§ 1 : L'affirmation « sectorielle » du
principe d'égalité de traitement.
Le principe de l'égalité de traitement des
actionnaires est affirmé par différentes directives intervenant
dans des domaines distincts, à tel point que certains auteurs
considèrent qu'il constitue une « pierre angulaire »
du droit européen des sociétés87. Cependant, il
ne s'agit dans chacune de ces directives que d'une affirmation du principe
d'égalité que l'on peut qualifier de « sectorielle »,
dans la mesure où chacun de ces textes possède un domaine
d'application bien défini88.
Le premier texte européen faisant
référence à ce principe est l'article 42 de la
deuxième directive, selon lequel « les législations des
Etats membres garantissent un traitement égal des actionnaires qui se
trouvent dans des conditions identiques » dans le cadre de
l'application de ladite directive. Il impose notamment un traitement
égalitaire des actionnaires lors des augmentations ou des
réductions de capital social, en particulier en ce qui concerne le droit
préférentiel de souscription. La directive 2004/25/CE sur les OPA
pose également pour principe général que « tous
les détenteurs de titres de la société visée qui
appartiennent à la même catégorie doivent
bénéficier d'un traitement équivalent » (art. 3,
point a). Cette exigence d'égalité de traitement dans le cadre
des offres publiques d'acquisition trouve sa concrétisation dans les
dispositions de la directive relatives au prix proposé aux actionnaires
et au système de l'offre obligatoire89.
Le principe d'égalité de traitement est
également affirmé par l'article 17 de la directive 2004/109/CE,
dite « Directive Transparence », selon lequel la
société dont les actions sont admises à la
négociation sur un marché réglementé doit «
assurer l'égalité de traitement de tous les détenteurs
d'actions qui se trouvent dans une situation identique », ainsi que
par l'article 4 de la directive 2007/36/CE concernant l'exercice de certains
droits des actionnaires des sociétés cotées, qui dispose
que « la société veille à assurer
l'égalité de traitement de tous les actionnaires qui se trouvent
dans une situation identique en ce qui concerne la participation et l'exercice
des droits de vote à l'assemblée générale
». Une forme particulière de l'égalité de traitement
a été réalisée par cette directive : il s'agit de
celle entre, d'une part, les actionnaires qui résident sur le territoire
de l'Etat membre de la société dont ils sont actionnaires, et,
d'autre part, ceux qui n'y résident pas (actionnaires dits «
non-résidents »)90. Elle est affirmée par
l'article 4 de ce texte et réaffirmée par son article 5 § 2,
qui exige un accès « non discriminatoire » à
la convocation à l'assemblée générale et aux autres
informations devant être mises à la disposition des
actionnaires.
87 W. Schön, « Das Bild des Gesellschafters im
Europäischen Gesellschaftsrecht », RabelZ Bd. 64 (2000), p.
25.
88 D. Verse, Der Gleichbehandlungsgrundsatz im Recht der
Kapitalgesellschaften, p. 98.
89 Sur l'égalité de traitement dans le
cadre des offres publiques d'acquisition, voir deuxième partie, Chapitre
3, Section 1, § 2.
90 C. Malecki, « L'actionnaire sans frontières et la
directive 2007/36/CE du 11 juillet 2007 concernant l'exercice de certains
droits des actionnaires de sociétés cotées »,
Bull. Joly Sociétés, 1 septembre 2007, p. 927,
n°1.
Il se dégage de chacun de ces textes que le principe de
l'égalité de traitement entre actionnaires n'est applicable que
dans la mesure où ceux-ci se trouvent dans une « situation
identique » ou dans des « conditions identiques ».
À l'inverse, il ne s'applique donc pas lorsque les actionnaires ne se
trouvent pas dans « une situation identique », ce qui doit
être déterminé par référence à la
législation nationale applicable, qui, comme les droits français
et allemand, peut prévoir un seuil de participation minimale comme
condition préalable à l'exercice d'un droit, et aux statuts de la
société, qui peuvent par exemple prévoir l'existence
d'action de préférence91. De plus, le
législateur européen a considéré que le principe
d'égalité de traitement des actionnaires ne constitue pas un
obstacle à une protection spécifique des actionnaires
minoritaires, dans la mesure où ils se trouvent le plus souvent dans une
position de faiblesse vis-à-vis des actionnaires majoritaires.
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