Formation de la personnalité des enfants de la rue à Port-au-Prince( Télécharger le fichier original )par Dieuveut GAITY Université d'Etat d'Haiti - Licence en Psychologie (Bachelor Degree) 2009 |
A- Brève présentationNom : MERCIDIEU Prénom : Félix Lieu de naissance : Port de Paix Date de naissance : 1997 Education : ? Taille et poids : 4» 6 et 41 Kg B- Montage des scénariosMon nom est Félix MERCIDIEU, je suis né à Port de Paix en 1997 dans une famille de quatre (4) enfants : trois (3) garçons et une (1) fille, et dont je suis le junior. Depuis que j'étais tout petit (5 ans environ), je menais la vie de la rue avec mes deux frères aînés au Cap-Haïtien et à Port de Paix. Dans la rue, nous y passons la journée, voire des semaines afin de gagner assez d'argent pour rentrer chez nous et pour donner à manger à nos parents et à notre petite soeur qui habitent « nan mòn podpè ». En 2004, après le cyclone, moi et mes frères, nous étions allés à Gonaïves dans le but de participer aux dons faits aux sinistrés du cyclone. Recevant des vêtements, de l'argent et de la nourriture, mes deux frères se sont retournés à Port de Paix et, moi, j'ai décidé de rentrer à Port-au-Prince en quête d'une nouvelle vie. Seul, je suis rentré dans la capitale en laissant frères, soeur et parents ; je me sentais énormément motivé et capable de mener la vie de la rue à Port-au-Prince tout en imaginant combien rentable elle puisse être. Sur le Wharf de Jérémie, c'était là que je m'étais trouvé le premier pour passer les nuits et pour travailler. Puis, avec d'autres compagnons de rue, j'étais allé me loger à Cité soleil « Zòn bò HASCO » et je fréquentais le Carrefour de l'Aviation, le Portail Saint Joseph et les marchés publics (Lavil). A cette période, mes premières activités étaient la mendicité, l'essuyage des voitures et le vol ; au bout de quelques années, à Cité soleil, les gens commençaient à nous utiliser (moi et mes copains) comme éclaireurs, passeurs et rançonneurs lors des conflits armés et dans d'autres activités criminelles. En 2006, j'ai été touché à l'épaule par deux projectiles, trois (3) de mes partenaires ont été arrêtés par les soldats de la MINUSTAH et deux (2) d'entre eux furent tués. Alors là, moi qui veux garder la vie sauve, je me suis vite rentré à Port de Paix oú j'ai passé sept (7) ou huit (8) mois sans rien expliquer précisément à mes parents. Puis, en 2007, je suis retourné à Port-au-Prince, précisément à Portail de Léogâne, « Bò madan Kolo » et au Champ de Mars, endroits dans lesquels je vis, je travaille et je me divertis généralement. Organisation de la journée: Dès que je me lève, vers les 8h/9h AM, je cherche à me laver le visage ; avec un morceau de tissus, je me brosse les dents et, certaines fois, je ne m'en occupe guère. Après quoi, je cherche ma toile pour me diriger dans la rue vers les voitures. S'il n'y a pas trop d'activités (si pa gen afè), soit que je vais dans d'autres endroits, soit que je laisse la toile de côté, pour aller me coucher encore une fois, pour aller jouer ou pour aller me rendre à Portail de Léogâne, au centre Don Bosco. Des fois, entre 9h-12h, si le professeur est présent au Champ de Mars et si je suis motivé, je participe à des séances de mathématiques et d'écriture en attendant que l'heure du corridor (Bwadchèn) sonne ; endroit dans lequel, entre 12h et 4h, j'y suis généralement pour mendier, pour s'accaparer du reste des plats que les consommateurs laissent sur la table ou ce qu'ils jettent dans les poubelles. Une fois que je sois un peu rempli, je suis retourné dans la rue travailler et me divertir un peu avec les autres. Le soir, la plupart du temps, je suis dans les parages de l'amphithéâtre REX et ses environs en train de mendier de l'argent et de la nourriture. Il est des fois que je fréquente les prostituées de la place si je gagne assez d'argent pour la journée. Mais, à côté de cela, j'ai une cliente que nous appelons « Dènye lè » pour le peu d'argent que nous ayons 10, 15, 20 Gourdes : « Baton ». Du côté socioaffectif : Dans la rue, je ne vois aucun inconvénient ; je me sens aussi bien que si j'étais chez moi, pour ne pas dire plus bien. Dans la rue, plus précisément au Champ de Mars, il y a toujours de l'espoir ; les gens (chauffeurs, marchand(s) (es), passants...) m'offrent d'énormes possibilités de gagner de l'argent, de manger et de boire, ce qui, au moins, me permet de rester en vie au jour le jour. Je ne peux pas dire que je suis toujours content, mais il y a des situations qui me donnent souvent la sensation du plaisir par exemple : « lè vant mwen plen ak lè m gen anpil lajan », ce qui veut dire par contre que je suis plus facilement de mauvaise humeur (en colère) que d'être content, mais je ne le démontre pas du tout. « M gen gwo san anpil », je ne tolère pas les taquineries et je vois toujours d'un mauvais oeil une personne qui aurait l'intention de m'abuser ; ce sont ces genres de situations qui me mettent généralement dans le pétrin « Nan cho ». Dans la rue, j'ai déjà vécu de dures expériences et j'ai déjà perpétré quelques actes flagrants comme par exemple : l'année dernière , j'ai été mis en prison au commissariat du Champ de Mars (Ponpye) pour une semaine (6 jours environ) parce que « Mwen te fann tèt yon madanm nan Koridò a » ; un gardien des places publiques m'a tranché la peau avec un fil électrique ; tout récemment, je l'ai surpris en train de dormir sur un mur de la place « nou fann li ak wòch ak boutèy, nou pete tout tèt li » ; ensuite, en 2006, j'ai été touché à l'épaule par une projectile d'une arme à feu. Donc, les douleurs, les peines, les pleurs et la colère m'accompagnent dans la rue chaque jour et j'y suis un peu habitué. Etant enfant de la rue, il n'est pas question pour moi d`être fier ou d'avoir honte ; je suis dans la rue, sale et pieds nus, je n'ai pas le choix, tout le monde me voit ainsi. Mais il existe des situations qui me gênent davantage que d'autres, surtout quand quelqu'un m'appelle et me parle de ma vie, de ma famille ou de la rue. Cependant, que les gens me disent ou m'appellent « Kokorat, Volè, Grapiyay », etc. « Sa pa fè m ni cho ni frèt » Du côté de l'intelligence : Je n'ai jamais été à l'école, je ne sais ni lire, ni écrire, je ne suis même pas capable d'écrire mon nom ; pourtant je sais que je suis intelligent. Dans la rue, je suis capable de manier, et ceci, très bien, tout ce auquel j'ai accès. Pour les pratiques de la rue, il faut être « Vivan » pour les réaliser. Depuis que je suis dans la rue, je n'ai jamais été dupé par les autres comme par exemple : « Fouye m, Klase m, Bon sou mwen » ; je suis toujours sur tous les coups, même si j'étais absent, je trouverais quelqu'un qui me mettrait au courant : « Se mwen ki pou bon sou nèg yo, se mwen ki pou fouye yo[...] yo tou pè m paske yo konnen mwen se nèg Site solèy [...] » Du côté des aspirations : je suis dans la rue depuis mon enfance, je pense que j'y resterai accroché pour beaucoup d'années encore ; car je ne suis pas encore prêt à la laisser. Non seulement, je suis dans la rue pour survivre (me donner à manger), mais j'y suis aussi pour aider mes parent, mes frères et soeur de survivre. Même si je vais à un centre, rien ne va réellement changer puisque je dois trouver de l'argent pour apporter à Port de Paix tous les deux (2), trois (3) mois. Donc, tu vois ça, si je quitte la rue, c'est le chaos « M ap blo ». Autrefois, j'avais eu l'envie d'aller à l'école, mais c'était une folie ; elle n'est pas faite pour moi et elle ne m'intéresse plus maintenant. J'ai davantage besoin d'argent et de travail. J'aimerais devenir tout ce que la vie me réserve « M ta renmen tout bagay nan vi m, nenpòt sa k vini an, anwetan kidnapè ak chimè ». Mes enfants, si j'en aurai, je ne les laisserai jamais mener la vie de la rue et je l'espère même si je serais mort. 1.4.- Cas # 4 : Samuel PETIT-HOMME78(*) * 78 _ Pour des raisons d'éthique et par souci d'anonymat, les nom et prénom de ce sujet ont été modifiés |
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