouquets

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par Edy FILS-AIME
Université d'état d'Haà¯ti département des sciences du développement - Maitrise en sciences du développement 2012
  

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VII.2. Tentations recentralisatrices des autorités haïtiennes

Cette compréhension de `'fait calculé sur mesure `' est d'autres en plus renforcée, car, après environ un quart de siècle depuis l'adoption de la Constitution de 1987, les organes Constitutionnellement prévus dans le processus de la décentralisation ne sont qu'infirmement mis en place et ceci dans une logique pour ainsi très déconcertante. Les Conseils Municipaux fonctionnent sans les Assemblées Municipales, organes de contrôle, de délibération et de participation. Aucun conseil départemental ne fonctionne, ce qui entraine automatiquement le non-fonctionnement du Conseil Interdépartemental. La configuration- des institutions fonctionnelles et non fonctionnelles de la décentralisation- soulève un paradoxe dans le processus. Les conseils exécutifs des Communes dont le statu est mitigé existent. Les conseils exécutifs des Départements dont le statu est sans ambigüité n'existent point. Les Communes fonctionnent dans une précarité juridique. Les Départements qui auraient la latitude légale nécessaire pour fonctionner pleinement comme entité décentralisée n'ont ni conseils exécutifs, ni Conseils délibératifs ou participatifs (Assemblées Départementales) dans la réalité. Tel est aussi le cas du Conseil Interdépartemental (CI) qui travaillerait directement avec l'Exécutif, et participerait au Conseils de ministres dans le cadre l'étude et de la planification des projets de décentralisation et de développement du pays (article 87-87.5 de la constitution de 1987).

Pourquoi des entités ont été mises en place et d'autres non ? Pourtant toutes les Délégations et Vice-Délégations sont fonctionnelles. Les entités délégataires même de l'exécutif et de chaque ministre du gouvernement ont vue ces dernières années leur situation en parfaite amélioration. On a assisté à un plus grand déploiement territorial de l'État centrale par le biais

des Directions départementales dont les conditions matérielles ont sensiblement amélioré. L'État semble se renforcer sans accompagner les entités décentralisées à se renforcer. Assiste t-on à un retour du centralisme d'autrefois?

VII.3. Absence de vision stratégique unifiée et de volonté politique de l'État haïtien

En 2006, soit 19 ans après, est publié le parquet de cinq (5) décrets qui viennent régler le mode d'organisation et de fonctionnement des Collectivités Territoriales. Cependant ces décrets sont frappés d'interdit politique. L'État n'a pas une position arrêtée des décrets. Ils ont été publiés dans le journal officiel du pays par l'exécutif. Il n'y a jamais eu d'arrêté ni de décrets contraires aux cinq décrets, cependant ils ont été politiquement mis en veilleuse. Puisqu'en dehors de ces décrets c'est le vide au niveau du mode de fonctionnement et d'organisation des CT, le MICTDN, exerçant le contrôle de tutelle sur les CT, en fait un usage mitigé. Les décrets constituant la `'Charte des Collectivités Territoriales» sont mis en ligne sur le dite du MICTDN, mais aucun officiel ne les assume publiquement. Le MICTDN a publié en Avril 2011 le Recueil de textes normatifs entourant l'action locale (648 pages) où ces cinq décrets ont été largement cités et exploités dans la régulation du mode de fonctionnement et d'organisation des CT, cependant contrairement à tous les autres textes cités, les décrets ne figurent dans l'annexe. Ces décrets à la fois utilisés et mis sous suspicion créent une confusion monstre sur l'organisation et le fonctionnement des CT. On est donc devant un État marron qui n'assume pas ses actes, qui ne tranche pas et qui joue sur les confusions pour se déresponsabiliser.

Dans cette confusion ou flou juridique grave, l'État qui est censé être un organe unifié de décisions est déchiré par ses propres contradictions. Le MPCE et le MICTDN sont bien connus pour leurs guerres intestines dans le cadre de leurs interventions dans les Collectivités Territoriales. Le MICTDN armé de sa mission de définir et concrétiser la politique du pouvoir exécutif en ce qui concerne la tutelle des CT, et le MPCE conscient de sa mission d'élaborer des plans de développement national, ces deux entités étatiques s'affrontent incessamment afin de déterminer celui qui agit sur et contrôle les actions des CT.

Selon la stratégie du MPCE, les Communes et les Sections Communales ne que des niveaux territoriaux opérationnels dont les politiques de développement doivent s'aligner sur les priorités définies au niveau de l'arrondissement qui n'est selon la Constitution n'est qu'un découpage administratif. D'ailleurs, le Plan national de relèvement et de développement du pays se fonde essentiellement sur les arrondissements et les Vice-Délégués pour promouvoir l'aménagement du territoire et le développement local. Le MPCE, privilégiant la déconcentration, soutient que la mise en place de services administratifs locaux serait plus fonctionnelle à l'échelle de l'arrondissement qu'à ceux des Communes et des Sections communales. Alors que le MICTDN veut que la décentralisation- comme mode de responsabilisation et de capacitation des Maires et des Casecs- soit au centre des décisions stratégiques. Ainsi deux (2) visions d'organisation territoriale s'affirment et s'affrontent. Des activités du MPCE sont parfois paralysées, car il n'a pas la capacité de mobiliser les Maires et Casecs qui sont pour ainsi dire contrôlés pour le MICTDN. Ce dernier, à son tour, s'enlise dans un certain renforcement de l'administration locale sans pouvoir effectivement accompagner le processus du développement territorial des Communes et des Sections Communales. Car pour cela, l'expertise en planification et aménagement du territoire du MPCE serait nécessaire.

La stratégie de l'organisation et du développement territorial est d'autre en plus ambiguë que d'autres acteurs comme les députés, les sénateurs, et même le président outrepassent leurs prérogatives Constitutionnelles pour piétiner les attributions des Délégués, des Maires, des Casecs. Bien que le Maire soit le premier responsable de développement de la Commune, Souventefois c'est le député et/ou le sénateur qui reçoivent du gouvernement central les fonds pour faire opérer des projets de développement, et ceci à l'insu même du premier citoyen de la Commune qui est le Maire. Quand les Casecs ne sont pas directement convoqués au Palais national pour recevoir les dons et les instructions de l'exécutif, ils sont recrutés sur terrain via le MICTDN pour devenir des agents locaux du pouvoir exécutif. N'ont-ils récemment reçu des cellulaires et des motocyclettes pour mieux faire les campagnes électorales du pouvoir en place ? Les délégués départementaux ont été mis en poste pour des fins uniquement politiques. On a observé récemment des délégués démissionnaires qui s'enorgueillissent d'avoir fait leur job en contribuant à la victoire des sénateurs du président de la république qui l'a nommé. Les

représentants de l'État central feignent une mécompréhension totale des organisations et attributions des institutions locales. Ils les domestiquent par l'abus du pouvoir et les corrompre avec les ressources mêmes qu'ils devraient mettre à leur disposition.

Toutefois, cette pratique déroute l'idéal explicite de la Constitution de 1987. L'absence des CI laisse le champ libre à l'exécutif et au gouvernement de faire les grandes décisions de la nation sans la concertation et la participation des populations locales. Les Conseils Municipaux et Casecs en poste se trouvent dans des conditions vulnérables qui ne leur permettent point d'exercer les pouvoirs et compétences octroyés. Les observations directes ont révélé que les élus locaux (Maires, Casecs) sont peu conscients des compétences qui leur sont octroyés. Ceux qui en sont plus ou moins conscients par moments n'ont pas nécessairement la faculté, la capacité ou la possibilité matérielle d'en exercer. C'est ainsi qu'il a été aussi observé que de manière pratique les Casecs fonctionnent sous le contrôle des Maires, qui se jettent à leur tour dans les mains du pouvoir centrale, notamment le MICTDN dont le contrôle de tutelle devient en réalité un véritable contrôle hiérarchique. Au lieu d'encourager la mise en place des Assemblées Constitutionnelles, le pouvoir centrale, par le biais du MPCE fait tout pour établir des structures non-constitutionnelles parallèles : les Tables Départementales de Concertation (TDC), les Tables Communales de Concertaion (TCC) et des Tables Sectoriels (éducation, santé, environnement, justice, agriculture, etc.). Les TDC, TCC et TS bénéficient- depuis le passage du cyclone Jane en Haïti (2004) notamment à Gonaïves- d'une attention particulière de l'État et des bailleurs de fonds internationaux. Présidés respectivement par le délégué départemental, le Maire et le directeur départemental sectoriel, ces structures sont financièrement appuyées par l'ONU, les ONG, les OI qui les utilisent comme espace de concertation et de participation entre le secteur public, la société civile et le secteur privé.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci