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Formation de la personnalité des enfants de la rue à  Port-au-Prince

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par Dieuveut GAITY
Université d'Etat d'Haiti - Licence en Psychologie (Bachelor Degree) 2009
  

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A- Brève présentation

Nom : PETIT-HOMME

Prénom : Samuel

Lieu de naissance : Jérémie

Date de naissance : 1999

Education : ?

Taille et poids : 4» 2 et 29 Kg

B- Montage des scénarios

En 1999, je suis né à Jérémie dans une famille monoparentale de père où je vivais avec ma petite soeur. En 2004, après la mort de mon père, nous sommes rentrés à Port-au-Prince avec l'une des soeurs du défunt et avec qui nous allons habiter Fort National « Sou Fo » afin qu'elle prenne soin de ma petite soeur et de moi. Nous étions tous deux les bienvenus dans la capitale, mais au bout de quelques temps les choses commencent à se tourner très mal ; nous sommes devenus comme des esclaves de maison, on dirait plutôt des « Restavèk ». Chaque jour, notre tante quitte très tôt la maison et elle est rentrée généralement après six (6) heures du soir ; et, moi et ma petite soeur, nous sommes restés tous seuls et nous passons toute la journée à la maison sans rien faire et sans rien manger non plus en attendant que notre tante nous apporte quelque chose à manger. Avec mon père, avant sa mort, j'avais eu la chance d'aller à l'école pendant une année ; mais avec elle, c'est tout différent. Elle ne veut que ma force de travail. Généralement, quand ma tante est sortie, elle ne m'a rien dit de faire précisément ; mais quand elle est rentrée, si elle trouve quelque chose qui ne lui plait pas, question de propreté et d'ordre, elle me fait une raclée suivie de sévères punitions. D'année en année, ma tante augmente la sévérité de ses punitions à mon détriment. Un jour, elle m'a brûlé a la jambe avec un fer à repasser pendant que j'étais en train de faire un somme sur une chaise et elle m'a dit : « Kochon, m pa diw piga w dòmi san benyen nan kay la, al fout chache dlo pou w lave pye w. » Ca a été une grave brûlure, après quelques jours elle devient une grande blessure ( yon gwo plaka, yon gwo maleng) ; en dépit de cela, je continue à subir ses bastonnades. Un soir, sous une punition horrible, je lui ai dit : « si papa m te la ou pa t ap ka fè m tout sa yo... » et elle m'a répondu : «  Ebyen al jwenn papa w. » Elle a ouvert la porte et elle m'a poussé dans la rue, l'endroit dans lequel je devrais passer la nuit ; mais, j'avais tellement peur que je me suis dirigé vers le W.C79(*) qui se trouve à côté de la maison ; et, en fait, c'est là que j'ai passé ma première nuit. Le lendemain matin, j'attends qu'elle sorte et j'y suis rentré. Quand elle est revenue, elle m'a dit : «te kwè m di w  pa met pye w nan kay mwen ankò... » Puis, elle s'est dirigée vers ma petite soeur et lui dit : «  le jou ou kite samyèl antre la, w ap tou al jwenn li [...] » Pour me faire pardonner, je l'ai beau supplier ; mais elle ne m'a pas accepté. Donc, pour protéger la vie de ma petite soeur, je me suis obligé de chercher d'autres endroits pour vivre et c'est ainsi que ma vie de rue a commencé dans les années 2006-2007.

Organisation de la journée : chaque jour, comme d'habitude, je me lève vers les 8h/9h du matin ; la première chose que j'ai faite, je cherche ma toile huilée de travail et je me dirige dans la rue. Pendant un certain temps, je travaille (m siye machin, epi m mande) je gagne assez d'argent pour m'acheter du pâté, du jus, de l'eau, du clairin et de la cigarette. Une fois terminé, je jouerai au poker avec presque le reste de mes revenus, certaines fois je vais au centre ville ( Bò madan Kolo) pour aller au cinéma (télévision) et pour lequel je dois payer cinq (5) gourdes à chaque film et, aussi, je vais souvent à Portail de Léogâne (Centre Don Bosco) endroit dans lequel je me rends généralement pour me divertir ( bicyclette, balançoire, skate, etc.) vers les 12h, 1h, 2h, 3h, je me retrouve au corridor Bois de chêne (koridò Bwadchèn) auprès des marchands (es), acheteurs et consommateurs entraîne de mendier de la nourriture, du jus ou de l'argent. Il est des jours où, généralement les mercredis, moi et mes compagnons, nous irons à CARITAS et on nous donne à manger. En arrivant vers les 4h, je continue à créer d'autres moyens de gagner de l'argent en alternant travail (mendicité, essuie de voitures, etc.) et jeux (poker) ; « depi vant mwen plen, sèl sa m wè pou m fè se jwe ». Le soir, je me promène en côtoyant tous (tes) les marchands (es) de la place (Spaghetti, Hotdog, Barbecue, etc.) et, plus tard, vers les 10h/11h, je me prépare à dormir. Si je joue au « lagot de fonds » ce que nous appelons : « Gè domi » je peux passer la nuit sans dormir.

Du côté socioaffectif : La rue, comme un espace de vie, me parait assez convenable. Avec les autres compagnons de rue, qu'ils soient plus grands ou plus petits, je les respecte et ils me respectent aussi ; ce qui voudrait dire qu'en d'autres mots, je me sens vraiment bien avec eux. Je me souviens tout le temps de ma première journée au champs de Mars, les pairs m'avaient bien accueilli ; comparativement aux autres parvenus, ils ne m'avaient ni frappé, ni battu, ni demandé de l'argent. Au contraire, ils (deux d'entre eux) m'avaient accompagné, ils m'avaient cherché à manger et ils m'avaient trouvé un endroit pour dormir. Jusqu'à maintenant ils sont mes amis ; nous formons une vraie famille et je leur fais confiance. Grâce à eux et, également, grâce aux gens qui nous supportent au Champ de Mars (chauffeurs, marchands, policiers, passants...), je vis encore. Dans la rue, je suis toujours de bonne humeur ; sauf quand ils jouent aux taquineries et qu'ils m'appellent « Blakawout » (Black-out), je me mets certaines fois en colère, mais c'est juste pour quelques secondes. Des fois, il m'arrive d'être triste surtout quand je pense à la vie de ma petite soeur et, aussi, il existe d'autres situations qui incitent la peur et l'inquiétude chez moi « tankou lè gen deblozay nan peyi, manifestasyon , tire, eksetera. Tankou avan yè lè te gen eleksyon an, m pase jounen an san manje anyen e san senkòb ; se gras ak chèf ki nan palè yo ki fè m te jwenn yon ti kal manje... ». Donc, pour moi, il n'est pas facile de vivre dans la rue; étant fils de parents pauvres et orphelin, je mène une vie de misère dans la rue, soutenue par les gens de bonne foi et qui prennent pitié à mon égard. Qu'ils me dénigrent ou non, en m'appelant « Kokorat, Ti volè, Selavi... », Je me rabaisse «  poukisa pou m fè gwo kolèt ak moun yo, bon se yo k ap ede m nan lari a » ; je suis un enfant de la rue, ils me traitent en tant que tel.

Du côté de l'intelligence : A Jérémie, pendant une année, j'avais eu la chance de fréquenter l'école ; mais cela ne m'est pas suffisant pour que je sache comment lire et écrire. Dans la rue, j'ai appris à compter et à faire le calcul de mes revenus, mais j'ignore complètement les grands nombres comme cent (100), deux cents (200), etc. Dans la vie, je connais ce que je dois faire et ce que je ne dois pas faire (Sa k byen, sa k mal) et, aussi, dans la rue, je peux parfaitement me débrouiller pour me trouver à manger, pour me divertir, pour me loger et pour me défendre. Les seules choses que je ne maîtrise pas parfaitement, ce sont les dates et les heures : jours- mois- années, etc. mais, tous les autres trucs du genre habituel et qui font partie de ma vie de rue, je les connais et je les maîtrise sans trop d'efforts.

Du côté des aspirations : Actuellement, je perds tout le contact avec ma famille : ma soeur et ma tante ; elles se sont déménagées à Fort National et se sont rendues dans divers autres endroits dont j'ignore les adresses. Ce qui fait qu'en réalité je me sens vraiment seul dans la vie. Je suis dans la rue et j'y resterai pour longtemps, car je n'ai aucun autre endroit dans lequel je peux me rendre pour que je vive une meilleure vie, mis à part les centres qui m'offrent certaines possibilités de me nourrir, de me divertir, etc. ; mais, cela ne me suffit pas. J'ai besoin aussi de l'argent pour économiser, car je ne veux pas que ma soeur souffre. J'aimerais lui donner un commerce quand je serais plus grand et, moi, j'aimerais aller à l'école, car je rêve de devenir président. La mort de mon père m'a fait beaucoup souffrir, je n'aurais pas dû être dans la rue ; puisque je n'ai pas de famille, je n'ai personne d'autre, je me résigne. Dans les années à venir, si jamais j'aurais un enfant, je ne souhaiterais pas qu'il soit un enfant de la rue ; par rapport à toutes les souffrances que j'ai endurées, je ferai tout mon possible pour lui épargner tous ces malheurs.

2- Les dimensions de la personnalité étudiées chez l'enfant de la rue

2.1.- Quelques aspects de la motricité80(*) chez l'enfant de la rue

Les sujets que nous avons observés et interviewés tout le long de notre étude ont fait preuve d'exubérance motrice dans la réalisation de leurs activités régulières, jeux, gestes et dans d'autres domaines de la vie courante. Dans cette tranche d'âge, entre 10 et 12 ans, selon les chercheurs en psychologie génétique, tout enfant, déjà, fait l'acquisition des prestations sensori-motrices générales nécessaires à son développement psychophysique, telles que : les sensations multiples, la préhension, les positions assis/debout, la marche, la course et d'autres mouvements primaires. A ce propos, nous avons observé que l'enfant de la rue au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars, à cet âge, poursuit un développement musculaire très accéléré et apparemment établi ; en plus de ses nombreuses capacités physiques et sa vigueur qui augmentent son endurance, l'enfant de la rue jouit énormément de son acuité sensorielle pour réaliser ses entreprises quotidiennes au bénéfice de sa survie.

2.1.1.- Le corps de l'enfant de la rue : entre sa musculature et ses mouvements

L'enfant de la rue, au regard de notre échantillon, a fait preuve de forces physiques assez considérables en l'observant dans ses jeux d'acrobatie, de combats et dans ses pratiques de portefaix, en soulevant de lourdes charges des commerçants au bord de la rue matin et soir, même avec excès. Sans épuisement réel dans ses travaux de chaque jour, l'enfant de la rue agit avec énergie et résistance par rapport son âge.

Entre 10 et 12 ans, les enfants de la rue que nous avons observés sont présentés relativement suivant une croissance staturo-pondérale qui s'établit en moyenne dans l'intervalle entre 4» et 4» 6 de taille et entre 29 Kg et 41 Kg de poids. En effet, les activités de ces derniers sont très intenses et leur champ d'exécution est très étendu. Au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars, du matin au soir, ils sont constamment en mouvement ; ils inventent, découvrent, répètent, améliorent de nouveaux gestes et expressions faciales, et de nouvelles coordinations adaptés au milieu dans lequel il évolue. En fait, suivant les données de nos observations, l'enfant qui vit de la rue est généralement instable. Dans des situations diverses, ces mouvements sont un peu massifs, rapides, non affinés mais bien coordonnés et différenciés pour la réalisation des activités multiples au gré de leur délices ; prenons l'exemple des leurs acrobaties en descendant une voiture qui court à grande vitesse.

Ensuite, quant à sa gesticulation, l'enfant de la rue en situation de communication émet des gestes qui sont pour la plupart abondants, globaux et parfois explosifs ; mais, la synchronisation y est souvent absente. Sauf, dans les cas précis, lorsqu'il s'agit pour l'enfant de montrer ou d'indiquer un objet placé plus ou moins devant son champ sensoriel, la synchronisation entre l'intention, le verbe et les gestes de l'enfant est améliorée. En fait, d'autres gestes discrets de l'enfant de la rue qui sont à l'ordre des mimiques, formes d'expressions à dominante faciale qu'il émet au niveau du front, des sourcils, des yeux et de la mâchoire, et qui sont produites généralement quand il est en colère et quand il veut intimider. Hormis le sourire qui n'en fait pas partie. De toutes les mimiques observées pendant la période de notre enquête, nous avons noté : «  Dan di, Sousi kontre, Bay min, Dan klete, Bay vizaj, Dan soude, Zo bèf, Monstre, etc. »

Enfin, une coordination musculaire bien établie requiert une certaine capacité de latéralisation et de latéralité de la part de l'individu. A ce propos, l'enfant de la rue, sujet de notre échantillon, affiche une dominance latérale droite ayant le choix préférentiel à utiliser la main droite et le pied droit lors de l'exercice de ses pratiques quotidiennes (jeux, travail, utilisation de matériels, réflexes, etc.). Cependant, au niveau de la latéralisation, il est plus facile à l'enfant de la rue de faire la différence droite/gauche sur lui que de le distinguer sur autrui et dans un espace quelconque.

2.1.2.- le corps de l'enfant de la rue et ses dérivés sensoriels

A ce niveau, l'enfant qui vit de la rue au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars est étudié suivant un tableau poly-sensoriel qui, dans un rapport étroit avec le cerveau, définit les différentes sensations et impressions de ce dernier face aux stimulations du milieu dans lequel il vit, en l'occurrence la rue. Cette correspondance entre les sens, les sensations et les mouvements chez l'enfant nous permet de comprendre et de présenter les quelques réactions possibles de celui-ci par rapport aux exigences de ses conditions matérielles d'existence et, plus loin, elle va nous conduire aux pieds du champ cognitif et socioaffectif de ce dernier. A ce propos, chez l'enfant de la rue, un faisceau de sensations ou d'impressions sensorielles tout nécessaires à sa survie, fait de lui quelqu'un de différent par rapport à tout autre enfant de son âge, de sa taille, de son poids et de son sexe, et qui vit dans un autre milieu assez aisé. Pour l'enfant de la rue, toute impression de mal-être ou d'incomplétude liée aux besoins physiologiques comme manger, dormir, se faire uriner, aller à la selle, se baigner, se changer de vêtements qui peuvent garantir une certaine satisfaction physique, est pratiquement éteinte. Au lieu de pleurnicher ou de pousser des cris quand il a faim, il résiste et il cherche à manger en mendiant de toute part ; quand il faut aller à la selle, il se dirige vers les ravins ou dans les toilettes publiques ; quand il faut se baigner et changer de vêtements, il s'en occupe très rarement. De ce point de vue, sans vouloir faire une énumération complète, il est bien d'autres sensations d'ordre visuel, auditif, tactile, olfactif, gustatif, kinesthésique, etc., qui mettent en évidence les différences sensori-motrices chez l'enfant de la rue quant aux conditions concrètes qui les engendrent. C'est ce qui fait, vraisemblablement, que l'enfant qui vit de la rue a une autre impression de la douleur, il réagit différemment aux bruits multiples produits dans la rue, il s'adapte à l'odeur des poubelles, des égouts, de son corps et de ses vêtements. En dernier lieu, il résiste sous le soleil toute la journée pieds nus et sans casque ; aussi il passe la nuit à froid en dormant sur le sol et à ciel ouvert.

2.1.3.- le corps, ça absorbe... c'est comme une éponge

Généralement, le corps de l'individu prend la forme de ce que l'individu a fait au cours de son histoire, constituée de toutes les expériences jusqu'ici vécues par celui-ci. Le développement et les caractéristiques du corps ne dépendent pas seulement d'une simple maturation organique, mais aussi du milieu dans lequel l'individu en question évolue, de ses activités pratiques et de ses exercices à utiliser ou à manipuler les objets et les matériels de son environnement ; citons l'exemple des cas bien connus de deux enfants loups dénommés Ramala et Kamala81(*).

En réalité, les conditions d'existence de l'enfant qui vit de la rue ne diffèrent pas trop de celles de ces deux enfants retrouvés dans la forêt quant au caractère frustre, rigide, hostile et rudimentaire des deux milieux. Dans la rue, le nombre de temps que l'enfant a passé et les expériences qu'ils ont vécues ne sont pas sans effet sur son développement intégral, sa taille, son poids, ses jambes, ses bras, ses cheveux, ses dents, son teint épidermique, sa préparation pubertaire, etc. En somme, sous le poids de conditions de vie difficiles, le corps de l'enfant de la rue se développe et se trouve sans cesse modifié, facilitant celui-ci à répondre aux diverses exigences du milieu et à se battre pour la survie. Dans le corps de ces enfants est reflétée la misère de toute une société et, en particulier, y sont retenues le souvenir de toutes les aventures et les rixes auxquelles ces derniers ont été livrés pendant toute leur enfance.

2.2.- L'Intelligence82(*) de l'enfant de la rue : un outil de survie

Les comportements intelligents des enfants qui vivent de la rue, en les regardant agir jour et nuit, peuvent être assimilés à la « débrouillardise ». A ce titre, ses nombreux efforts sont précisément accomplis pour contrecarrer les situations de misère et de souffrances quotidiennes rencontrées dans la rue. Pour ce faire, l'enfant doit utiliser son cerveau, son corps, ses sens, ses muscles afin d'apprendre et, simultanément, de réaliser les activités qui lui permettent de survivre jour après jour. Ces exercices assez indispensables que ces derniers réalisent chaque jour au Carrefour de l'Aéroport sont désignés de  «  Bwase lè a, Chavire lè » et, en leurs propres mots, ils affirment : « Lari a mande fòk ou vivan, fòk ou sou men w pou w ka bwase l ». La vie de la rue, selon l'agir de ces enfants qui en font partie, a ses propres exigences et elle définit des façons particulières à ces derniers d'y répondre ; pour se nourrir, se divertir, se déplacer, se trouver des vêtements, s'échapper ou semer quelqu'un en courant dans la foule après avoir commis un vol, les enfants de la rue utilisent leurs capacités intellectuelles en développant des techniques pratiques spécifiques à chaque situation.

2.2.1.- l'enfant de la rue, à la lumière de ses connaissances et informations de base

Généralement, un enfant de 10, 11 et 12 ans dans notre société est supposé, en toute régularité, au niveau de la 6e année ou de la 7e année d'études fondamentales où il fait l'acquisition d'une somme de connaissances de base l'entraînant à participer à la vie socioéconomique et culturelle de son milieu de vie. A ce sujet, les enfants de la rue, dans cette tranche d'âge, que nous avons observés et interviewés au niveau du Carrefour de l'Aéroport et de Champ de Mars n'atteignent pas ces niveaux d'études ; pourtant ils maîtrisent bon nombre de connaissances de base leur permettant de se conduire intelligemment dans la rue. Lors de notre enquête, nous avons collecté les informations suivantes qui figurent dans ce tableau ci-dessous :

Tableau 2.- Données sur les connaissances de base de l'enfant de la rue

Cas # 1

Cas # 2

Cas # 3

Cas # 4 //////////  ???

Source : Enquête du Mémorand, Mars 2009

De ce tableau, un (1) enfant sur quatre (4), de notre échantillon, sait lire et écrire en raison d'avoir été scolarisé ; cependant, les trois (3) autres enfants, malgré qu'ils n'aient pas été scolarisés, ont tous le nombre d'informations nécessaires caractérisant leur niveau de connaissance de base. Sur une échelle de quatre sur quatre (4/4), ils sont tous capables de s'identifier par leur nom complet, leur âge, le nom de leurs parents et leur provenance. Ensuite, ils maîtrisent les notions du temps en termes de Date : Jour, Semaine, mois, Année ; en termes d'Heure : Matin, Midi, Après-midi, Soir et ils les distinguent par rapport aux activités du milieu. Par contre, les heures précises les intéressent très peu ; soit, 4/4 de notre échantillon ne maîtrisent pas les heures précises. Et, encore, ils sont tous capable de faire un repérage général de l'espace en termes de Zones et de Localités, en termes de Latéralisation : Gauche et Droite et en termes de Sens, de Direction ou de Distance un peu rapprochée : Isit, Anba, Lòt bò, La, Anwo, etc. De plus, ils connaissent les Couleurs de base comme le bleu, le rouge, le jaune, le noir, le vert, le blanc, etc. Enfin, dans les entretiens, ils ont tous fait preuve d'être capables de réaliser des opérations arithmétiques concrètes et abstraites à leur niveau en termes de calcul leur permettant de jouer au hasard (poker), de faire des achats en cas de besoins, de participer aux jeux de loterie (borlette) et de faire le décompte de leurs revenus journaliers.

2.2.2.- l'enfant de la rue et sa perception de la réalité : A la limite de ses représentations et de son jugement

Avec des connaissances limitées dans ses conditions de vie, l'enfant de la rue est capable de jauger ses propres situations et de donner un sens à cette réalité. L'enfant qui vit de la rue, avec qui nous avons travaillé pour cette étude, a conscience de sa situation et comprend tous les risques qui y sont impliqués. Eu égard à notre échantillon, nos quatre (4) sujets affirment qu'ils aimeraient changer leur situation de vie ; cependant, au cours des entretiens, voici comment ils représentent leur situation et ces quelques corollaires dans ce tableau ci-dessous:

Encadré 1.- Données sur la perception et la représentation de l'enfant de la rue : LA RUE

Cas I

« Lari a sove lavi m, li fè m jwenn machin pou m siye, li fè m jwenn manje san pwoblèm...»

Cas II

»Menm lè mwen pa renmen l, men ladan l mwen santi m lib anpil. Tout di m ap di m pa renmen l lan, se lè yon move bagay rive m sèlman mwen rayi l wi, pou yon ti tan. Se kòm si lari a fè w bilye tout pwoblèm, se tankou yon dwòg...»

Cas III

« Li gen yon leman ladan l k ap rale w [...] Li se yon sous... »

Cas IV

« Lari a se li ki tout mwen, se ladan l mwen dòmi, se ladan l mwen manje, ladan l mwen fè ti kòb mwen. Menm lè m ta al yon lòt kote, m ap toujou kwè ladan l ; lari a, pa gen manti ladan l menm... »

Source : Enquête du Mémorand, Mars 2009

Dans cet encadré est relaté ce que la rue représente pour nos sujets d'étude au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars. Ces enfants définissent leur attachement à ce milieu, leur sentiment d'appartenance du fait qu'il constitue pour eux une source de revenus, un espace de survie et, aussi, il leur offre un sentiment de liberté. Malgré que ces enfants disent qu'ils souhaitent quitter ce milieu, la façon dont ils le représentent, est très différente de ce qu'ils émettent comme discours. À ce moment, nous remarquons une incohérence de leur jugement due à des contradictions du milieu qui peuvent provoquer une perte de repères chez ces derniers. Ce comportement est possible chez tout individu opprimé et pour qui le processus qui facilite son ancrage, soit dans des situations, soit dans un milieu ou dans un système quelconque, est presque complet.

En outre, nous avons continué, au cours des entretiens, à collecter les idées de nos sujets d'étude ; question de savoir ce que l'Ecole représente pour eux. En ces propres termes, dans l'encadré suivant, ils disent :

Encadré 2.- Données sur la perception et la représentation de l'enfant de la rue : L'ECOLE

Source : Enquête du Memorand, Mars 2009

A partir de cet encadré, nous avons collecté les idées de l'enfant de la rue relatives à sa perception à l'égard de l'école. Au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars, l'enfant de la rue, soit 4/4, perçoit l'école comme un espace de réussite qui peut lui garantir la promotion sociale. A partir de là, l'enfant de la rue arrive à comprendre que l'école lui réserve des possibilités d'avoir une profession, d'être un citoyen, un employé, un intellectuel et, en gros, de devenir en société ce qu'il désire. A cela, nous avons vite compris combien les idées, les représentations et la perception de l'enfant de la rue sont imprégnées des clichés véhiculés, partagés et acceptés par les hommes et les femmes de la société à l'égard de l'école. C'est ce qui fait qu'à son niveau, il la perçoit dans une optique d'obtention et de conservation de statuts dans cette société d'exploitation et de domination socioéconomique. D'où, l'école en Haiti, telle qu'elle est conçue, serait-elle capable en réalité de libérer l'enfant de la rue de ses contraintes sociales et psychologiques qui font de lui un demi être, un sous être ou un non être ?

Et, en dernier lieu, nos sujets d'étude ont présenté leurs points de vue concernant les centres de réhabilitation ou les centres d'accueil que les responsables ont mis à leur disposition. A cet effet, ils affirment :

Encadré 3.- Données sur la perception et la représentation de l'enfant de la rue : LES CENTRES

Cas I

«Sant lan se tankou yon prizon pou timoun li ye, m pi alèz nan kafou ayopò a ; m manje, m gen lajan. Ou pa wè lè yo te vin deyè nou an nou te fè zèl...»

Cas II

« Bon gen nèg ki te nan sant lan ki sove, pou m ta ale mwen menm ? Nèg yo di nan sant lan ou dèyè yon gwo mi, ou pa menm ka wè deyò [...] se kòb moun y ap fè sou do nou pou gran mesi nan sant lan wi, pou tout ti bagay y ap fè foto nou pou yo mete sou jounal...»

Cas III

«le yo ap bay manje m konn al nan sant yo, Don Bosco, Caritas la. Avèk lè m bezwen al jwe (monte bekàn, monte blèd, monte balansin) epitou lè lapli ap tonbe m konn ale tou. Aprè sa m vin nan lari a se la m ka viv pi byen...»

Cas IV

«sant lan se yon bon bagay li ye, yo konn ba nou manje; epitou ou ka aprann

ebenis, soudè ( soudure) ladan l. Men dakèy (centre d'acceuil) pa bon menm, gen yon

grenn bòt k ap mache ladan l chak swa. Gen yon Machann fresko ak yon machann

pistach ki se djab yo manje plizyè timoun, chak swa ou tande vwa yo deyò a nan

lakou a lè yo vin touche nan men nou. si w sòti ou tou la. Sak fè tou m pa pral nan

dakèy, le w goumen, moun yo mete w nan yon twalèt se la pou w fè tout bagay ou:

manje, dòmi...»

Source : Enquête du Mémorand, Mars 2009

Cet encadré nous présente les idées de l'enfant de la rue au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars sur les centres de réhabilitation. Pour l'enfant de la rue, cet espace est davantage un lieu à éviter qu'à intégrer par rapport aux nombres d'exigences qui tendent à limiter sa liberté, telle qu'elle est dans la rue. Contrairement à l'école, les centres de réhabilitation apparaissent à l'enfant comme une instance servant à réduire son champ en termes d'espace à investir, en termes d'actions à livrer et en termes d'argent à gagner qui empêchent son expression de soi et qui lui retirent du reste de la société. Alors, pendant que l'école soit représentée par l'enfant de la rue comme un espace qui peut favoriser la promotion et la réussite sociale, professionnelle et économique ; les centres de réhabilitation sont vus de l'autre côté comme un espace d'exclusion sociale.

Donc, dans ce contexte, nous avons vite compris que les possibilités sensorielles et les expériences de l'enfant de la rue influent grandement sur sa perception de la réalité. En ce sens, ce qu'il a vu, ce qu'il a entendu et ce qu'il a vécu dans la rue ont conduit son jugement au point qu'il puisse donner sens et signification à cette réalité dans laquelle les situations qu'il vit au quotidien s'imbriquent. De ce fait, nous avons vu ce que la rue, l'école, les centres de réhabilitation représentent pour nos sujets d'étude en utilisant leurs facultés propres pour penser ce qu'ils perçoivent, se les représenter par intériorisation afin de leur donner un contenu verbal qui n'est pas dépendant de leur volonté, mais qui traduit l'empreinte de leurs conditions sociales, politiques, économiques et culturelles par le raisonnement et le langage. Alors, tout ce processus cognitif chez nos sujets est un construit réel de la rue de ses nombreuses expériences ; ce qui veut dire, en d'autres mots, que les racines de l'apprentissage de l'enfant sont accrochées à ses conditions de vie dans la rue. Autant que ses expériences se multiplient, autant il peut de mieux en mieux se remémorer des situations vécues et les raconter ; d'où ses capacités intellectuelles, à cet effet, se développent et s'affermissent de plus en plus dans la rue.

2.2.3.- Quelle intelligence, pour quel type d'enfants et pour quelles situations ?

Par rapport à tout autre mineur de son âge, entre 10 et 12 ans, d'une famille donnée, l'enfant de la rue diffère par ses capacités à résoudre ses problèmes de chaque jour en mettant en branle son mécanisme de survie qui lui permet de se défendre et de trouver des moyens d'approvisionnement en temps et lieu. Ce mécanisme de survie, constitué de réponses aux besoins réels ou au sentiment de besoin de l'enfant de la rue, l'incite à répéter, à améliorer les pratiques déjà existées ou à créer d'autres manières, d'autres trucs du genre : astuces, ruses, mimiques, gestes, etc. ; d'autres matériels et d'autres techniques plus efficaces et productifs mettent en évidence ses capacités intellectuelles dans le seul objectif de rester en vie.

Au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars, l'enfant de la rue entre 10 et 12 ans, fait preuve d'adaptabilité quant à ses capacités à résoudre les problèmes avec lesquels il est confronté dans ce milieu. Il cherche intelligemment à manger, à boire, à multiplier ses sous, à se déplacer en voiture, à se divertir et à gérer ses conflits. De ce fait, il ne se laisse pas abattre sous le poids de ses conditions d'existence ; au contraire, il cherche à l'intérieur même de celles-ci tous les moyens, tous les objets et tous les matériels qui sont à sa disposition (les poubelles, l'eau des égouts, le morceau de tissus, etc.) et lui offrant ces maigres possibilités de survivre s'il les manipule aisément et convenablement. A cet effet, suivant notre enquête, nous sommes arrivés à comprendre que les capacités intellectuelles de l'enfant de la rue, en se référant à notre échantillon, sont davantage motrices et gestuelles que représentatives ou symboliques ; cela ne veut pas dire qu'il n'et pas apte à produire des opérations mentales à quelque niveau que ce soit, mais son activité motrice un peu dominante a mis en évidence l'efficience et l'efficacité de son intelligence83(*) pratique et manipulatoire.

Alors, comment l'enfant de la rue arrive-t-il à faire le pick pocket, communément appelé « Dedwèt, koupe pòch » ? Où a-t-il appris à fouiller les poches d'un cadavre sur le chaussée ? Comment arrive-t-il à savoir que le type de tissus dont il se sert pour essuyer les voitures doit être maculé d'huile ou d'essence (Gaz) ? Qui a appris à l'enfant de la rue toutes ces expressions faciales, tous ces intonations et gestes pitoyables lorsqu'il est en train de mendier auprès des gens avec ces termes suivants : «  Manmi, Papi, Patwon lâge yon bagay nan menm non tanpri. Depi m maten m poko pran anyen, m ap mouri wi. Li te mèt yon (1) goud, li te mèt ti moso zo sa a. »? Et, pour finir, où a-t-il appris à faire des sauts acrobatiques et périlleux quand il veut monter ( Plake) ou descendre ( Deplake) une voiture qui court à grande vitesse ? Alors pour mieux nous situer, suivons cet extrait dans l'encadré ci-après indiqué :

Encadré 4.- Données sur l'une des techniques pratiques de l'enfant de la rue

Cas I

» Mwen vin konn deplake nan ta, m plede tonbe. Gende lè nèg yo di w pou w lage kò w y ap kenbe w, epi yo kite w tonbe pou yo ka tchip ( griyen dan) sou wou, lè sa se nan kafou avyasyon m te ye. Kounye a m ka fè l byen»

Cas II

» Lè m te fèk vin nan lari a, m te wè nèg yo ap deplake, yon jou m tal eseye fèl, epi

tout jenou, tout ponyèt mwen te dekale. Mwen te vin pè fè l, men lè nèg yo ap

deplase yo toujou ale kite m e sa te toujou ban m pwoblèm. Mwen eseye fè l anko

plizyè fwa, epi nan detwa jou m vin fò...»

Cas III

« Aa, deplake a fasil men li pa dous ! fòk moun nan pa pè pran zòk. Premye fwa

m te fè l se te pou chans, m pat tonbe non ; se te nan kamyonèt yon moun te pouse

m anba, depi lè a mwen kontinye fè l san m pa tonbe... »

Cas IV

» Mte konn deplake depi nan peyi m, m pran anpil so anvan m vin fò. L ap difisil pou m ta montre yon moun fè l, paske se nan lari a m te aprann fèl depi m te pi piti; fòk moun nan ta plede eseye fè l toutan... »

Source : Enquête du Mémorand, Mars 2009

A cet égard, nous pouvons comprendre que l'enfant de le rue fait l'acquisition de ses conduites intelligentes sous l'influence des exigences de ses besoins vitaux dans ce milieu préfabriqué, qui est la rue, avec tout ce qu'elle comporte de contraintes, d'expériences concentrées et de résignation. C'est dans ce milieu que l'enfant a appris à réagir aux stimulations multiples de son entourage dans la ligne des potentialités inhérentes à son adaptation correcte. D'où, le développement intellectuel de cette catégorie d'enfant est fait, selon les données que nous avons recueillies, suivant plusieurs niveaux d'apprentissage : les tâtonnements cumulatifs, l'exécution des mouvements ayant produit des effets fortuits qui sont aussitôt répétés pour produire les mêmes effets, la combinaison de mouvements réellement effectués qui permettent d'atteindre une fin, les exercices d'essais-erreurs, l'imitation, le conditionnement et l'engagement.

2.3.- L'Evolution socio affective de l'enfant de la rue.

En abordant cet aspect, nous nous sommes plongés à plein et en profondeur dans le phénomène du « grouping », l'une des caractéristiques de la vie de l'enfant de la rue. En psychologie, pour certains auteurs, ce phénomène a son tout début dans l'enfance vers l'âge de 6-7ans84(*) et, pour d'autres, le grouping prend toute son importance à l'adolescence où l'individu manifeste naturellement, selon les auteurs, un désir intense, un sentiment profond et un besoin d'appartenir à un groupe d'amis de son âge, de les ressembler et de s'insérer dans un milieu à sa mesure pour contrecarrer la stabilité, le conservatisme et la stagnation de la famille85(*). À ce moment, selon ces auteurs, le groupe parait se constituer en opposition à la famille. Par contre, dans le cas de notre recherche sur l'enfant de la rue au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars, nos observations et nos entretiens nous permettent de comprendre la réalité du grouping d'une autre manière. D'abord, dans la rue, à tout âge, une fois que l'enfant y fasse partie, il vit automatiquement en groupe ; il se regroupe sans s'en rendre compte, car ce milieu préfabriqué exige ce mode de comportement grégaire de la part de l'enfant. Au Carrefour de l'Aéroport, pour illustrer, nous avons observé deux enfants entre 4 et 6 ans qui vivent déjà en groupes et qui peuvent utiliser tous les codes du milieu. Ensuite, se regrouper est loin d'être pour l'enfant de la rue un désir ou un sentiment, c'est davantage une exigence due aux conditions de vie dans le milieu, à savoir la rue qui puisse lui garantir la survie. Ces conditions, à travers les pratiques quotidiennes, se trouvent liées à un ensemble de contraintes qui prédéfinissent le regroupement chez celui-ci ; par exemple : le milieu (sa rentabilité), les jeux, le travail, le défense, le lieu de sommeil, etc. Enfin, nos observations et nos entretiens nous permettent de comprendre que, dans la rue, le groupe ne se constitue pas en opposition à la famille en réalité. Au contraire, il s'érige en substitution à celle-ci, à cause de la misère, des manques, de la maltraitance et des souffrances qui s'y installent. L'enfant de la rue, sujet de notre échantillon, veut s'échapper à ses conditions de misère extrême dans sa famille, sans le désir préétabli de se révolter ou de contrecarrer les règles familiales, il fuit la faim ou la maltraitance en rejoignant les groupes de survie dans la rue, son dernier recours. A cela, pendant notre enquête, deux (2) enfants de la rue sur quatre (4) nous ont présenté leur situation de la manière suivante :

Le premier a affirmé :

«  Si m te lakay mwen, lè konsa m te mouri grangou deja. Nan lari a mwen manje pi byen, epitou m fè plis lajan pase manmanm m ak papa m... » (Cas III)

Le second a dit :

  « [...] M kite kay manmanm aprè lè Aristid fin ale. Si m te rete lakay la toujou, manman m t ap fin touye m ; jiskounye a si m tounen l ap touye m. Ou wè m pa gen chwa.» (Cas II)

Donc, en référence à ces deux cas, il est davantage question de survie, de lutte pour la vie que d'un désir de révolte ou de rébellion face à la famille ; à moins que, pour eux, ce désir se manifeste à l'enfance.

En somme, le groupe constitue un rempart pour l'enfant qui vit de la rue et en son sein, chacun se défend de sa propre manière contre les aléas du milieu, selon le niveau de son apprentissage, sans pour autant sortir du groupe. Toutes les acquisitions motrices et intellectuelles de l'enfant de la rue, sa capacité à supporter la frustration, ses rivalités, ses compétitions et ses conflits, sont faites dans la rue et pratiquement dans la vie de groupe. Celle-ci, dans son dynamisme, détermine le développement affectif de ses membres en participant à la construction de leur identité et en canalisant leurs affects, leurs émotions et leurs sentiments.

2.3.1.- L'identité86(*) de l'enfant de la rue : objet de son humanité

Dans ce milieu préfabriqué, l'enfant de la rue se fait une identité à travers ses relations socialement et économiquement déterminées, le conduisant à être celui qu'il est censé être aujourd'hui et à devenir demain celui qu'il a été contraint de devenir dans notre société. Par rapport à tout cela, nous avons remarqué que plus la conscience que l'enfant a de lui (son image, sa représentation et son estime de soi) est péjorative ou méliorative et plus elle est garnie d'événements que celui-ci a vécus dans ce dit milieu, plus il se dresse une identité qui facilite son positionnement et qui le renforce davantage dans sa vie de rue.

A cet effet, les sujets de cette étude nous ont raconté leur vie, au cours des entretiens, et nous ont permis de collecter les termes récurrents ayant rapport à ces facteurs susmentionnés, ce qui constitue la trame de son identité.

D'abord, au niveau de l'image de soi qui se réfère à l'ensemble des idées que l'enfant de la rue a sur lui-même et qui lui donne un certain niveau de connaissance de soi, nos sujets d'étude se présentent eux-mêmes au cours des entretiens de la manière suivante :

Encadré 5.- Données sur la conscience de soi de l'enfant de la rue : IMAGE DE SOI

Source : Enquête du Mémorand, Mars 2009

A partir de cet encadré, nous avons remarqué que l'image que nos sujets d'étude, soit 4/4, viennent de se présenter se rapporte à leurs conditions de vie dans la rue ; plus précisément à leur groupe d'appartenance ou à leur catégorie sociale (ce qu'il est), à leurs activités (ce qu'il fait) et à l'état de leur corps (comment il est). Etant celui qui est sale et pieds nus, qui travaille, qui mendie, qui dort et vit de la rue, l'enfant se fixe avec précision une image de soi et, d'ailleurs, dans un ordre assez conforme à leur réalité de vie. Cette construction progressive de leur image de soi dans la rue au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars, est due non seulement à la vision directe que l'enfant a de lui-même, mais aussi à l'image d'autrui, en regardant les autres pairs et, le plus important, à ce que les autres pensent disent et font de lui dans la rue.

Ensuite, au niveau de la présentation de soi et de l'estime de soi traduisant respectivement comment l'enfant de la rue est-il perçu par les autres, les informations qu'il a de la façon dont il est représenté ? Et comment réagit-il par rapport à ces informations ? Nous allons, dans ces encadrés ci-après indiqués, afficher les données correspondantes.

Encadré 6.- Données sur la conscience de soi de l'enfant de la rue : PRESENTATION DE SOI

Cas I

« Gen nan moun yo ki konn sèvi byen avè nou, men yo tout panse mal de nou. Tout

tan y ap di m ti san manman, ou kite lakay paran pou w vin pase mizè nan lari a, yo

konn rele sou mwen , yo konn ap di m vòlè toutan...» « Nan ZAKAT la, gwo nèg

yo konn ban m ti respè m paske m vivan anpil, men gen delè yo konn toupizi m tou.

Nèg pòy mwen yo respekte m, yo konn se yon danje m ye. Nou konn ap fè tchip (ranse), men yo pa janm rive sou mwen pou dyèl...»

Cas II

« Moun nan lari yo panse mal anpil de mwen. Se toutan yo ap di m kokorat, ti vòlè ;

yo konn voye krache sou mwen...» « Nan ZAKAT la, nèg yo rele m Ti Joel paske m

renmen netwaye fatra kote nou dòmi an, yo pran m pou yon ti egare; men lè gen

televizyon, yo toujou bezwen m pou m eksplike ki jan fim yo pra l fini. Gwo nèg yo

menm, yo konn fè m anpil abi...»

Cas III

« Yo rele m Kokorat, Grapyay, yo konn di m gwo betiz. Paske yo konnen m se

timoun nan lari, yo toujou ap pote boure pou yo vin fè m abi; ke l te polis, nenpòt

moun nan...»

Cas IV

« Gen anpil moun ki pa pran m pou anyen, yo wè nou tout la ki nan lari a mal. Tout

tan y ap joure manman m, di m vòlè. Te gen yon patnè nan machin li ki te kenbe menm

epi li ap trennen m pandan machin nan t ap kouri, tout do pye m te dekale jou sa ;

moun yo mechan anpil wi deyò a...

Encadré 7.- Données sur la conscience de soi de l'enfant de la rue : ESTIME DE SOI

Source : Enquête du Mémorand, Mars 2009

A partir de ces deux (2) encadrés, nous sommes arrivés à comprendre la limite jusqu'à laquelle l'enfant de la rue au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars, sujet de notre échantillon, est affecté par ce que les autres pensent, disent et font de lui. Des situations comme le mépris, l'humiliation, le rejet, la maltraitance, l'abus, la désapprobation, les injures, etc. produisent un sentiment de honte permanent, accepté comme normal qui peut engendrer une baisse de l'estime de soi chez l'enfant de la rue. Tout ceci a une grande valeur socio affective et vise à influencer la conscience de soi de cette catégorie d'enfant en prenant conscience de son corps dans un ensemble de relations sociales par l'attention qu'il porte à celui qu'il est et à ce que les autres pensent, disent et font de lui.

Les résultats de la confrontation de ces deux niveaux d'attention débouchent sur une contradiction fondamentale dans la construction de l'identité de l'enfant de la rue, entre celui qu'il est, le sentiment de rester le même et le besoin de vivre autrement. D'où, sous l'influence de ses conditions de vie dans la rue, la conscience de soi de cette catégorie d'enfant est loin d'aboutir à une acceptation de soi proprement dite qui, au cours de l'identisation, peut favoriser des efforts de dépassement de la situation dans laquelle il vit. Au contraire, cette forme de conscience de soi construite à l'aide d'éléments favorables et défavorables du milieu et de ses expériences quotidiennes contribue à un processus complexe de résignation qui l'accroche de plus en plus à son style de vie.

2.3.2.- L'enfant de la rue : entre ses émotions et son émotivité

Les enfants de la rue, pareils à tout autre individu, éprouvent aussi des émotions au rythme de leur développement psychosocial et selon les situations dans lesquelles ils se trouvent. A cet effet, leurs réactions émotionnelles sont facilement décelables, ainsi que les situations qui les provoquent. Dans la vie de groupe, nous avons observé chez l'enfant de la rue un certain nombre d'émotions fondamentales comme la joie, la tristesse, la colère, la surprise, etc. qui se débordent en temps et lieu pendant la période de notre recherche.

L'enfant de la rue au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars répond facilement et de manière immédiate aux diverses sensations de son entourage. Etant assaillie par toutes sortes de situations à caractère pénible, douloureux et frustrant, cette catégorie d'enfants fait l'expérience de la joie et du plaisir en les observant en train de réaliser leurs jeux : le poker, les taquineries, etc. Cependant, à cause de l'hostilité de leur environnement et de la rudesse de leurs relations, leurs réactions émotionnelles dites négatives comme le tristesse, la colère et la frustration sont davantage plus fréquentes chez eux et, somme toute, débouchent sur des habitudes émotionnelles ayant rapport à leur tendance agressive : leur colère manifeste, leur hardiesse, leur dureté, et à leur intrépidité qui donne l'impression à tout observateur que l'enfant qui vit de la rue n'a peur de rien et qu'il n'a pas de sentiment. A ce sujet, nous ajoutons que, certainement, l'enfant de la rue, sous l'influence de ses conditions de vie de chaque jour, construit des habitudes émotionnelles caractérisant sa bravade, son aplomb et son cran, lui facilitant tous ces exploits et toutes ces aventures dans la rue comme par exemple fouiller les poches d'un cadavre vers les 9h30 et 10h du soir à l'entrée de Delmas 1787(*). Mais, cela ne veut aucunement dire que toute frayeur et tout sentiment chez l'enfant de la rue sont éteints ; à notre avis, le poids des conditions sociales et économiques a altéré ses situations de vie quotidienne en le contraignant à s'exprimer émotionnellement dans cette lignée, à chaque fois qu'il y a gratification, facilitation et sollicitation. De là, nous arrivons à comprendre que la peur chez ce dernier n'est pas éteinte et, encore moins, ses sentiments ; ils sont hypertrophiés sous l'emprise des contradictions inhérentes à son milieu de vie.

3- La personnalité de l'enfant de la rue : un puzzle qui se construit pièces par pièces._

Dans les pages antérieurs, divers aspects du développement global de l'enfant de la rue ont été étudiés dans le souci de comprendre l'existence de celui-ci et, aussi, de comprendre son agir quotidien dans son milieu propre de vie. Ce faisant, les aspects d'ordre sensori-moteur, d'ordre intellectuel et d'ordre socioaffectif ont été précisément abordés comme étant les expressions profondes, exclusives et permanentes de la personnalité de l'enfant qui vit de la rue au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars. Ses capacités sensori-motrices, ses performances intellectuelles et son évolution socio affective sont développées dans et par les expériences que l'enfant a vécues et, à quelque niveau que ce soit, elles sont canalisées par les modalités de son milieu de vie, plus précisément, par les contraintes, les exigences et les contradictions qui sont inhérentes à ce mode de vie particulier. A notre avis, ces différents aspects ne sont pas des éléments isolés que l'on tente de regrouper à partir d'une sériation quelconque pour produire un certain résultat. Ceci étant dit, bien au contraire, ces aspects s'imbriquent, s'entremêlent ou s'entrelacent dans des rapports dialectiques incessants lors de l'effectuation d'un acte de la part de quelqu'un qui vise un but concret (la survie) sous la pression des conditions matérielles de l'environnement (la rue et ses avatars) en utilisant ou en créant des moyens lui permettant d'atteindre cette fin pour produire un résultat pour l'individu et pour la société.

Graphique 8.- Processus présentant L'effectuation d'un acte d'un individu ou de l'enfant de la rue

Chez l'enfant de la rue, ces facteurs que nous avons étudiés entre autres définissent l'ensemble des éléments qui, dans leurs rapports dynamiques, constituent l'expression de la personnalité de celui-ci, passant par l'exercice de ses capacités dans le travail qu'il réalise quotidiennement pour construire ses banques d'expériences d'enfant de la rue ou pour construire sa biographie. A ce propos, Lucien Sève affirme :

« Connaître concrètement la personnalité (de l'individu), c'est d'abord connaître l'ensemble des actes qui composent sa biographie [...] Tout acte est (...) un aspect de sa biographie, une expression de soi. Et, aussi, c'est l'acte d'un mode social déterminé, un aspect des rapports sociaux, une expression des conditions historiques. »88(*)

Sur ce point, la personnalité de l'enfant au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars, sujet de notre échantillon, est formée dans la rue. Tous les éléments que nous venons d'étudier dans les pages précédentes qui caractérisent cette personnalité font partie intégrante de l'existence de celui-ci, plus précisément de son existence matérielle, en subissant les retombées des inégalités sociales et économiques de la société. Lesquelles inégalités amènent l'enfant de la rue à des conditions sociales qui canalisent ses conduites et, du même coup, compromettent indirectement son développement psychosocial à partir des contradictions entre son âge chronologique, son statut idéal et son statut réel. D'où, l'enfant de la rue, aux prises à des actions, à des interactions et à des transactions matériellement déterminantes et déterminées, se forme une personnalité de survie89(*) qui imprègne les dynamiques de son milieu de vie et, d'une manière générale, les inégalités socioéconomiques qui caractérisent la société dans laquelle il vit. C'est cette même forme de personnalité qui facilite son adaptation à ce mode de vie et qui définit son ancrage permanent à ces conditions

4.- L'enfant de la rue survit, et sa personnalité s'endurcit

Les conditions matérielles de la rue ne permettent pas à cette catégorie d'enfants de vivre, dans le vrai sens du terme. Selon des discours divers, les enfants de la rue, dans leurs pratiques, se battent pour la vie, ils vivotent, ils survivent, etc. ; à travers leurs activités, ils réclament le droit à la vie en disant symboliquement chaque jour : «  Mwen vle viv ». Privés d'un ensemble de privilèges fondamentaux, les enfants de la rue survivent dans des conditions qui les positionnent, qui les caractérisent, qui définissent leur évolution sociohistorique et qui, en dernier ressort, confinent leurs activités à des tentatives incessantes de satisfaction de besoins personnels qui ne peuvent pas être accomplis matériellement. Dans ses activités, l'enfant de la rue déploie toutes ses forces qui, pour le meilleur et/ou pour le pire, sont déterminées et limitées par ses conditions d'existence qui sont le facteur matériel déterminant de son développement socioaffectif, intellectuel et sensorimoteur, éléments exclusifs de sa personnalité de survie.

L'enfant de la rue, dans ses situations de misère, se forme une personnalité de survie qui le facilite à adopter des comportements dans le sens de produire sa vie matérielle de chaque jour. Les activités qu'il réalise et les conditions dans lesquelles il les réalise endurcissent sa personnalité dans la lignée de la survie en faisant de lui quelqu'un qui subsiste entre la vie biologique et la mort psychosociale, politique, culturelle et juridique. Eu égard à cette polarisation dialectique qui apparaît dans ses conditions matérielles d'existence sous formes de contradictions, l'enfant de la rue devient un candidat potentiel qui se bat jour et nuit pour se faire une place dans cette société de classe où les inégalités et la domination emprisonnent son développement physico mental aux murs de ses pratiques routiniers pour s'assurer la survie. Alors, dans ce contexte, l'idée de se faire une place est d'une extrême difficulté ; à notre avis, elle est pour l'enfant de la rue plus une illusion qu'une réalité.

En résumé, la personnalité de l'enfant de la rue s'exprime concrètement à travers l'exercice des capacités de celui-ci dans ses activités de chaque jour. Les nourritures auxquelles il a accès, les endroits dans lesquels il dort, les travaux et les jeux qu'il réalise, le groupe auquel il est appartenu et, somme toute, les rapports sociaux dans lesquels il est impliqué arrivent jusqu'à atteindre son développement intégral : son corps, ses sensations, sa perception, ses émotions, sa conscience de soi, ses représentations, son intelligence, etc. Ne laissant pas d'autres choix à l'enfant de la rue, ces situations concrètes, telles qu'elles sont, étouffent l'essor psychosocial, économique et culturel normal de celui-ci et développent les actions de ce dernier au compte de la satisfaction de ses besoins vitaux dans des conditions infrahumaines qui définissent sa vie. De telles conditions provoquent des tas de situations, de moments et d'événements dans lesquels est impliqué l'enfant de la rue et qui constituent sa biographie et, par imprégnation, construisent finalement sa personnalité comme le produit psychosocial et historique de ses conditions matérielles d'existence. En tant qu'un individu qui vit dans la misère, par la misère et pour la misère, l'enfant de la rue à Port-au-Prince se forme une personnalité en s'appropriant des éléments matériels de son milieu de vie, les valeurs, les codes langagiers, les pratiques socioéconomiques, rémunérées ou non, qui lui garantissent les capacités réelles de se défendre contre la mort biologique et pour la reconnaissance sociale. Telle est la personnalité de l'enfant de la rue au Carrefour de l'Aéroport et au cham de Mars.

CHAPITRE IX : L'ENFANT DE LA RUE, UN AGENT DE REPRODUCTION SOCIALE

1- Entre ses conditions et sa personnalité, l'enfant de la rue reproduit constamment...

L'environnement dans lequel l'enfant de la rue est impliqué délimite préalablement les actions de celui-ci suivant des conditions matérielles qui, dans la structure globale de la société, doivent lui garantir la survie. Pour une telle survie, l'enfant développe des rapports sociaux fondamentaux, tels que ses rapports avec le milieu, les individus et avec d'autres artefacts de la société qui font le lien entre ses activités socioéconomiques et la satisfaction de ses besoins de chaque jour. À dire vrai, ces rapports ne sont pas en dehors des conditions matérielles déterminées et déterminantes dont le contenu fait répercussion dans le milieu de vie de l'enfant de la rue ; au contraire, ils prennent corps et se renforcent à l'intérieur même de ses conditions pendant qu'ils orientent, canalisent les attitudes et les comportements de l'enfant de la rue dans la logique de la conservation de sa vie. Alors, comment celui- ci arrive-t-il à conserver sa vie ?

Au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars, notre recherche nous permet de comprendre que l'enfant de la rue, sujet de notre échantillon, fait la conservation de sa vie à travers ses pratiques et ses activités quotidiennes. Dans de telles activités, il utilise, comme le dit Marx, sa capacité de travail pour la satisfaction de ses besoins et, constamment, il la reproduit puisque la nécessité de survie l'exige suivant ce qui est ou ce qui a été établi dans la conscience de ce dernier lors de la formation de sa personnalité. Selon Lucien SEVE90(*), voici le schéma qui correspond à cette forme de reproduction :

Graphique 9.- Cycle présentant la relation : Activités et Satisfaction de Besoins

Besoins Activités

A cet effet, dans le cas de notre recherche, nous avons aussi utilisé ce même schéma tout en essayant de le remanier pour expliquer l'idée de la conservation de vie des enfants de la rue au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars ; ceci étant dit, le schéma devient :

Graphique 10.- Schéma présentant la force de travail comme base de la spirale

Donc, selon le schéma, si la capacité de travail de l'enfant de la rue s'insère dans cette spirale, ce n'est pas étonnant que son développement intégral soit limité, aboutissant à un type d'individu dont la conscience, l'intelligence, les conduites affectives ne lui permettent pas de dépasser ses conditions matérielles d'existence, mais de les reproduire. C'est ce qui fait que, dans l'Idéologie allemande, Marx et Engels, ont mentionné :

« Si les circonstances où cet individu évolue ne lui permettent que le développement unilatéral d'une qualité aux dépens des autres, si elles ne lui fournissent que les éléments matériels et le temps propices au développement de cette seule qualité, cet individu ne parviendra qu'à un développement unilatéral et mutilé. »91(*)

A ce propos, il nous est revenu de comprendre que les conditions et les circonstances dans lesquelles l'enfant vit quotidiennement au Champ de Mars et au Carrefour de l'Aéroport déterminent un niveau, un type et un rythme de développement physique, socio affectif et intellectuel à ce dernier qui soit caractéristique de son travail, de ses pratiques et de ses activités dans le but de produire sa vie par la consommation et la satisfaction de ses besoins.

1.1.- L'enfant de la rue crée sa journée et, en retour, elle définit son histoire

Dans la rue, l'enfant qui vit au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars est présent du matin au soir et se manifeste en tant que tel à travers ses modes de production de vie, notamment ses activités matérielles et/ou ses rapports socioéconomiques comme la mendicité, l'essuyage de voitures, le vol, les jeux de toutes sortes, etc. qu'il réalise à longueur de journée.

De notre échantillon, les cas que nous avons étudiés ont démontré que nos sujets d'étude ont quasiment la même cadence, tenant compte des activités qu'ils ont réalisées au cours d'une journée. A partir de ce tableau ci-après indiqué, nous allons présenter la récurrence de leurs activités de chaque jour :

Tableau 3.- Données sur l'organisation de la journée de l'enfant de la rue

Items

Cas I

Cas II

Cas III

Cas IV

Se brosser les dents chaque matin

Rarement

Toujours

Jamais

Jamais

Se laver le visage et le corps

Rarement

Souvent

Souvent

Souvent

Se nourrir chaque matin

Toujours

Toujours

Toujours

Toujours

Travailler

Toujours

Toujours

Toujours

Toujours

Se divertir

Rarement

Toujours

Rarement

Souvent

Fréquenter des Centres

Jamais

Jamais

Souvent

Souvent

Se nourrir entre 12h et 4h

Toujours

Toujours

Toujours

Toujours

Se nourrir chaque soir

Toujours

Toujours

Toujours

Toujours

Regarder la télévision

Rarement

Souvent

Rarement

Souvent

Prendre un bain avant de dormir

Jamais

Jamais

Jamais

Jamais

Source : Enquête du Mémorand, Mars 2009

Dans ce tableau est affiché l'ensemble des items qui définissent les activités de chaque jour de l'enfant de la rue de manière régulière au Carrefour de l'Aéroport et au Champ de Mars. De ce fait, la récurrence de ces activités chez chacun de nos sujets (Cas I, II, III, IV) nous permet de déterminer les conditions dans lesquelles l'enfant de la rue crée son quotidien qui, par répétition, le conduit à un mode de reproduction de vie déterminé par ces conditions et qui, bien sûr, participe au renforcement de ces mêmes conditions chaque fois que l'enfant de la rue produit un travail et/ou consomme les résultats de ce travail pour la satisfaction de ses besoins.

En fait, la satisfaction des besoins réels de l'enfant de la rue dans laquelle s'entremêlent « Production et Consommation »92(*) ne débouche pas nécessairement, pour sa réalisation, sur la reproduction du capital au premier chef. L'enfant de la rue, un individu qui mène forcément des activités rémunérées, reproduit sa capacité de travail pour satisfaire ses besoins immédiats de chaque jour, l'essence de sa survie, tout en formant de manière continuelle et continuée sa personnalité et en renouvelant ses conditions matérielles d'existence. Donc, si l'enfant gagne Trois cent cinquante (300) gourdes par jour, voici comment il en fait généralement la consommation selon les résultats consignés dans ce tableau:

Tableau 4.- Données sur les dépenses quotidiennes93(*) de l'enfant de la rue

Café

Pain

Pâtés

Aleken matin

Aleken midi

Barbecue

Spaghetti

Total 1

10 Gdes

10 Gdes

15 Gdes

20 Gdes

***********

75 Gdes

50 Gdes

180

Saucisses

Jus

Clairin

Cigarettes

Eau

« Bega »

Marijuana

Total 2

10 Gdes

25 Gdes

10 Gdes

3 Gdes

1 Gde

10 Gdes

25 Gdes

84

Total final

264

Source : Enquête du Mémorand, Mars 2009

Et c'est ainsi que l'enfant de la rue fait ses dépenses journalières. Tout cela, c'est pour insinuer que le travail ou les activités que celui-ci réalise quotidiennement, produisant du numéraire, représentent l'élément matériel fondamental qui lui permet de produire sa vie matérielle par la consommation de ses gains journaliers, fruits de sa capacité de travail. Ces gains ou ces revenus journaliers, une fois consommés pour la satisfaction de ses besoins, l'enfant de la rue est conduit constamment à reproduire sa capacité de travail dans cette même lignée, du Lundi au Dimanche et de Janvier à Décembre pour s'assurer la survie. Une telle nécessité de survie n'exige pas nécessairement à l'enfant de la rue d'intégrer des structures de domination et d'exploitation à partir desquelles des relations de production se sont déclenchées en tant que manières de garantir l'accumulation du capital d'un patron ou d'une institution. Au contraire, elle provoque chez ce dernier des comportements d'autodestruction ou d'auto-dénigrement sur tous les plans : social, économique, psychologique, politique et culturel qui sont liés de loin à des relations de domination entre classes, certes ; mais qui sont davantage les résultats d'une exploitation de soi par soi dan le système de production sociale et économique. Si nous nous référons aux réflexions de l'auteur Jn Anil Louis-Juste dans un article « la question de la personnalité chez le paysan haïtien » nous ajoutons pour finir que cette une sorte d'auto exploitation.94(*)

1.2.- Et si, en réalité, les aspirations de l'enfant de la rue étaient comptées...

L'histoire de vie de l'enfant de la rue, entre perplexité et confusion, nous a conduit aux contradictions inhérentes à ce mode de vie particulier et, en même temps, elle défile implicitement sous nos yeux le devenir de cette catégorie d'enfants dans la société haïtienne. D'où émergent les questions : Qui ou qu'est-ce que l'enfant de la rue devient ? Quelles sont les attentes de la société à son égard ? Qui ou qu'est-ce qu'il espère ou rêve de devenir ? Et qui ou qu'est-ce qu'il devient en réalité ?

Par rapport à toutes ces questions, nous avons vite compris que l'enfant de la rue, en luttant pour la survie, lutte en même temps pour se faire une place dans la société. De 1986, 1996, 2006 à nos jours, l'enfant de la rue existe, s'affiche, est et vit dans la rue. Il fait partie de la société, il est un élément de la structure sociale et, par dessous tout, nous le représentons clairement dans notre conscience, soit à partir des activités qu'il réalise à longueur de journée, soit à partir des services que nous lui offrons chaque jour, soit à partir des abus que nous lui faisons subir ; nous le représentons en tant que tel. Cependant, à chaque fois qu'il nous soit arrivé de parler de son futur, nous prenons toujours les devants pour dire qu'il n'y a pas d'espoir. Ce qui fait que dans la société, pour la grande majorité de la population, nous attendons à ce qu'il devienne des voleurs, des criminels et à ce qu'il reste des Grapyay, Kokorat, Se lavi, etc. pour le reste de sa vie ; car, en toute évidence, c'est cette place que nous lui réservons dans la société.

En fait, quoique le devenir de l'enfant de la rue soit fortement déterminé, cela n'empêche pas qu'il a des aspirations ou qu'il rêve d'une autre vie qui soit meilleure et qui dépasse amplement ce que la société a fait de lui. A cela, pendant la période de l'enquête, les sujets de notre échantillon nous ont permis de comprendre les quelques aspirations possibles :

Encadré8.- Données sur les aspirations de l'enfant de la rue

Source : Enquête du Mémorand, Mars 2009

Alors, étant enfant de la rue qui vit dans un milieu où les conditions prédéfinies, déterminées et contraignantes ne lui offrent que la possibilité de développer une seule qualité, celle de satisfaire les mêmes catégories de besoins et de maintenir chaque jour les mêmes types de relations sociales, comment arrivera-t-il à rendre effectives et à matérialiser ces aspirations ? De plus, ces conditions d'existence peuvent-elles le conduire à ce port ? Devenir95(*) président, Ingénieur, etc. ne se réfère pas totalement aux héritages96(*) sociaux, culturels, politiques et économiques de l'enfant de la rue ; les conditions matérielles d'existence dont l'enfant de la rue a héritées de sa famille, de son milieu de vie, de ses aînés ( la génération d'avant) et de sa classe sociale et , en outre, celles qui lui sont imposées et qu'il finit par accepter en les reproduisant encore et encore depuis 1986 jusqu'à présent n'ont presque aucun rapport à ces positions sociales, économiques et professionnelles. Au contraire, selon les résultats de nos observations et de nos entretiens, de 1986 à nos jour, les positions sociales, économiques et professionnelles que l'enfant de la rue a toujours atteintes et qu'il continue à les reproduire de génération en génération par rapport à ce qu'il a vu, entendu, appris, réalisé, et acquis et qui s'est maintenu de manière durable dans sa personnalité sous forme de dispositions permanentes sont totalement différentes. Etant celui qui ne possède aucune des forces productives du système de production socioéconomique en vigueur et, aussi, n'étant pas capable de jouir du capital suffisant, les positions de l'enfant de la rue au cours des vingt (20) dernières années peuvent se présenter de cette manière :

Graphique 10.- Présentation du niveau socioprofessionnelle de l'enfant pendant deux (2) décennies

Enfant de la rue Monsieur de la rue

1986- 1996- 2009 2009

Essuie de voitures Lavage des voitures

Mendiants Gérants des places publiques

Faiseurs de poubelles Voleurs, tueurs, etc.

Porte-faix Homme de peine (Bèf chèn)

Laveurs de vaisselles Activistes, partisans politiques

Voleurs Associés des prostituées

Eclaireurs Chauffeurs de Tap-tap

Passeurs Marchands de marijuana

Rançonneurs Chauffeurs de motocyclette

Rappeurs, Musiciens des Rara

Fè resèt nan men machann yo

Donc, la liste de la partie droite se réfère aux activités ou aux positions qui sont généralement accessibles à l'enfant de la rue en devenant adulte et à partir desquelles il continue pour vivre. A ce moment, il devient un véritable «Nèg lari »97(*) à l'entendre parler le plus souvent dans ses moments de colère ou de prouesses. Un tel «Nèg lari » qui a longtemps survécu, arrive enfin à se faire une place dans la société ; une place pour laquelle il s'est constamment battu, qui lui a garanti la survie et qui a permis directement ou indirectement à d'autres personnes ou à d'autres groupes formels ou non formels, organisés ou non organisés, de survivre. Et enfin, pour cette place, le dit « Nèg lari » s'implique davantage dans les conditions qui lui ont garanti la vie, qui le personnalisent, qui le construisent, le déconstruisent et le reconstruisent à chaque instant au cours de son histoire.

2- Au delà de la confusion : Entre la promotion, la mobilité sociale et le dépassement de l'enfant de la rue.

L'enfant de la rue qui vient siéger à Port-au-Prince pour se loger, se nourrir, se divertir et, en gros, pour gagner sa vie, provient de différents endroits du pays. Il est généralement fils de paysans, l'un des groupes du « prolétariat » haïtien qui subit le poids de l'exploitation économique de la classe dominante dès la construction de notre société et à cause de laquelle il souffre de tous les manques qui l'empêchent de satisfaire ses besoins réels, de se réaliser ou de se manifester pleinement et librement. Etant dominé (e), le paysan ou la paysanne privé(e) de ressources, n'ayant ni biens, ni capitaux, ni forces productives et n'ayant que sa capacité de travail physique et psychique, espère que son fils ou sa fille se fasse un nom en société en devenant quelqu'un ou quelque chose. Pour ce faire, généralement, le fils du paysan le plus privilégié rentre dans la capitale, continue ses études, est admis à l'Université et fait une carrière professionnelle en devenant ouvrier, employé, professeur, directeur de banques, homme d'Etat, etc. s'efforce par ses capacités et ses compétences d'être promu, de percevoir un salaire dix (10), vingt (20), cent (100), mille (1000) fois plus grand que ses parents, de passer de position en position, d'investir d'autres rapports de production qui sont, en somme, d'autres formes de relations sociales et économiques qui sont, autant que ces prédécesseurs, autant que ces parents, déterminées par les conditions matérielles de la structure et de la formation socioéconomique dominante et déterminante de vie. Alors, qu'en est-il de l'enfant de la rue ?

L'enfant de la rue, également fils de paysan, mais non privilégié, rentre à Port-au-Prince et mène une toute autre vie ; comme l'on dit, une vie de « San manman », de « Selavi », de « Kokorat », de « Rat » et de « Grapyay ». En luttant de toute sa force pour subsister et pour se faire une place. L'enfant de la rue finit par s'adapter à son milieu et à ses conditions d'existence. Autant que celui-ci veut rester en vie, autant il s'enracine dans ce mode de vie particulier. Ce qui fait qu'au cours de nos entretiens, l'un de nos experts, en l'occurrence la psychologue Danielle St Paul a affirmé que certaines fois des institutions publiques ou privées, des ONG et des particuliers donnent assistance, aide et support à l'enfant de la rue en lui offrant logement, éducation, nourriture, etc. et au bout de quelques temps, soit qu' il s'évade ou il prenne la fuite, soit qu'il raconte des histoires du genre : je dois aller en provinces... ma mère est malade... mon père est mort, etc. dans le but de regagner sa place dans la rue. D'où sort ce comportement d'évitement de l'enfant de la rue ? A ce propos, elle a ajouté que la réccupérabilité de l'enfant de la rue n'est pas chose facile, elle prend en compte deux (2) facteurs importants et fondamentaux qui sont d'abord de l'ordre biologico-chronologique ayant rapport à l'âge de l'enfant de la rue et le nombre de temps qu'il a passé dans la rue ; ensuite, qui sont de l'ordre événementiel qui traduit le nombre d'événements significatifs positifs, négatifs, délétères ou non dans ce dit milieu dont il porte l'empreinte98(*) dans son physique et dans son psychique. Par rapport à tout cela, nous avons compris clairement que le rapport histoire- conditions d'existence est de toute évidence fort important dans l'étude de la formation de la personnalité de l'enfant de la rue. Cependant, cette catégorie d'enfants, selon nos experts Jean Robert Chéry et Danielle St Paul, n'écarte pas toute possibilité de mobilité ou de promotion sociale. Selon eux, au cours des vingt (20) dernières années, nous avons connu des cas d'enfants de la rue, quoique minimes, qui s'en sont bien tirés en devenant professeurs, techniciens, employés dans des institutions privées, étudiants en France et au Canada, etc. Alors, cinq (5), dix (10), quinze (15), vingt (20) enfants de la rue ont gravi de nouveaux échelons socioéconomiques et professionnels, qu'est ce que cela a bien changé ? Dans ce cas, où en est-on avec le phénomène dans la société ?

En dépit de tous les efforts consentis par les institutions publiques ou privées, les ONG et les particuliers, le phénomène se perpétue, se renforce et s'amplifie de jour en jour. L'enfant de la rue à Port-au-Prince devient de pus en plus proche de la population. Arrivé à ce stade, nous avons compris que rien n'a réellement changé malgré la promotion et mobilité individuelle dont jouit l'enfant de la rue. En devenant professionnel, en percevant un salaire assez élevé, il se peut bien qu'il ne dépasse pas les conditions matérielles limites liées à sa classe. Mais, en produisant du capital et de la plus value, il ne fait qu'agrandir la chaîne des exploités et des dominés du prolétariat et du lupemprolétariat au profit de la classe dominante, sans avoir la conscience que ses actes aident à reproduire le système et ceci n'a rien à voir à un changement de vie social, économique et politique de la classe défavorisée, encore moins de l'enfant de la rue. Donc c'est ce qui permet de dire que la promotion ou la mobilité socioéconomique n'implique pas automatiquement le dépassement. Et, même s'il y aurait dépassement, un (1), dix (10), vingt (20) individus promus et qui dépassent les conditions socioéconomiques déterminantes de leur vie avec pleine conscience ne signifieraient pas grand-chose, car ce qui devrait être collectif et massif est individuel et isolé. D'où, l'idée de Marx reformulée par François Bourricaud prend tout son sens :

«  Les agents peuvent modifier leurs comportements dans le temps mais ces modifications microsociologiques ne produisent pas de changements au niveau macrosociologique [...] il suffit pour q'un système se reproduise qu'aucun des acteurs ne soit incité à agir en vue de sa transformation. »99(*)

Et aussi, pour finir, Jean Robert Chéry a bien compris et nous a bien précisé au cours de l'entretien quand il a dit :

«  L'enfant de la rue est un acteur social, sorti d'une classe sociale et d'une famille à l'intérieur d'une société. Il vit les conditions sociales qui sont liées à sa classe, son statut rentre dans l'organisation sociale même du pays [...] tant que la classe défavorisée ne change, la situation de l'enfant de la rue ne changera. »100(*)

Et nous ajoutons à cela, tant que la structure de la société ne change pas pour pallier tous les manques, tous les problèmes et pour répondre à tous les besoins de la population dans la capitale et dans nos provinces, nous ferons face à longueur de journée à ces épiphénomènes qui feront nos malheurs, les malheurs de nos petits enfants jusqu'à ce que nous ne puissions plus y remédier.

CINQUIEME PARTIE :CONCLUSION ET

RECOMMANDATIONS

* 79 _ Cf. Water Closet

* 80 _ Cf. Alain Rideau, Comment connaître son enfant, ed Marabout, Retz- C.Ep.L, Paris, 1975

* 81 _ Cf. Paul Osterrieth, Introduction à la psychologie de l'enfant, 11ème ed. PUF, Paris, 1972, pp. 20-34

* 82 _ Cf. André Rey, Connaissances de l'individu par les tests, 3e édition, Dessart et Mardaga, Bruxelles, 1966

* 83 _ Cf. Jean Pierre Rossi, Méthodes de recherche en Psychologie, Dunod, Paris, 1999

* 84 _ Cf. Paul Osterrieth, Introduction à la psychologie de l'enfant, 11è ed. PUF, Paris, 1972, pp. 177-221

* 85 _ Cf. Cholette- Pérusse François, la psychologie de l'adolescent de 10 à 25 ans, ed. Du jour, Ottawa, 1966

* 86 _ Cf. Serge Moscovici, Psychologie sociale des relations à autrui, Armand Collin, Paris, 2005, pp. 41-69

* 87 _ Cf. A Delmas 17, l'événement a été survenu pendant la période de notre enquête au Carrefour de l'Aéroport dans la soirée

et de cet événement nous avons largement profité pour comprendre plus amplement la réalité de la vie de l'enfant de la rue.

* 88 _ Cf. Lucien Sève, Marxisme et théorie de la personnalité.- ed. sociales, 2e edition, Paris,1972 p.375

* 89 _ Cf. A propos de la description de la personnalité, voir p. 8

* 90 _ Cf. Lucien Sève, Marxisme et théorie de la personnalité.- ed. sociales, 2e edition, Paris, 1972

* 91 _ Cf. Karl Marx et Friedrich Engels, l'idéologie allemande.- ed. Sociales, Paris, 1982, p. 178

* 92 _ Cf. « La production et la consommation », deux concepts jumeaux qui définissent le cours de la vie d'un individu dans ce qu'il fait et ce qu'il fait de ce qu'il a produit depuis son enfance jusqu'à sa mort. A cela, Lucien Sève a mentionné :

«  la production est le véritable point de départ, et par suite le facteur qui l'emporte, la consommation en tant que nécessité que besoin est elle-même un facteur interne de l'activité productive ; mais cette dernière est le point de départ de la réalisation et par suite aussi son facteur prédominant, l'acte dans lequel tout le procès se déroule à nouveau. L'individu produit un objet et fait retour en soi même par la consommation de ce dernier, mais il le fait en tant qu'individu productif et qui se reproduit lui-même » (Voir Op. cit. Lucien Sève, P. 48)

* 93 _ Cf. Nous recueillons ces données pour présenter le prix des produits que l'enfant de la rue généralement consomment au cours d'une journée et qui, en même temps, représentent en moyenne ses dépenses journalières. Sachant, toutefois, que nous ne mentionnions pas dans ce tableau les dépenses livrées dans des jeux de Hasard et ses dérivés. Cependant, il faut signaler que les dépenses consignées dans le tableau ci-dessus peuvent varier d'un enfant à un autre, et le prix des produits, d'un milieu à un autre et suivant sa qualité ; par exemple, le prix du Aleken à Midi peut se situer entre 25, 75 et 100 gourdes. C'est ce qui traduit la difficulté pour nous de fixer ce prix dans ce tableau.

* 94 _ Cf. Jn Anil Louis Juste, « La question de la personnalité chez le paysan haïtien » in Alter Presse, soumis le 1er juillet 2004, consulté en Mars 2009

* 95 _ Cf. Judith Harris, pourquoi nos enfants deviennent ce qu'ils sont? , Robert Laffont, Paris, 1999

* 96 _ Cf. Pierre Bourdieu, les Héritiers. Les étudiants et la culture, De minuit, Paris, 1984

* 97 _ Cf. Concept référentiel qui décalque le modèle identitaire du Noir Américain rappeur qui se qualifie ou se fait qualifier souvent de « Street Negro ou Street Nigga » en opposition à la dénomination de « Home Boy » qui signifierait «  Garçon de maison »

* 98 _ Voir la notion d' « Imprinting », Konrad Lorenz, évolution et modification de comportement, ed. Payot&Rivâges, Paris, 2007.

* 99 _ Cf. Boudon Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie, Quadrige, PUF, Paris, 2000

* 100 _ Cf. Entretien réalisé avec le professeur Jean Robert Chéry le 21 Avril 2009 en son bureau.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon