L'actionnaire en droit de l'union européenne - etude de droit européen et de droit comparé français et allemand en droit des sociétés( Télécharger le fichier original )par Romuald Di Noto Université Paris Ouest Nanterre La Défense - Master 2 bilingue franco-allemand en droit des affaires 2010 |
§ 2 : La possibilité pour la société d'accorder une aide financière en vue de l'acquisition de ses actions par un tiers.Dans le cadre de ce paragraphe, nous nous intéresserons à la façon dont le droit européen appréhende la personne souhaitant devenir actionnaire sous l'angle de ses relations financières avec la société dont elle souhaite acquérir les actions. Si l'article 23 de la directive 77/91/CEE a, dans un premier temps, instauré un régime de prohibition de l'assistance financière (A.), il a récemment assoupli sa position de façon considérable, voire supprimé cette interdiction (B.). A. Un régime originaire d'interdiction.La rédaction initiale de l'article 23, al. 1 de la directive 77/91/CEE faisait clairement interdiction à la société d'accorder quelque aide financière que ce soit à un tiers afin de permettre à celui-ci d'acquérir ses actions : il était ainsi prohibé à celle-ci d' « avancer des fonds », d' « accorder des prêts » ou de « donner des sûretés en vue de l'acquisition de ses actions par un tiers ». Cette interdiction ne s'appliquait cependant pas aux transactions réalisées dans le cadre des opérations courantes des banques et d'autres établissements financiers, ni aux opérations effectuées en vue de l'acquisition d'actions par ou pour le personnel de la société (art. 23, al. 2), ainsi qu'aux opérations visées par l'article 20, al. 1 de la directive. Cette prohibition de l'assistance financière avait pour objectif d'éviter que la société ne se vide de son patrimoine en accordant des prêts ou des sûretés56. Cette règle constituait un corollaire des règles relatives à la souscription ou à l'achat par la société de ses propres titres (art. 19 et 20 de la directive)57. Cette disposition européenne a été introduite dans le droit français des sociétés par la loi du 30 décembre 198158 à l'article L. 225-216 C. Com., qui constitue la transposition fidèle de l'article 23 § 1 de la directive, tant au niveau de la prohibition de principe que des rares exceptions à celle-ci. L'article 225-216 C. Com. ne précise pas la sanction à l'interdiction qu'il édicte, mais l'opinion majoritaire en doctrine qualifie cette disposition d' « impérative », ce dont il résulte que les opérations réalisées en violation de celle-ci peuvent être annulées59. Cependant, la chambre commerciale de la Cour de cassation a décidé que la méconnaissance de l'art. L. 225-216 C. Com. n'entraîne, dans le cas de l'octroi d'une sûreté, que l'annulation de celle-ci, et non celle du prêt que cette sûreté devait garantir60. Cette interdiction a été expressément assortie d'une sanction pénale réprimant le fait pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme, d'effectuer au nom de celleci les opérations interdites par l'article L. 225-216, al. 1 C. Com. (article L. 242-24 C. Com.). Le droit allemand a pris en compte cette interdiction au § 71a, al. 1 AktG, en application duquel un acte juridique qui a pour objet l'octroi d'une avance, d'un prêt ou d'une sûreté par la société à un tiers en vue de l'acquisition de ses propres actions est nul. Selon la doctrine, il peut être déduit du but de cette disposition que la liste des actes prohibés n'est pas exhaustive et que le § 71a AktG entend sanctionner toutes les mesures de soutien financier à l'acquisition des actions de la société ayant pour effet de porter atteinte à son patrimoine61. Les exceptions prévues par la formulation d'origine ont également été fidèlement transposées. Selon certains auteurs, la transposition de l'article 23 de la directive au § 71a al. 1 AktG s'est révélée inutile, dans la mesure où une opération d'assistance financière telle qu'appréhendée par la directive constitue une violation du § 57 al. 1 AktG, qui prohibe la restitution aux 56 M. Bringer, « Prohibition de l'assistance financière en France ( C. Com., art. L. 225-216) : cette position rigoriste est-elle encore souhaitable à l'heure de la frilosité des prêteurs ? », JCP E, 2009, n°22, 1554. 57 J.-B. Poullen/N. Spitz, « Les modifications de la deuxième directive concernant le capital social des sociétés anonymes et le droit français », LPA 31 mai 2007, n°109, p. 3, n°49. 58 Loi n°81-1162 du 30 décembre 1981 dite de mise en harmonie du droit des sociétés commerciales avec la deuxième directive adoptée par le Conseil des Communautés européennes le 13 décembre 1976. 59 H. Le Nabasque, « A propos de l'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 », JCP E 1992, II, 107. 60 Cass. Com. 19 décembre 2000. 61 T. Drygala, « Finanzielle Unterstützung des Aktienerwerbs nach der Reform der Kapitalrichtlinie », DK 2007, p. 396 (397). actionnaires de leurs apports, et qui préexistait à la loi de transposition de la directive62. En effet, certains auteurs considèrent que le § 71a al. 1 AktG constitue une application spéciale du § 57 al. 1 AktG, dans la mesure où ces deux dispositions ont pour objectif d'empêcher des distributions irrégulières d'éléments du patrimoine social aux actionnaires. Cependant, le champ d'application du § 71a AktG est plus large que celui du § 57 al. 1 AktG, car il a également vocation à régir les relations de la société avec les candidats acquéreurs63. Cela étant, la prééminence du § 57 al. 1 AktG constitue peut-être une explication au fait que le droit allemand soit, tout comme le droit français, resté insensible aux assouplissements (voire à la suppression) de la prohibition de l'assistance financière par la directive 2006/68/CE. |
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