V.II - CONSTATS ET CONTRAINTES LIES A LA
DECENTRALISATION ET AU DEVELOPPEMENT DE LA COMMUNE DE CROIX-DES-BOUQUETS
Les données sur la Commune ont révélé
de grandes faiblesses de sécurité alimentaire, et sanitaire,
d'infrastructures éducatives de qualité, de logement, etc.
Seulement une minorité de la
population crucienne jouit d'un niveau de vie pour ainsi dire
acceptable. C'est une Commune oüla pauvreté frappe tout
le monde, à l'exception de cette minorité. Le rythme de la
croissance de la population va en s'accroissant pendant que la Commune entre
dans un processus de décapitalisation et de dévitalisation
sévère depuis la chute des Duvalier en 1986.
Cette minorité dont le niveau de vie est estimé
élevé par rapport à la moyenne réside dans la
Commune sans y vit à proprement parler. Car pour elle, la Commune ne
joue que la fonction de dortoir. Les gens participant de la minorité
privilégiée ne font que dormir dans la Commune pour la laisser
très tôt le matin avec leur famille pour aller travailler ou
à l'école à Port-au-Prince, à Pétion
ville... Ce faisant, ils ne développent peu de sentiment d'appartenance
à la Commune. Souvent, ils parlent de `' moun
Kwadèboukè» (les originaires de Croix-desBouquets) pour
marquer leur distance par rapport aux cruciens pour ainsi dire originaires.
Cette distanciation est encore renforcée par les originaires de
Croix-des-Bouquets qui traitent ces gens de `'moun vini» (les gens
fraichement venus). Ces derniers font tout pour se tenir hors de la gouverne de
choses de la Commune. Les empreintes sur l'espace communale ne relèvent
que de consommation. Ils achètent des terres spoliées qu'ils
acceptent de payer plusieurs fois, ils utilisent la main d'oeuvre à bon
marché, ils profitent des négligences ou des incapacités
des institutions pour ne pas payer le fisc et les
services ·. Pour cette catégorie, la Commune reste et
demeure un simple espace pour lequel ils ne déploient aucun effort de
territorialisation. D'autre
Quand ils achètent des terres d'un héritier
sans le reste des héritiers, un autre héritier peut appeler en
justice pour faire repayer les terres sous peine de les faire confisquer. Dans
la majorité des cas, les terres vendues sont du domaine privé de
l'État ou d'un propriétaire résidant à
l'étranger qui entame généralement un procès au
retour. Le plus souvent, l'acheteur qui a eu le temps de construire sur les
terres est contraint de se racheter les terres soi - disant du bon vendeur .
· Ils peuvent construire sans verser à la Mairie
les frais du permis de construire, du droit d'alignement, etc. Car personne
n'apporte de bordeaux pour l'électricité, le
téléphone, etc.
en plus, les cruciens soit disant originaires se distinguent
en `'moun nan bouk» (les gens habitant la ville) et `'moun deyò
bouk» (les gens venant hors de la ville), c'est pour dire la population
crucienne est fondamentalement différenciée.
La pauvreté de masse qui sévit à
Croix-des-Bouquets est donc accentuée par les fortes
inégalités entre hommes et femmes, entre les urbains et ruraux...
la masse de la population crucienne n'a pas accès aux services publics
de base qui sont dominés par le secteur privé. Cette façon
de faire renforce l'exclusion des citoyens ou citoyennes à faible revenu
ou sans revenus, et qui ont donc toutes les peines du monde pour couvrir leurs
besoins fondamentaux. La population de la Commune de Croix-des-Bouquets vit
donc dans toutes les formes d'insécurité (sanitaire, alimentaire,
environnemental, politique, etc.). Les contraintes du développement
communal deviennent nombreuses et épineuses. Elles partent pour ainsi
dire de la défaillance des institutions étatiques
(déconcentrées ou décentralisées), du manque
d'action collective organisée et réflexive de ses agents civils,
à la départicipation des citoyens et citoyennes de la Commune.
Pour clarifier ces constats et contraintes soulevés, il
importe de préciser l'hypothèse selon laquelle :
la décentralisation- étant fondée sur le
partage des responsabilités et des ressources, et la participation
citoyenne- ne favorise le développement local que dans la mesure oil
elle est pratiquée dans un système de gouvernance territoriale
cohérent.
Sont ainsi précisés, délimités et
clarifiés dans le tableau ci-dessous les principaux concepts:
décentralisation, développement local, système de
gouvernance territoriale- participant de la formulation de l'hypothèse
de travail.
Cet aspect est largement développé par Fritz
Dorvilier dans son ouvragre `' Gouvernance associative et développement
local en Haïti, Éditions de l'UEH, 2011». Cette recherche part
d'ailleurs de Belle-Fontaine, espace de la Commune de Croix-des-Bouquets.
Variable(s) Décentralisation Développement
local Système de Gouvernance
territoriale
Définition (s) opératoire (s)
Transfert de certains pouvoirs, de certaines compétences
et de certaines attributions de l'Etat vers
des Collectivités Territoriales (CT) pour qu'elles
disposent d'une personnalité morale et juridique, d'une autonomie
administrative et financière.
Capacités mentales d'une collectivité qui lui
permet de participer au façonnement de son territoire immédiat
dans le but d'améliorer de manière continue et soutenable ses
conditions et qualités de vie.
Mise en réseau des différents acteurs
institutionnels, politiques, économiques et sociaux dans la perspective
d'un programme de développement soutenable de leur territoire.
Dimension(s)
- Valorisation des potentialités locales; -Existence d'une
vision
stratégique partagée;
- Garantie Constitutionnelle du transfert des pouvoirs, des
compétences et des attributions de l'Etat vers des CT ;
- Mise sur les acteurs locaux et la dynamique qui les anime ;
|
-Concertation et coordination des niveaux d'acteurs ;
|
-Election au suffrage universel direct
des autorités locales ;
- Non-existence de contrôle hiérarchique des CT par
l'État ;
- Pouvoirs et compétences à imposer des taxes, et
à relever des taxes propres selon la loi ;
- Transfert régulier et non- conditionné d'une
portion de taxes de l'État vers les CT selon la loi ;
- Transparence de la gestion publique territoriale ;
- Alignement des priorités sur les grands axes de
développement régionaux et nationaux ;
- Primauté du droit dans la gestion des conflits;
- Mise en place des stratégies inscrites dans une
démarche partenariale tripartite entre société civile,
secteur privé et les institutions publiques municipales ;
- Appropriation locale du développement
- Les institutions publiques municipales jouent le rôle de
maitre d'oeuvre du développement;
- Responsabilité dans le domaine de l'éducation,
santé, infrastructures, police et fournitures de certains services
publiques de base, et la planification et gestion du développement.
Indicateur (s) -Cadre législatif et
réglementaire disponible ;
- Intégration harmonieuse des composantes
économique, sociale, culturelle, politique et environnementale.
- Les potentialités locales sont valorisées;
- Autonomisation des citoyens et citoyennes
- Existence d'un Plan local de développement traduisant la
vision stratégique ;
-Les transferts de pouvoirs et des ressources aux CT sont
effectués dans le cadre de la loi ;
- Les autorités locales sont élus au suffrage
universel direct ;
- Les acteurs locaux et leur dynamique sont pris en compte ;
- Les priorités sont alignées sur les grands axes
de développement régionaux et nationaux
- les acteurs sont concertés et leurs actions sont
coordonnées ;
- La gestion publique territoriale est transparente ;
municipales ; -La dynamique du
développement vient du milieu et est supportée les
citoyen (nes) locaux ;
-Fonctionnement autonome des CT jouissant de
personnalité morale et juridique ;
-Relevée de revenu propres à partir de taxes
imposées par les CT de concert avec l'État
- Les CT partagent des responsabilités dans le domaine
de l'éducation, santé, infrastructures, police et fournitures de
certains services publiques de base, et
- Sont mise en place des stratégies inscrites dans une
démarche partenariale tripartite entre société civile,
secteur privé et les institutions publiques
-Le rôle de maitre d'oeuvre du développement est
rempli par la Municipalité
- Le droit prime dans la gestion des conflits;
- Les citoyen (nes) sont responsabilisés et
détiennent les capacités pour participer.
la planification et gestion du développement.
- Les composantes économique, sociale, culturelle,
politique et environnementale sont
harmonieusement intégrées.
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