L'actionnaire en droit de l'union européenne - etude de droit européen et de droit comparé français et allemand en droit des sociétés( Télécharger le fichier original )par Romuald Di Noto Université Paris Ouest Nanterre La Défense - Master 2 bilingue franco-allemand en droit des affaires 2010 |
B. Les assouplissements apportés par la directive 2006/68/CE.La directive 2006/68/CE du 6 septembre 2006 vient assouplir, voire supprimer, l'interdiction de principe de l'assistance financière et donne aux États membres la faculté d'autoriser celle-ci - ces derniers étant cependant libres de maintenir une interdiction totale64 - tout en la subordonnant à un certain nombre de conditions cumulatives65. Ces assouplissements, qui semblent s'inscrire dans un mouvement plus large de relativisation de la conception classique du capital social, ont été accueillis avec circonspection par l'opinion majoritaire en doctrine allemande66. Le nouvel article 23 § 1 de la deuxième directive est en effet rédigé comme suit : « lorsque les États membres permettent à une société, directement ou indirectement, d'avancer des fonds, d'accorder des prêts ou de donner des sûretés en vue de l'acquisition de ses actions par un tiers, ils soumettent ces opérations aux conditions énoncées dans les deuxième, troisième et quatrième alinéas ». Ces conditions ont un caractère cumulatif67 : tout d'abord, l'opération de prêt ou de garantie doit avoir lieu à de justes conditions de marché sous la responsabilité de l'organe d'administration de la société octroyant l'assistance, afin d'éviter que le prêt ne soit consenti à un taux d'intérêt hors marché. 62 M. Habersack, « Die finanzielle Unterstützung des Aktienerwerbs - Überlegungen zu Zweck und Anwendungsbereich des § 71a Abs. 1 Satz 1 AktG », FS Röhricht, p. 155 63 J. Oechsler in : Münchener Kommentar zum Aktiengesetz, § 71a n°10. 64 B. Lecourt, « Directive n°2006/68/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 modifiant la directive n°77/91/CEE du Conseil en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital », Rev. sociétés 2006, p. 673. 65 Selon le n°5 de l'exposé des motifs de la directive 2006/68/CE, « les Etats membres devraient pouvoir permettre aux sociétés anonymes d'accorder une aide financière en vue de l'acquisition de leurs actions par un tirs, dans la limite de leurs réserves distribuables, afin de renforcer la flexibilité face aux modifications de droits attachés à la participation au capital de la société. Cette possibilité devrait offrir des garanties au regard de l'objectif de la présente directive de protéger les intérêts tant des actionnaires que des tiers ». 66 V. en particulier les travaux du groupe du travail allemand sur le droit communautaire des sociétés (Arbeitsgruppe Europäisches Gesellschaftsrecht), ZIP 863 (873) et W. Bayer, « Aktuelle Entwicklungen im Europaïschen Gesellschaftsrecht », BB 2004, 1 (8). 67 T. Drygala, « Finanzielle Unterstützung des Aktienerwerbs nach der Reform der Kapitalrichtlinie », DK 2007, 396 (397). Ensuite, l'opération d'octroi de l'assistance doit être soumise, pour accord préalable, à l'assemblée générale, qui statue à la majorité qualifiée après qu'un rapport écrit lui exposant les motifs de l'opération et, entre autres, l'intérêt et les risques que celle-ci présente pour la société ainsi que le prix auquel le tiers est censé acquérir les actions ait été mis à sa disposition. Ensuite, l'aide financière accordée aux tiers ne doit pas rendre l'actif net de la société inférieur au montant du capital souscrit, augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer. Enfin, la situation du tiers bénéficiaire de l'assistance financière « doit avoir été dûment examinée », afin de ne pas venir en aide financièrement à une société en situation économique précaire68. La France a, pour l'instant, fait le choix de ne pas revenir sur la prohibition de l'assistance financière, toujours en vigueur à l'article L. 225-216 C. Com.. La chambre commerciale de la Cour de cassation adopte d'ailleurs une interprétation stricte de ce texte69. Selon certains commentateurs, le maintien d'une telle position, qualifiée de « rigoriste », est inopportune « à l'heure de la frilosité des prêteurs », car le dispositif d'autorisation de l'assistance financière tel qu'aménagé par le droit européen serait de nature à protéger les actionnaires et les créanciers sociaux de la société contre les risques inhérents à une telle assistance70. À l'instar du législateur français, l'Allemagne a, elle aussi, maintenu la même position afin d'assurer le respect du principe énoncé par le § 57 al. 1 AktG, selon lequel il est interdit de restituer leurs apports aux actionnaires (dans le cas où les candidats acquéreurs sont actionnaires). Une introduction en droit allemand des assouplissements prévus par la directive 2006/68/CE ne serait donc possible que dans l'hypothèse où le législateur allemand prévoit une modification du § 57 alinéa 1 AktG71. |
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