II.4- SOUTENABILITE ET TERRITORIALISATION DES ACTIONS
PUBLIQUES
Le développement local- étant diversement
interprété et approprié, tantôt confiné dans
une vision localiste stricte, tantôt dans une perspective
ultra-capitaliste- devient des fois une stratégie ambiguë,
insaisissable, d'autre fois un concept-valise, un fourre-tout, un simple mot de
passe. Cet état de chose soulève pour plus d'un penseurs
l'urgence de recentrer et de réorienter la notion de
développement local. C'est ainsi, Bernard Vachon entre autres- a t-il
ressenti :
`'..le besoin de repositionner le développement
local sur ses bases d'origine et de rappeler les principes fondateurs qui
intègrent dans une démarche unifiée l'ensemble des
composantes du développement, soient les dimensions économiques,
sociale, culturelle et environnementale..» 50
Un recentrement du développement local en y
intégrant toutes les composantes du développement permettra de :
(i) compléter la perspective de résistance en la dotant du
degré
50 Vachon B., Le développement local
intégré: une approche humaniste, économique et
écologique du développement des collectivités locales,
Diner-conference, Québec, novembre 2001. p.39
d'ouverture et de compétitivité
nécessaires ; (ii) réajuster la perspective
néolibéraliste en y réintégrant la primauté
humaine, en tentant d'inverser son principe `'humains au service de la
croissance économique `' en `'croissance économique au
service des humains».
Par l'intégration de la composante environnementale,
particulièrement, un recentrement du développement local
signifiera la volonté de garantir la souténabilité des
actions en dépassant l'hétérogénéité
des différentes approches et théories du développement
local et en créant des relations plus lucides entre le local et le
global, d'où le sens du néologisme glocalisation qui se repose
sur l'hypothèse de la forte interconnexion entre le niveau local et le
niveau global, et conséquemment selon laquelle les actions au niveau de
base ne sauraient être efficaces si ce qui se passe au niveau global
n'est pas appréhendé. Ce désir de faire dialoguer
efficacement les deux niveaux de développement s'exprime
généralement par la formule `'Penser globalement, agir
localement».
Le recentrement du développement local comme
stratégie retrouve sa vigueur dans le rétablissement et
l'approfondissement de la territorialité. Le territoire, est fondement
réhabilité comme socle du développement local soutenable
dans la vision la plus inclusive possible. La soutenabilité du
développement local dépend donc à la fois :
i) d'une territorialisation des actions dans une
démarche unifiant l'ensemble des composantes du développement,
soient les dimensions économiques, sociale, culturelle et
environnementale ;
ii) de l'intégration et l'harmonisation des
réseaux d'acteurs où, particulièrement, les actions de
développement des pouvoirs publics se trouvent
reterritorialisées.
La transaction de proximité- dans ses trois (3)
principes (régulation politique, planification économique,
intervention sociologique)- contribue à la territorialisation des
actions publiques où l'État, mis sous pression et accusé
de connivence avec les méga-entreprises transnationales, est
réhabilité dans sa fonction d'acteur de développement,
cette fois-ci, partant des territoires. L'approche des politiques publiques
mettra désormais l'accent sur les spécificités de chaque
territoire, et non dans une approche verticale divisant l'action publique en
secteurs d'activités cloisonnés comme avant.
A la faveur de la territorialisation des actions publiques, la
mise en oeuvre des stratégies de développement adapte les
politiques sectorielles aux contraintes locales. La territorialisation des
actions publiques influe positivement sur les processus décisionnels et
l'organisation des services administratifs. La territorialisation ne se
réduit pas à la simple décentralisation des
compétences et services administratifs de l'État, elle fait
intervenir les acteurs locaux et notamment des Collectivités
Territoriales en vue d'une meilleure appropriation des politiques publiques par
les personnes concernées au niveau local, grâce à une
meilleure information et à la prise en compte de leurs besoins.
La démarche de la territorialisation du
développement local soutenable vise à consolider les programmes
locaux de développement et à en augmenter l'impact sur
l'amélioration des conditions de vie des populations à travers la
promotion d'une gouvernance locale qui s'inscrit autant dans le processus de
refonte de l'Etat qui vise à atténuer les effets pervers du
centralisme d'autrefois et à transformer la démocratie
représentative à la démocratie participative.
Tout compte fait, on a vu que le développement local
comme stratégie de résistance ne parvient pas à
dégager des pistes d'action soutenables, si des fois le
développement local n'est pas que discours politicien sans fondement
réel. Si, à ce point de vue, le développement local
contribue à culturaliser ou contextualiser une idéologie
globaliste sans repères socio-identitaire, il n'aura pas la
capacité de revitaliser les territoires
déséconomisés. La récupération
néolibéraliste du développement local ne se constitue une
alternative ni corrective ni soutenable.
Ce ne serait qu'une intégration sévère des
territoires traînards dans le processus de globalisation de
l'économie mondiale.
Au long de son parcours, la stratégie du
développement local a exploré des extrêmes avant
d'être recentré sur son postulat de base, sa
territorialité, jusqu'à faire naitre la nécessité
de réintégrer toutes les composantes du développement et
de réhabiliter les réseaux d'acteurs, particulièrement les
pouvoirs publics dont la territorialisation des actions représente des
enjeux stratégiques entre l'État et les citoyens pour
l'accomplissement d'un développement local soutenable. Sans un
partenariat efficace entre l'État, première personne de droit
public, et les personnes concernées aux échelons locaux, le
processus de développement local est sujet à des
désintégrations sociopolitiques, à des
déstructurations socio-économiques, et au développement
inégalitaire.
A ce tournant de la réflexion, il y lieu de
s'interroger sur l'existence et la nature de modes de partenariat entre
l'État et les collectivités. Y a-t-il un mode de
coopération établie et légitime entre l'État et les
collectivités pour la poursuite des objectifs de développement ?
le chapitre III s'intéressera aux formes de partenariat et
stratégies participatives entre l'État et les
collectivités locales pour le développement.
|