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Les enfants d'immigrés italiens dans les écoles françaises (1935-1955)

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par Louise CANETTE
Université de Nantes - Master 2 2010
  

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B). Mixité, écoles de garçons et écoles de filles : quelles différences ?

Il nous faut aussi évoquer un des grands changements qui transforment l'éducation dispensée en France. C'est en 1925 que les programmes scolaires de l'enseignement secondaire féminin sont modifiés, ceci dans le but de les aligner au contenu des cours dispensés aux jeunes garçons. Ce détail est en fait fort éclairant pour notre sujet, les habitudes transalpines en matière de rapports garçons filles étant alors assez différentes de celles mises en place par la réforme française de 1925195. A cette date, le cursus des lycées de filles s'aligne sur celui des garçons et débouche désormais sur le baccalauréat. La mixité dans les écoles, quant à elle, voit le jour en 1945 dans les établissements publics des cycles primaires et secondaires. En fait, même après cette date, rares sont réellement les bancs d'école où se côtoient garçons et filles avant la fin des années soixante196. Ainsi, tous nos témoins sont scolarisés dans des établissements non mixtes, du moins une fois passées leurs années en école maternelle.

L'influence des enseignants et enseignantes semble particulièrement forte pour les filles197. La rencontre, à l'école, avec des Françaises et le contact avec la culture et les valeurs de leurs professeurs sont, pour de nombreuses élèves d'origine italienne, « l'occasion d'échapper aux contraintes que la tradition fait peser sur leur sexe )>198. Les Italiens sont souvent perçus par les femmes interrogées comme plus machistes que les Français199. Citons ainsi Madeleine Pruvost, née Dusio :

« Avec ma soeur, on se disait qu'on préférerait épouser un Français, parce qu'ils étaient plus gentils avec les femmes que les Italiens )>200.

De même, Maria C explique :

« Avec mon père, je n'avais rien le droit de dire parce que j'étais une fille. A l'école par contre, on m'interrogeait, on me montrait que j'étais importante, que mon avis comptait ! )>201.

195 Voir à ce sujet, M. VERHOVEN, École et diversité culturelle, regards croisés sur l'expérience scolaire des jeunes issus de l'immigration, Bruxelles, 2002 (p. 57).

196 Y. GAULUPEAU, La France à l'école, 1992, Paris (p. 116).

197 P. MILZA, Voyage en Ritalie, Paris, 1993 (p. 268).

198 M-C BLANC-CHALÉARD, Les Italiens dans l'Est Parisien. Une histoire d'intégration (années 1880- 1960), Rome, 2000 (p. 397).

199 « J'ai vu mon grand-père en photographie mais jamais ma grand-mère parce que les Italiens, ils étaient très macho : on ne devait pas prendre les femmes en photo. »

Entretien avec Maria CERA - BRANGER (4 février 2010 -- Vertou).

200 Témoignage de Madeleine PRUVOST dans M-C. BLANC-CHALÉARD, Op. cit. (p. 397).

201 Entretien avec Maria C. (24 novembre 2009 -- Nantes).

Pour autant, ce dernier témoignage aurait pu être celui d'une Française de la même époque, gardons nous donc d'influencer notre pensée par le prisme des informations sur l'immigration auxquelles nous serions particulièrement sensibles. Cependant, nous pouvons tout de même remarquer que, méme au sein d'écoles non mixtes, s'opèrent des changements importants pour les filles d'origine italienne.

C). Les questionnements liés à l'habitat : quelles différences entre l'intégration en ville, en banlieue ou en milieu rural pour les enfants des primo arrivants ?

? D'ou viennent nos témoins ?

Notre étude n'est bien sür pas exhaustive : la large gamme des statuts de migrants rend illusoire l'analyse d'un ensemble homogène. En effet, si l'on compte 40 % d'élèves étrangers dans les Alpes-Maritimes en 1935202, ce chiffre est, on s'en doute nettement inférieur dans la plupart des autres départements français. On a cherché à examiner les situations de témoins aux conditions culturelles et géographiques les plus variées possible, la majorité des témoignages sont ici recueillis dans le Nord-Ouest de la France. Cette base géographique d'une bonne partie de notre étude, n'est pas à proprement parler une région de forte immigration italienne, phénomène pourtant ancien, particulièrement en Bretagne. Comme on peut l'observer à la lumière de ce tableau, en 1936, les Italiens ne sont pas très nombreux en Bretagne, cependant, ils sont régulièrement placés au premier rang des étrangers présents dans la région :

Côtes du Nord

743 italiens

1571 étrangers

47, 3 %

 

Finistère

570 italiens

1290 étrangers

44, 2 %

 

Ille-et-Vilaine

664 italiens

2499 étrangers

26, 6 %

 

Morbihan

522 italiens

1591 étrangers

32, 8 %

Tableau n° 3 : Le recensement des Italiens de Bretagne en 1936203

202 G. NOIRIEL, « L'école » dans L. GERVEREAU, P. MILZA et E. TEMIME, Toute la France. Histoire de l'immigration en France au XXème siècle, Paris, 1998 (p. 259).

203 « Italiens de Bretagne », conférence de Céline EMERY, 21 novembre 2009, Rennes.

NB : les chiffres soulignés font référence aux périodes ou les italiens étaient au premier rang des étrangers dans les départements correspondants.

Déjà, au XIXème, les artisans et les réfugiés politiques sont nombreux dans les villes de l'Ouest. De méme, la construction du chemin de fer au départ de Rennes en 1857 permet le recrutement d'une main d'oeuvre arrivant du Nord de la Péninsule. Ces immigrants constitueront des réseaux migratoires pérennes, puisque encore debouts à la période sur laquelle nous nous penchons. Ce sont les primo arrivants qui, installés en France, permettent l'arrivée de nouveaux Italiens, en effet, « la condition de venue en France était que quelqu'un puisse subvenir à ses besoins avant de trouver du travail »204. Par ailleurs, les Italiens arrivent au premier rang des étrangers présents en Bretagne durant l'Entre-Deux-guerres205. Ils viennent alors majoritairement du Piémont, de l'Emilie-Romagne sont Frioulans ou Vénitiens206 (les méridionaux arriveront majoritairement après la Seconde Guerre mondiale). L'immigration de l'Ouest est principalement motivée par la recherche d'un travail, les Italiens utilisent alors les solidarités professionnelles ou familiales. La population étrangère en Loire-Atlantique est globalement plus tournée vers les métiers ouvriers que celle installée en Bretagne, plus rurale. Aujourd'hui, on compte encore un peu plus de 400 personnes d'origine italienne en Loire-Atlantique207. Si ce n'est pas la région de prédilection des migrants d'Outremont, on remarque cependant la présence limitée de quelques « petites Italies » essaimées dans l'Ouest. Citons par exemple, la micro colonie de Saumur208 ou la rue de Trignac à Saint-Nazaire, où l'on compte dans les années trente, dix-huit foyers italiens et une dizaine de célibataires. En 1936, 625 Italiens habitent à Nantes209. Dans la rue de Richebourg, on remarque huit familles italiennes. A noter que tous les hommes de ces foyers travaillent dans l'entreprise de travaux publics Le Guillou. De méme, dans le quartier de Malakoff (voir figure n°8) on recense 57 Italiens qui travaillent presque tous dans l'entreprise de maçonnerie Cattoni210. Les lieux de sociabilité italienne sont présents dans toutes les villes qui comptent un nombre des « colonies », même réduites, de Transalpins. A Nantes, par exemple, « ils se réunissaient entre la place du Pilori et la rue du Château. Dans ce café, il n'y avait presque que des Italiens. Ils se rencontraient le dimanche matin. L'après-midi, ils emmenaient

204 Questionnaire de Jacqueline FANTIN-CRAMPON, 2010.

205 « Italiens de Bretagne », conférence de Céline EMERY, 21 novembre 2009, Rennes.

206 Voir la carte des régions italiennes disponible en document annexe n° 6.

207 AM, Nantes, Emigrer c'était fuir la misère, 13 janvier 1997.

208 A Saumur, Laurent Garino remarque d'ailleurs que presque aucun des migrants de la première génération n'a pris la nationalité française.

Conférence de L. GARINO sur les Italiens de Saint-Nazaire, vendredi 30 avril 2010, Maison de quartier de Méan Penhoët.

209 A. CROIX (dir), Nantais venus d'ailleurs. Histoire des étrangers à Nantes des origines a nos jours, Rennes, 2007 (p. 230).

210 A. CROIX (dir), Ibid. (p. 237).

leurs femmes et leurs enfants. Ils ne chantaient que des chansons en italien, surtout en napolitain »211.

Figure n° 8 : La « petite Italie » de Malakoff en 1937212

« A la terrasse du café du boulevard, décoré pour l'inauguration du stade de Malakoff (futur stade Marcel-Saupin), plusieurs membres de la famille Cattoni, dont l'entreprise est installée tout près, rue Cornulier, et à droite M. Cocquio. A la fenêtre, les locataires : la famille Vigano vient du même village que les Cattoni, Rodero ».

211 Entretien avec Maria CERA - BRANGER (4 février 2010 -- Vertou).

212 Collection privée, publiée par A. CROIX (dir), Op. Cit., 417 pages.

800

 
 
 
 
 
 
 

700

 
 
 
 
 
 
 

600

 
 
 
 
 
 
 

500

 
 
 
 
 
 
 

400

 
 
 
 
 
 
 

300

 
 
 
 
 
 
 

200

 
 
 
 
 
 
 

100

 
 
 
 
 
 
 

0

 
 
 
 
 
 
 
 

Hommes

Hommes

Femmesde Femmesde

 
 

Total

 
 
 
 

Total

Total

 
 

de moins

de plus de

moins de

plus de 20

hommes

femmes

hommes et

 

de 20 ans

20 ans

20 ans

ans

 
 

femmes

Italiens

68

348

67

142

416

209

625

Eqoagnols

42

140

44

97

182

141

323

Polonais

24

81

28

50

105

78

183

Beiges

13

86

16

57

99

73

172

Autres

96

381

65

170

477

235

712

s de

Graphique n° 1
Réalise à partir des chiffres fournis par Alain Croix dans « Entre-Deux-guerres : étrangers et 2 an a as ans fmidéologie », Nantais venus d'ailleurs. Histoire des étrangers à Nantes des origines à nos jours,

sRennes, 2007 (p. 338).

(On ne fait figurer ici que les quatre nationalités les plus représentées a Nantes).


· Des différences importantes liées au fait qu'il y ait, ou non, une communauté italienne importante dans la ville et l'école.

Les milieux quasi-exclusivement transalpins jouent souvent, au sein du territoire d'accueil français, un rôle de « refuge " où se trouvent conservés l'ambiance et le mode de vie italien. Il ne fait aucun doute qu'il existe une tendance grégaire chez les migrants Italiens comme dans tous les phénomènes migratoires d'ailleurs (les exemples des colonies transalpines de Lorraine, les quartiers parisiens ou marseillais presque exclusivement constitués d'immigrés originaires du même village en sont des exemples flagrants). Cependant, l'essaimage individuel a pu être aussi une caractéristique de la période 1935-1955. Nous estimons de 6 à 10 % la moyenne des étrangers scolarisés dans les écoles françaises au début de notre période (6 % pour Marie-Claude Blanc-Chaléard pendant l'Entre-Deux-guerres213, 8 à 10 % dans les années trente selon Gérard Noiriel214). Pour la fin de la période étudiée, on se situerait plutôt autour de 3 % d'étrangers dans l'enseignement primaire en 1952215. Cependant, ces chiffres ne faisant pas état des naturalisés scolarisés, son intérêt pour notre sujet est limité.

Marie-Claude Blanc-Chaléard a étudié le maintien des familles italiennes dans les villes françaises, elle a ainsi pu démontrer que la ville fixe moins que la banlieue en raison des passages plus intenses de toutes les catégories de la population216.

Pour Nantes et l'Ouest en général, mis à part les « petites Italies " relativement réduites où l'on observe une forte prégnance de « l'entre soi ", il y a, proportionnellement à la France, peu d'autres immigrés dans les écoles fréquentées par nos témoins. Après 1939, on remarque néanmoins la présence de quelques enfants de réfugiés espagnols ayant fuit le régime franquiste 217 . Par ailleurs, particulièrement, à Couëron, on remarque une colonie assez importante de travailleurs polonais218. Les écoles de l'Ouest ne sont donc pas tout à fait

213 M-C BLANC-CHALÉARD, Les Italiens dans l'Est Parisien. Une histoire d'intégration (années 1880- 1960), Rome, 2000 (p. 9).

214 G. NOIRIEL, Gens d'ici venus d'ailleurs, Paris, 2004 (p. 251).

215 G. NOIRIEL, « L'école " dans L. GERVEREAU, P. MILZA et E. TEMIME, Toute la France.Histoire de l'immigration en France au XXème siècle, Paris, 1998 (p. 260).

216 M-C BLANC-CHALÉARD, Les Italiens dans l'Est Parisien. Une histoire d'intégration (années 1880- 1960), Rome, 2000 (p. 389).

217 On trouve de jeunes espagnols dans l'école de Carina Travostino, en Sarthe par exemple. Questionnaire de Carina TRAVOSTINO - CORBEAU (2010).

218 Voir à ce sujet, le travail de V. NOWACKI, « La paroisse polonaise de Couëron de 1923 à nos jours ", Nantes, 1989 (116 pages).

75 dépourvues de bataillons d'élèves étrangers non italiens219. La proportion d'étrangers dans les classes ou dans les quartiers où vivent les témoins influence leur scolarité, tant d'ailleurs leur attitude et leur intégration dans l'école que leurs résultats scolaires. Phénomène difficile à quantifier, il est cependant suffisamment fréquent dans les témoignages pour qu'on s'arrête ici quelques instants sur les différences de modes de vie que connaissent un jeune issu d'une « colonie italienne » et un autre, isolé de ses condisciples d'Outremont. Ivo Livi, futur Yves Montand, dit ainsi n'avoir pas vraiment été affecté par les injures anti-italiennes proférées dans la cour de récréation : cette réaction de relative indifférence s'expliquerait, selon lui, par le fait que son école était fréquentée essentiellement par des immigrés. Yves Montand naît en Toscane, son père, Giovanni Livi, militant communiste fuit le fascisme en s'installant en France. Ivo est alors scolarisé à l'école communale du 52 boulevard Viala dans le centre de Marseille. Il quitte l'école, alors qu'il n'a qu'onze ans et demi pour entrer à l'usine, la fabrique de balais fondée par son père ayant fait faillite. A quatorze ans, il passe son CAP de coiffeur. Il explique dans une interview rapportée par ses biographes :

« Je ne percevais pas vraiment que j'étais un immigré. J'entendais bien, ici ou là, des injures telles que « sale macaroni » ou « babi de con »220. Mais je n'en saisissais ni la cause ni le but. Cela me passait au-dessus de la tête et je me disais : « qu'est ce qu'il raconte cet imbécile ? ». A l'école, nous n'étions que des enfants d'immigrés. Le maître pouvait à bon droit demander « qui est français, ici ? » tous les noms avaient des consonances étrangères ... »221.

On voit donc une différence importante, dans la perception des élèves, liée au fait qu'il y a, ou non, une forte présence d'étrangers dans l'école d'accueil des jeunes italiens. Bien sûr, le caractère de l'écolier a aussi une grande importance dans ses émotions en réaction aux offenses qui lui sont faites. Ainsi, par exemple, Carina Travostino, en réponse à la question « comment

219 - « Pas d'autres étrangers dans les écoles. En apprentissage de maçonnerie, j'ai retrouvé des enfants d'immigrés. C'était des copains d'apprentissage, on parlait en français. Il y avait des Polonais. Dans mon école, je pense que j'étais le seul d'origine italienne ».

(Nantes : école de Toutes Aides à Doulon, Saint-Clément, collège Saint-Stanislas).

Entretien avec Mario MERLO, (1er décembre 2009 -- Basse Goulaine).

- « A Vial, il y avait une Polonaise, mais, en fait, il y avait peu d'étrangers ».

(Lycée de Nantes), entretien avec Maria CERA - BRANGER (4 février 2010 -- Vertou).

- « En plus des Italiens, il y avait une famille polonaise, une allemande ».

(Scolarité à Saint-Nazaire) questionnaire de Walter BUFFONI, 2010.

220 On traite habituellement de « babi » les Italiens du Sud. Il semble que ce terme injurieux désignant la population méridionale d'Italie n'était employé que dans le Sud de la France, et, on le voit pour Yves Montand, utilisé ponctuellement, et probablement par ignorance, pour désigner aussi des Transalpins du Nord.

221 Interview de Yves Montand cité par H. HAMON et P. ROTMAN dans Tu vois, je n'ai pas oublié, Paris, septembre 1990 (p. 41).

76 vous sentiez vous à l'école ? », explique qu'elle a été « quelque fois « agressée " par ces petites paysannes pour qui j'étais quand méme l'étrange fille pas comme eux. Donc « macaroni " était leur insulte première, ne sachant peut-être pas ce que ça voulait dire... Cela passait parce que j'avais bon caractère " 222. Par contre, Jacqueline Fantin-Crampon, répond, à la même question, « J'ai subi quelques insultes hors de l'école par des camarades qui me traitait de « macaroni ", je leur répondais, je ne me laissais pas faire "223.

Dans d'autres régions, comme l'Ouest, d'où provient la majorité de nos témoins, les Italiens sont minoritaires.

« Comme on était des ruraux, il n'y avait pas de regroupement, on était isolé donc on était comme un cheval dans un pré : perdu ! Ceux qui ont vécu en ville, c'est pas la méme façon. [...] J'étais toujours isolé, j'étais avec mon frère mais avec lui, on parlait patois aussi "

Ce même témoin me parle de la période où il vivait en ville, la situation était alors fort différente :

« Je crois que j'ai appris le français dans l'année de maternelle à Biarritz. Mais quand je rentrais à la maison, je ne parlais que le patois. Mon père a travaillé avec des Italiens, des Portugais et des Espagnols [...] et donc on parlait charabia. [...] Donc l'évolution c'est que ça n'était pas bon pour moi : je parlais le patois jusqu'à mes 21 ans à la maison. "224

De méme, Jean Burini, lorsqu'il évoque la Lorraine sidérurgique de son enfance, explique :

« A l'école primaire, dans la classe, on était dix nationalités : Français, Luxembourgeois, Italiens, Polonais, Russes, Ukrainiens, etc. ".

La photographie de sa classe au cours de l'année scolaire 1949-1950 et son descriptif sont une parfaite illustration de cette constatation : sur les vingt-et-un élèves de la classe de Monsieur Delon, dix ont des noms italiens225.

Citons aussi le souvenir de Serge Reggiani, bien différent de celui des enfants de primo arrivants installés dans les « petites Italies » de l'Hexagone. Son école est, en effet, fort éloignée de la cosmopolite Marseille du jeune Ivo Livi, des colonies italiennes de Lorraine ou de la ville de Biarritz racontée par WM. Le jeune Sergio est, pour sa part, scolarisé en Seine Inférieure (dans l'actuelle Seine-Maritime), à mi-chemin entre les villes du Havre et de Rouen. Il arrive à huit ans en France et est inscrit à la rentrée des vacances de la Toussaint 1930 dans l'école

222 Questionnaire de Carina TRAVOSTINO - CORBEAU (2010).

223 Questionnaire de Jacqueline FANTIN-CRAMPON, 2010.

224 Entretien avec WM (27 octobre 2009 - Sainte Marguerite).

225 Le faible nombre d'élèves s'explique par le fait qu'il s'agît de la « classe creuse " de 1941. Les classes étaient donc fréquemment des cours doubles.

primaire de la rue Carnot à Yvetot (qui aujourd'hui porte le nom d'école « Cahan Lhermitte "). Lui aussi, comme tant d'autres témoins, rapporte les habituelles insultes xénophobes antiitaliennes mais il semble avoir vécu l'évènement avec bien moins d'indifférence que ses homologues cités plus haut226. Il est en effet le seul italien de son école, et, en tant que tel, considéré comme une « curiosité locale ".

De même, le fait d'être issu ou non d'un couple mixte a une grande influence sur l'intégration à l'école et le sentiment d'appartenance à la nation (c'est en 1924 que les Italiens accèdent au premier rang des mariages mixtes chez les étrangers résidents en France, dépassant ainsi les Belges227). Les couples mixtes sont bien sûr plus fréquents lorsque l'on sort des « petites Italies ". Précisons cependant que les chiffres « mentent " puisque, souvent, les unions déclarées comme « franco-italiennes " se font en fait entre conjoints d'origine italienne, dont l'un des deux est né en France ou bien a été naturalisé. Plus la situation socioprofessionnelle du migrant est élevée, plus la probabilité d'une union avec une Française est importante. Ce sont toujours les citadins, et les immigrés les plus anciennement arrivés qui offrent les taux d'unions mixtes les plus importants228. On associe presque toujours ce phénomène à une bonne intégration comme l'atteste Wassila Ltaief qui explique que « dans le discours actuel sur l'immigration, qu'il soit médiatique, sociologique ou même juridique, le mariage mixte est invoqué de façon récurrente pour soutenir l'idée de la réussite du processus d'intégration des migrants, que celle-ci soit pensée dans les termes de l'assimilation ou du pluralisme culturel "229 . La forme la plus fréquente des unions maritales franco-italiennes est celle illustrée par une famille où le père est italien et la mère française230.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus