1.2 Apports de Modigliani et Miller
Modigliani et Miller étaient les premiers a mener une
véritable réflexion théorique sur l'incidence des moyens
de financement (dettes et fonds propres) sur la valeur de la firme. Ils ont, de
ce fait, donné les assises théoriques a la problématique
de la structure de financement des entreprises.
Initialement, Modigliani et Miller ont fondé leur
approche sur l'hypothèse fondamentale de perfection des marchés
de capitaux pour conclure que la structure financière des firmes est
neutre, Dans le sens oü aucune combinaison (de dettes et fonds propres)
n'est meilleure qu'une autre, et par conséquent, la structure du capital
est indépendante de la valeur de la firme.
La remise en cause de l'hypothèse d'absence de taxation
des bénéfices, a conduit Modigliani et Miller (1963) a affirmer
que la structure financière n'est plus neutre. La valeur d'une
entreprise endettée sera toujours supérieure a celle d'une
entreprise non endettée. La première aura l'avantage de
déduire les charges financières liées a l'endettement de
son résultat imposable et de ce fait, tirer profit des économies
d'impôt qui en découlent.
Miller (1977), en prenant en compte l'imposition du revenu des
personnes physiques, revient aux conclusions initiales et soutient a nouveau
que la structure financière n'a pas d'impact sur la valeur de la
firme.
Ainsi, et pour une meilleure analyse des thèses en
présence, nous présenterons dans un premier point la thèse
de neutralité de Modigliani et Miller, pour ensuite exposer, dans un
deuxième point l'effet de la fiscalité sur la structure
financière des firmes.
1.2.1 La these de neutralité
Les travaux de Modigliani et Miller, considérés
en finance comme le cadre théorique de la structure financière,
étaient a la base des développements de la théorie. En
effet, Modigliani et Miller ont montré qu'une entreprise située
dans une classe de risque donnée ne peut accroItre sa valeur en
modifiant son taux d'endettement, car, et a la différence de l'approche
classique, le coüt moyen pondéré du capital d'une entreprise
est complètement indépendant de la structure financière de
celle-ci. Il est égal au taux de rentabilité exigé par le
marché sur une entreprise de méme risque, financée
exclusivement par fonds propres. Ce taux de rentabilité dépend du
risque d'exploitation de la firme.
1.2.1.1 Les hypothèses du modèle de base
de Modigliani et Miller
Pour asseoir leur conclusion de la neutralité de la
structure financière des firmes les auteurs considèrent :
- Que les marchés des capitaux sont parfaits et qu'il n'y
a pas d'impôt, ni de coüt de transaction, de même, que le
comportement des investisseurs est rationnel.
- Que les coüts de faillite sont nuls, c'est a dire que la
probabilité de défaillance
est nulle.
- Qu'il y a absence d'asymétries d'informations entre les
agents et par conséquent les problèmes d'anti-sélection et
d'aléa moral sont négligeables.
- Qu'il y a absence de conflits d'intérêt entre les
dirigeants et les actionnaires, et de ce fait, le dirigeant cherche a maximiser
la valeur de la firme et non sa propre utilité.
- Que Les entreprises distribuent l'intégralité de
leur bénéfice. Cette hypothèse est retenue pour isoler les
effets de la politique de dividende sur la structure financière
- Que les agents peuvent prêter ou emprunter a un taux fixe
et sans limite. Modigliani et Miller affirment en tenant compte de ces
hypothèses, que la valeur d'une firme est indépendante de sa
structure financière. Dans le sens oü la valeur d'une entreprise
non endettée ne peut être inférieure a celle d'une firme
endettée car cela créerait des opportunités d'arbitrage
incompatibles avec l'hypothèse fondamentale de marchés financiers
parfaits. Pour expliciter cela, et en se basant sur l'exemple de Cobbaut (1994)
: supposons qu'il existe deux firmes A et B, qui sont identiques,
excepté que le capital permanent de B comporte une certaine
quantité de dette, alors que celui de A est composé exclusivement
de fonds propres. Si l'évaluation par le marché s'effectue
conformément a la position pragmatique des traditionnels, la valeur de
marché globale (actions + obligations) de B doit être
supérieure a celle de A.
Tableau 1.1 : les donnees relatifs aux deux societes A
et B
Société A Société B
Résultat net d'exploitation
[ E (RNE)] 100 100
Charge des emprunts [ r x D] au taux de
4% Valeur de marché de la dette
Revenu des actionnaires
100 84
[ E ( RNE) -- r x D]
Coilt des fonds propres selon
10% 10%
la théorie traditionnelle [ k]
1000 840
[
S
Valeur de marché des fonds propres
( E( RNE) -- r x
D)l
k LI
Valeur de marché totale
1000 1240
[ V = S+D]
Source : Robert Cobbaut (1994) p 359
( E
(
RNE
)
--rx Dx i
)
Selon la théorie de Modigliani et Miller, on devrait
observer l'égalité Va = Vb = 1000
,
ou
entrainant S b = Vb --
Db =1000 -- 400 = 600 , et kb = = 84 = 0,1
4
S 600
14%. Sur la base de la théorie de l'arbitrage.
Considérons un individu qui détient la
milliéme partie des actions de B, pour une valeur de 84000. Si les prix
de marché sont bien ce que postulent les traditionnels, cet individu
posséde une opportunité d'arbitrage, c'est-à-dire a la
faculté de réaliser sans aucune mise de fonds propres, une
opération dont l'espérance de gain est positive.
Cet arbitrage consiste à :
1. Vendre les actions de B ;
2. S'endetter pour son propre compte, au taux de
marché (4%), dans la même proportion que la société
B (400 #177; 840 = 0,47619). Il empruntera donc (840000 x 0,47619) = 400000
;
3. Investir la totalité du budget ainsi constitué,
soit 1240000, dans les actions de A.
En effet alors que son rendement attendu avant arbitrage
était de :
840000 x 0,10 = 84000
Son rendement après arbitrage sera de :
(1240000 x 0,10) - (400000 x 0,04) = 108000
Seule une situation oü cet arbitrage aurait, à
l'équilibre du marché, une espérance de return nulle est
compatible avec l'hypothèse théorique d'un marché parfait
de capitaux. Autrement dit, si le marché financier est bien une
structure efficiente tendant à l'équilibre, ce marché,
devant l'annonce d'un prix de 840 pour les actions de B, deviendra massivement
vendeur du titre B, jusqu'à ce que celui-ci atteigne son niveau
d'équilibre de 600. Sur un marché parfait cet ajustement serait
instantané.
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