Les initiatives d'intégration régionale en Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la CEDEA( Télécharger le fichier original )par Wenceslas Sacré Coeur MONZALA Université Africaine de technologie et de management UATM-GASA - Licence en Droit Public 2009 |
Section 2 : La création de la CEDEAOA travers l'expérience des regroupements de coopération régionale, les Etats de l'Afrique de l'Ouest ont témoigné de beaucoup de solidarité et d'esprit communautaires. Ces liens se sont ainsi peu à peu soudés entre les Etats de l'Afrique de l'Ouest divisés depuis les indépendances par leurs différentes expériences coloniales, les clivages linguistiques et culturels ainsi que des systèmes juridiques et administratifs différenciés. La création de la CEDEAO vient dans la même logique renforcer cette volonté de s'unir. Ainsi, créée par le Traité de Lagos le 28 Mai 1975, la CEDEAO regroupe à l'origine seize Etats à savoir : le Bénin, le Burkina Faso, le Cap Vert, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée Bissau, le Libéria, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigéria, le Sénégal, la Sierra Léone et le Togo12(*). Le nombre des Etats est à présent ramené à quinze suite au retrait de la Mauritanie en 200113(*). Aussi faut-il signaler que les Etats membres de la CEDEAO occupent une superficie de 5,1 millions de km2 soit 17% de la superficie totale du continent et avec une population estimée en 2006 à 261, 13 millions d'habitants14(*). Dans ce vaste espace, la CEDEAO a pour mission de promouvoir la coopération et le développement dans tous les domaines de l'activité économique, d'abolir, à cette fin, les restrictions au commerce, de supprimer les obstacles à la libre circulation des personnes, des biens et des services, et d'harmoniser les politiques les politiques sectorielles régionales. A travers la création de la CEDEAO et plus particulièrement la définition de ses objectifs, les Etats de l'Afrique de l'Ouest ont su dépasser leurs différences idéologiques quant à la manière de penser et de réaliser l'intégration régionale. Pour rendre compte de ce débat, il convient de rappeler d'abord le contexte d'adoption du traité de 1975 (Paragraphe 1). C'est à ce titre que d'aucuns considèrent que ces controverses idéologiques sont à l'origine du caractère « limité » des buts et objectifs de l'organisation internationale tels que définis par le traité de 1975 (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : Le contexte d'adoption du Traité de 1975.A. Les querelles de leadership sous-régional En dépit des efforts de regroupement déployés par les Etats ouest-africains dans le domaine de la coopération économique, il faut dire qu'au moment de la création de la CEDEAO, certaines réticences pèsent encore dans la volonté politique des Etats quant à la formule d'intégration à adopter. A cet effet, deux tendances idéologiques peuvent être distinguées. D'une part, les partisans d'une intégration « totale », politique prônent un transfert important de souveraineté pour la future organisation. Les principaux tenants de cette formule sont le Sénégal, le Ghana et à certains égards le Nigéria. Et d'autre part, le courant mené par la Côte d'Ivoire se caractérise par un certain scepticisme à l'égard des formes de regroupement ambitieuses, c'est-à-dire celles qui impliquent le plus de transferts de souveraineté. D'une certaine manière, cette divergence de points de vue sur la modalité de réalisation de l'intégration trouve ses origines dans une querelle de leadership entre les quatre plus grands promoteurs de l'intégration dans la région15(*). Le Sénégal, nostalgique d'une position prestigieuse qu'il occupait dans l'ex Afrique occidentale française, veut s'imposer comme leader dans le processus de regroupement dans la région avec la création de la Fédération du Mali. Le Président Senghor avait ainsi voulu « la réalisation d'une unité africaine dans le cadre d'une République Fédérale dont la Fédération du Mali constitue la première étape16(*). Le leadership ghanéen se manifeste par les visions panafricanistes de son président Kwame N'KRUMAH. La vision politique de ce dernier est exprimée dans son ouvrage au titre si révélateur : « Africa must be united » ou « L'Afrique doit s'unir ». Au demeurant, le Ghana peut aussi revendiquer la paternité de la première initiative de regroupement d'Etats souverains dans la sous région, l'Union des Etats de l'Afrique de l'Ouest (UEAO) créée en Novembre 1958. Le Nigeria quant à lui s'appuie tout simplement sur sa puissance économique et démographique pour s'attribuer un rôle de leader dans le processus d'intégration dans la sous-région. C'est surtout l'occasion en 1975 pour lui d'intégrer véritablement une organisation ouest africaine. En effet, les précédents regroupements à savoir l'UMOA ou la CEAO essentiellement francophones avaient pour vocation de sauvegarder le pré-carré français et surtout de contrer le poids du Nigéria dans la région. Ainsi donc, le Sénégal, le Ghana et le Nigéria favorables à une intégration très poussée ont fait front au leadership ivoirien hostile à un tel processus. En réalité, l'attitude ivoirienne peut s'expliquer par le comportement en général de certains Etats relativement bien pourvus par la nature qui refusent à se joindre à des communautés inégalitaires et nécessairement redistributrices. Pour faire échec aux ambitions du Sénégal et du Ghana, la Côte d'Ivoire initie l' « Union Sahel - Bénin » et le « Conseil de l'Entente » pour concrétiser ses réticences à l'égard de toute construction supranationale. B. L'historique de l'adoption du traité de 1975 Le concept de la création d'une communauté de l'Afrique de l'Ouest remonte à 1964 et au président libérien William Tubman qui en a lancé l'idée. Un accord a été signé entre le Libéria, la Côte d'Ivoire, la Guinée et la Sierra Leone en février 1965, mais celui-ci n'a pas abouti. En 1972, le général Gowon du Nigéria et le général Eyadema ont relancé ce projet, et ont rendu visite à douze pays, leur demandant leurs contributions pour la réalisation du projet. Une réunion a été organisée à Lomé en vue d'étudier une proposition de traité. Une réunion d'experts et de juristes s'est tenue à Accra en janvier 1974 ainsi qu'une réunion de ministres à Monrovia en janvier 1975. Ces deux conférences ont examiné soigneusement la proposition de traité. Finalement, quinze pays d'Afrique de l'Ouest ont signé le traité pour une communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest le 28 mai 1975 à Lagos. Les protocoles établissant la CEDEAO ont été signés à Lomé au Togo le 5 novembre 1976. A la suite de l'UDAO et de l'UDEAO, la CEDEAO vient poursuivre l'oeuvre d'intégration économique de la sous-région comme le témoignent les buts et objectifs de la CEDEAO. * 12 V. Annexe 1 : Carte de la CEDEAO * 13 Géographiquement, la Mauritanie se situe à la fois à l'Ouest et au Nord de l'Afrique. Culturellement, cette nation arabo-berbère est partagée entre les nations du Maghreb que celles de l'Afrique noire. Membre de la CEDEAO et de l'Union du Maghreb Arabe (UMA), la Mauritanie a finalement décidé de se retirer de l'organisation Ouest-africaine. V. Alioune SALL, Les mutations de l'intégration régionale des Etats de l'Afrique de l'Afrique de l'Ouest, L'Harmattan, 2007, p.45-46 * 14 Rapport, Atelier régional de renforcement des capacités pour les pays de l'Afrique de l'Ouest sur les stratégies et les plans d'action nationaux sur la biodiversité, 2008. * 15 Sénégal, Ghana, Nigéria et Côte d'Ivoire. * 16 Paul DECRAENE cité par Alioune SALL, op. Cit... p.33 |
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