L'actionnaire en droit de l'union européenne - etude de droit européen et de droit comparé français et allemand en droit des sociétés( Télécharger le fichier original )par Romuald Di Noto Université Paris Ouest Nanterre La Défense - Master 2 bilingue franco-allemand en droit des affaires 2010 |
C. Le caractère optionnel des articles 9 et 11 et la clause de réciprocité de l'article 12.Les principes posés par les articles 9 et 11 de la directive ayant rencontré l'opposition de certains États membres, au rang desquels figure l'Allemagne, lors de l'élaboration de la directive, un compromis a dû être trouvé quant à leurs modalités d'application265. En vertu de l'article 12 § 1, « les États membres peuvent se réserver le droit de ne pas imposer aux sociétés mentionnées à l'article 1 § 1, dont le siège social se trouve sur leur territoire, d'appliquer les paragraphes 2 et 3 de l'article 9 et/ou l'article 11 ». Dans le cas où ils font usage de cette faculté, les États membres doivent néanmoins laisser la possibilité réversible aux sociétés concernées d'insérer, par une décision de l'assemblée générale, les dispositions optionnelles dans leurs statuts. Si cette clause d'option permet d'égaliser les conditions de concurrence entre les sociétés des différents États membres, elle ne permet pas l'uniformisation totale du droit à l'échelle européenne en matière de défenses anti-OPA266. Il y a lieu de souligner ici les divergences de transposition des droits français et allemand. Concernant l'article 9, la France a, comme la Grèce, la Hongrie, le Portugal et la Slovénie, retenu la solution renforçant le rôle des actionnaires lors du déroulement d'une OPA 267. Se conformant aux recommandations du rapport rédigé sous la direction de M. LEPETIT268, le législateur français a transposé l'article 9 de la directive en exigeant des 265 M.-N. Dompé, « La transposition de la directive OPA et les principes directeurs des offres », Dr. sociétés, n°11, Novembre 2006, étude 19, n°2. 266 G. Ripert, R. Roblot, Les sociétés commerciales, n°2247. 267 B. Lecourt, « Rapport de la Commission européenne sur la transposition de la directive OPA », Rev. sociétés 2007, p. 192. 268 i-F. Lepetit, « Rapport du groupe de travail sur la transposition de la directive concernant les offres publiques d'acquisition », présenté le 27 juin 2005. dirigeants de la société cible qu'ils obtiennent
l'approbation préalable de l'assemblée
générale L. 233-32-I C. Com.). De plus, concernant les dispositions prises avant le début de la période d'offre, toute délégation accordée par l'assemblée générale des actionnaires d'une mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre est suspendue pendant la période d'offre (art. L. 233-32-III, al. 1 C. Com.). La France apparaît plus respectueuse des intérêts des actionnaires que l'Allemagne269, qui, au contraire, a adopté une posture protectionniste en continuant d'admettre très largement les mesures anti-OPA270. Ainsi, en vertu du § 33, alinéa 1 WpÜG, si le directoire d'une société cible dont le siège est situé sur le territoire allemand ne peut - en théorie - accomplir « aucune action susceptible de faire échouer l'offre », il lui est en revanche possible d'accomplir tous les actes de gestion qu'un dirigeant d'une société « ordonné et consciencieux » aurait entrepris, abstraction faite de l'existence de l'OPA, pour la recherche d'une offre concurrente. De plus, après autorisation préalable du conseil de surveillance, il peut prendre toutes les mesures de défense qu'il estime nécessaires. Généralement, cette autorisation est assez aisée à obtenir, dans la mesure où le conseil de surveillance est composé pour moitié de salariés, ces derniers étant le plus souvent favorables aux mesures « anti-OPA »271. Par ailleurs, les délégations accordées par l'assemblée générale antérieurement à la période d'offre et permettant au directoire de prendre des mesures de défense restent valables pour une durée de 18 mois et leur mise en oeuvre par le directoire nécessite l'autorisation du conseil de surveillance (§ 33, al. 2 WpÜG). En application de la règle d'opt-in de l'article 12 § 2 de la directive, les sociétés dont le siège social est situé sur le territoire allemand peuvent insérer la rule of passivity dans leurs statuts (§ 33a WpÜG). S'agissant de l'article 11, la France a intégré aux articles L. 233-35 à L. 233-39 C. Com. le principe de la neutralisation des restrictions au transfert des titres et au droit de vote pendant la durée de l'offre sans le rendre obligatoire. La faculté est donc donnée aux sociétés françaises d'insérer de façon réversible la breakthrough rule dans leurs statuts272. Telle est également l'orientation retenue par le droit allemand (§ 33b WpÜG). Cependant, l'adoption volontaire de ces règles par les sociétés reste subordonnée à l'approbation d'actionnaires qui disposent de droits spéciaux ou qui représentent une large majorité. De plus, la règle de la neutralisation adoptée par les sociétés peut faire l'objet d'un aménagement au cas par cas et 269 V. Magnier (sous la direction de), L'entreprise et le droit communautaire : quel bilan pour un cinquantenaire ?, p. 80. 270 K. Hopt, « Les offres publiques d'acquisition en droits français et allemand après la 13e directive », Rec. Dalloz 2007, p. 462. 271 K. Hopt, « Les offres publiques d'acquisition en droits français et allemand après la 13e directive », Rec. Dalloz 2007, p. 462. 272 M. Luby, « De la difficulté à dénouer le fil d'Ariane (bref impromptu sur la directive n°2004/25 relative aux offres publiques d'acquisition) », Dr. sociétés Novembre 2004, étude 16, n°8. donc ne pas viser toutes les défenses (vote double, actions sans droit de vote)273. Obstacle supplémentaire à l'unification du droit des OPA au niveau européen, l'article 12 § 3 de la directive permet aux Etats membres d'exempter les sociétés appliquant les articles 9 § 2, 9 § 3 et/ou l'article 11 de faire application de ces dispositions dans l'hypothèse où elles font l'objet d'une offre lancée par une société qui ne les applique pas elle-même. Cette disposition prend en considération le fait que les options laissées aux Etats et aux sociétés par les articles 9 et 11, loin d'harmoniser les conditions de jeu, accroissent les inégalités274. Il peut s'agir de n'importe quelle société attaquante, que son siège soit situé ou non sur le territoire d'un Etat membre, à partir du moment où elle n'applique pas ces dispositions, pour quelque raison que ce soit275. Selon le § 33c WpÜG, les sociétés allemandes peuvent soulever l'exception de réciprocité qui permet de faire échec à ces deux principes dans l'hypothèse où l'offrant n'y est pas soumis. En droit français, cette clause de réciprocité a été transposée à l'article L. 233-33 C. Com.. Le législateur a d'ailleurs privilégié une interprétation large de l'article 12 § 3 en admettant que l'exemption puisse être accordée bien que l'article 9 soit, en principe, obligatoire276. |
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