Du panel d'offre mis en place par les éditeurs
juridiques pour répondre aux besoins des publics du premier
marché, se dégagent désormais cinq grands types de
produits.
· Il y a d`une part :
-les répertoires qui « décrivent les
régimes juridiques des institutions et portent les principales solutions
du droit positif, dont-ils regroupent les sources »77(*),
-les codes, « des recueils de textes qui
régissent une matière déterminée »78(*),
-les ouvrages, « conçus par rapport à
la clientèle qui est leur cible
présumée »79(*) et « dont l'inspiration [peut être]
utilitaire ou idéologique »80(*),
-et enfin, les revues périodiques dont certaines sont
générales et d'autres « opèrent sur
profil », qui proposent « sous la plume des meilleurs
spécialistes un regard expert et un éclairage pratique de
l'actualité jurisprudentielle et
législative ».81(*)
Ils sont les produits traditionnels de
l'édition. Et, lorsqu'on s'y attache, de plus prés, on remarque
que si les deux premiers répondent aux deux premiers besoins des publics
du premier marché (l'accès à une information juridique
brute et l'accès à une information juridique enrichie), seuls les
deux derniers répondent également au troisième de ces
besoins.
Ce qui se fait cependant au prix d`un certain
encadrement et sous la grande réserve que pour pouvoir débattre
ou s'exprimer dans un ouvrage ou une revue, encore faut-il être
publié... Ce qui n'est pas, on l'a vu82(*), à la
portée de tous.
· D'autre part, le web 2.0 a permis aux éditeurs
juridiques d'ajouter à leur panel un cinquième produit: les
blogs.
Ils sont une réponse au besoin
d'échanger et débattre de leurs publics (blogs des
éditions Législatives, Lamy et Dalloz), et parfois même de
leurs auteurs (blog Dalloz). Ils permettent des échanges plus
réactifs, plus libres, et plus fréquents, que ne le permettent
les colloques, congrès et revues.
Ainsi:
Le blog Dalloz est « un espace de
discussion ouvert à tous les intervenants en droit, quelle que soit leur
profession, et leur lien avec la matière » dans lequelle la
parole est donnée en priorité aux auteurs Dalloz. Les autres
intervenants pouvant réagir par le biais des
commentaires.
Les éditions Lamy (Lamyblog) mettent
à disposition de leurs publics « des espaces pour commenter
l'actualité et partager [leurs]
expériences ».
Et enfin, le blog des éditions
législatives met à disposition de ses publics « des
espaces [...] d'échange [...], de commentaires sur l'actualité et
de partage de [leurs] expériences.»
Pour ce qui est maintenant plus particulièrement, des
exigences tenant à la qualité de l'information juridique :
· L'exigence de fiabilité repose
essentiellement sur la confiance des publics du premier marché dans les
éditeurs juridiques et les auteurs qui y sont
« attachés ».
On l`a vu, « le marché de l'édition
juridique en France est occupé par très peu de maisons
d'édition [...] qui [pour beaucoup] se sont créées
à la fin du 19ème siècle [...] et sont devenues des
références dans le domaine de la documentation
juridique »83(*):
« Dans ce domaine, on achète un
« Lamy », un « Francis Lefebvre » ou un «
Juris-classeur » »: « le nom seul de l'éditeur
apporte le capital confiance nécessaire à l'achat. »
« Si l'éditeur est reconnu, on sait
que l'on trouvera dans ses produits ce que l'on en attend : exactitude des
sources, exhaustivité, intérêt des commentaires, et mise
à jour fréquente. »84(*)
Ainsi la satisfaction de l'exigence tenant à la
fiabilité des informations, par ces maisons d'édition que l'on
peut qualifier d'historiques, fait peser une
présomption de qualité sur l'ensemble de leur offre.
« Toutes [l]es oeuvres, quel que soit
leur support -- codes, revues, ouvrages, F.M., -- produits
électroniques, s'inscrivent dans une « labellisation »
Cela signifie que toute contribution est
apparentée à celles qui l'ont précédée,
qu'elle est inscrite dans une famille qui permettra son identification par le
lecteur, grâce à la mémoire qu'il conserve d'une marque ou
d'une collection. Celles-ci créent un véritable climat de
confiance, fondé sur le caractère sérieux, exigeant,
rigoureux, que l'on accorde à une
marque. »85(*)
Ce qui ne les dispense toutefois pas de tout mettre en oeuvre
pour satisfaire aux autres exigences de qualité.
· Pour ce qui est de la clarté,
l'intelligibilité et l'accessibilité de l'information,
est avant tout à relever que la satisfaction de ces exigences a connu
une nette amélioration avec l'avènement d'Internet.
1) Depuis l`origine, les éditeurs y
répondent par :
-Le recours à des classifications,
dans lesquels « l'information se trouve [...] circonscrite ou dans un
encadrement numérique, ou dans une nomenclature classée
alphabétiquement, ou encore dans un plan dépendant de
l'organisation préférentielle des auteurs ».
Avec l'idée que lorsque ces plans
« reflète[nt] [leurs] analyses personnelles », leur
« subjectivité est systématiquement compensée
par des tables des matières et des index alphabétiques, qui
précisent les localisations ».
-Des exigences tenant au style de rédaction
:
Les revues et les ouvrages, dans lesquelles la
« personnalité » et la
« subjectivité » des auteurs
« s'accomplissent » et « s'expriment sans
retenue » exceptés.
Le style des auteurs doit, en permanence, rechercher
« l'objectivité et la neutralité ».
-Et des systèmes d'accès à
l'information par « index ou tables »,
« abstrats ou séries de mots-clés »86(*)
2) Et si aujourd'hui tout cela existe encore, se sont
greffés d'autres produits:
-Les éditeurs ont mis leurs fonds documentaires sur
logiciel.
Ceux-ci s'organisent en « portes
d'entrées »87(*) (rubriques) et moteurs de recherches internes,
à l'intérieur desquels les recherches peuvent se faire suivant
différents critères.
-Mais la véritable révolution consiste cependant
en leur mise en ligne88(*).
Avec elle, la « recherche de l'information est
simplifiée ». Elle permet de plus un accès rapide
à l'information : « pour « effectuer une
recherche » qui peut être lancée sur un ou
l`ensemble89(*) des fonds
documentaires, il suffit d'en saisir les termes (décisions, mots,
expressions, auteurs.) « dans les différentes zones de saisie,
[et le cas échéant, les relier] par des opérateurs (et,
ou, proximité 5 mots, proximité 15 mots, sauf, tous les mots de
la même famille). ».90(*)
Les résultats peuvent être affichés par
sources pertinentes ou dates de publication.
Et il reste possible d'accéder aux fonds documentaires,
qui sont reliés entre eux par des liens hypertextes, par leurs sommaires
et tables des matières.
· Enfin, l'exigence tenant à
l'actualité et à la rapidité de l'accès à
l'information au sens de sa rapide mise à disposition, a
également connu sous l'impulsion du web quelques aménagements.
1) A l'origine et avant l'avènement d'internet,
elle n`était pas, par tradition, mise en oeuvre, à outre mesure,
par les éditeurs juridiques qui n'y voyaient pas une priorité.
« Le gain d'actualité pourrait
constituer la première pour le journaliste. Pour l'éditeur
juridique le fond consiste surtout dans la valeur de l'information
dispenseé. Elle augmente lorsque celle-ci est plus complète et
mieux orientée » expliquait, André Dunes, dans un article
paru en 1990.
Ainsi les quelques quotidiens juridiques mis à part,
elle était le fait des revues pour lesquelles l`actualité
juridique est toujours reportée au tirage du prochain numéro,
donc nécessairement moins actuelle lorsqu'elle parvient au lecteur.
Seul le développement de l'internet a permis une
véritable prise en charge de ce besoin.
2) L'internet 1.0 a permis:
-Des mises à jour et une actualisation permanente,
parfois automatiques, souvent mensuelles, des fonds documentaires,
-Des services de veilles personnalisées avec alertes
e-mail, dont on peut déterminer soi même « la
périodicité » et le référentiel,
-Et l'apparition de rubriques d'actualité sur les sites
des éditeurs.
3) Avec l'internet 2.0, les éditeurs ont enfin
développé des blogs d'actualité, qui permettent pour
certains91(*)
d'accéder à une information d'actualité enrichie d`une
analyse du droit positif scientifiquement discutée,
éclairée ou commentée.
Bilan :
Les éditeurs juridiques semblent ainsi avoir
relativement bien cerné et pris en charge les besoins des publics du
premier marché.
Toutefois, cela n'est pas sans contrepartie, si certains
de leurs services sont gratuits (Le blog Dalloz, Lamyblog), les informations,
qu'ils leurs transmettent avec ce qu'ils qualifient de valeur en
information,92(*) ont un
coût relativement élevé.
Elles sont d'ailleurs sources d'inégalités
pour certains publics de ce marché : -Les praticiens
particulièrement eu égard à l'actualité juridique,
ce que justement Jacques Vautier déplorait (1).
-Les étudiants qui s'ils
bénéficient d'un accès quasi-gratuits93(*) aux ouvrages et bases de
données des grandes maisons d'édition juridiques94(*) doivent tout de même
investir dans certains manuels, ne serait-ce, que pour disposer d`ouvrages
à jour (2).