III.2- THEORIES NORMATIVES DE LA DECENTRALISATION
L'incapacité du keynésianisme à
résoudre la crise économique des années 50 a
occasionné, notamment aux États Unies et en Grande Bretagne, la
naissance du néo-libéralisme qui s'est traduit en une
véhémente réaction théorique et politique contre
l'interventionnisme des Etats centralistes tombés en crise. La crise
économique d'alors était multidimensionnelle. L'économie
tournait au ralenti. La croissance était quasiment nulle. L'État
centralisé et interventionniste devenait plus qu'une structure de
production de pauvreté et de misère sociale. L'injection des
fonds publics- pour tenter de résorber la crise à la
keynésienne- poussait l'État davantage à la faillite. Les
économistes libéraux ont donc remis en cause l'appareil
d'État dont la bureaucratie est accusée d'entrave à la
productivité et aux entreprises privées en tuant toute initiative
personnelle et en déresponsabilisant les populations et territoires du
pays. Les tenants néolibéralistes ont donc sommé
l'État centralisé de se décentraliser en abandonnant son
interventionnisme malsain et en remplaçant ses gigantesques plans
globaux et collectifs par des politiques d'ouvertures et de privatisation.
Cependant, c'est vers les années 60 et 70 que les
projets de reformes- dominées par la régionalisation et la
décentralisation - ont été effectivement débattus
et mis en application à travers différents niveaux de
planification globale de territoire national. Le passage d'une organisation
centralisée à une organisation libérale de l'État a
consacré la décentralisation comme stratégie de sortie de
crise.
Comme stratégie, la décentralisation a permis de
recadrer l'idéologie interventionniste et de restructurer les politiques
publiques. Les néolibéralistes- dont le crédo est `'moins
d'État pour plus d'autonomie''- ont non seulement invité
l'État à transférer certaines de ses compétences
jusqu'alors jalousement gardées, mais aussi à régionaliser
les divers territoires composant le territoire national. Ainsi selon les
économistes néoliberalistes, les territoires
régionalisés, ayant reçu des pouvoirs et
compétences de l'État, seraient mieux aptes à faire
fructifier leurs propres croissances et contribuer à la croissance
globale.
Les explications, interprétations et recommandations
venant de la tendance néolibéraliste ont permis d'élaborer
un ensemble de théories dites normatives de la décentralisation
dont D.A. Rondinelli53 est l'un des principaux tenants. Ces
théoriciens posent la décentralisation comme un préalable
à la stabilité, à la démocratie et au
développement. Les vertus de la décentralisation s'expliqueraient
par sa capacité à rapprocher autorités et citoyens,
à institutionnaliser la participation citoyenne locale, à
mobiliser les ressources locales pour des objectifs de développement
économique tout en facilitant une gestion transparente et efficience des
ressources.
Selon les théories normatives basées
elles-mêmes sur la théorie du choix public, un individu est
à même de percevoir lui-même si les biens publics locaux
fournis répondent à ses préférences. Elles
soutiennent que dans le cas d'un choix suffisamment libre, la fourniture de
certains biens publics est économiquement plus efficace lorsqu'un grand
nombre d'institutions locales sont engagées que lorsqu'un gouvernement
central s'impose comme unique fournisseur. Un éventail de fournisseurs
locaux offre aux citoyens plus de possibilités de choix. La
décentralisation, particulièrement pour Steinich,54
serait donc mieux adaptée aux besoins locaux, du fait que la
proximité géographique de la population permettrait une meilleure
identification des besoins.
Les théoriciens normatifs avancent que la concentration
des services soulèverait une kyrielle de problèmes et
réduirait le degré de la satisfaction des consommateurs. Bon
nombre de ces obstacles pourraient être surmontés grâce
à la décentralisation qui permettrait de soulager les populations
en fournissant les biens et services de manière efficace et
sérieuse le fait que les autorités seraient plus engagées
dans les structures décentralisées, car elles
posséderaient plus de pouvoir.
53 Rondinelli, Dennis, A., Privatization and Economic
Reform in Central Europe: The Changing Business Climate, Quorum Books,
1994
54 Steinich, M. 2000. Monitoring and Evaluating Support to
Decentralisation: Challenges and Dilemmas. (ECDPM Discussion Paper 19).
Maastricht: ECDPM.
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