Extraction pétrolière et protection de l'environnement dans le golfe de Guinée( Télécharger le fichier original )par Stan Atangana Université de Limoges - Master II droit international de l'environnement 2008 |
INTRODUCTION GENERALES'il est une partie du monde qui suscite un grand intérêt aussi bien dans la géostratégie mondiale que dans la préservation de la biodiversité universelle, c'est bien le Golfe de Guinée. Sur ce territoire, se heurtent quatre enjeux principaux : La reproduction des tortues marines, les contentieux frontaliers, la production pétrolière et le mode de vie des habitants. Du fait de la monté du terrorisme et de l'instabilité du moyen orient, le Golfe de Guinée est devenu une zone stratégique dans la géopolitique mondiale. Seulement à regarder de près, la principale raison de l'intérêt soudain de cette zone du globe est l'odeur du pétrole. Ce n'est pas un hasard si elle est considérée aujourd'hui comme la « seconde province pétrolière mondiale ». Le Golfe de Guinée est devenu au fil des temps, l'une des arènes les plus décisives de la compétition géopolitique mondiale. On assiste à de grandes manoeuvres d'extraction pétrolière dans le Golfe de Guinée menées par des multinationales pétrolières de diverses nationalités. Cette activité si elle est des plus lucratives, n'est cependant pas compatible avec la nouvelle tendance mondiale de préservation de la vie contre la débâcle écologique1(*). Le premier contact de l'homme avec le pétrole remonte à 4000 ans avant Jésus Christ. Le pétrole figure d'ailleurs dans les anciens documents historiques tels que le Code d'Hammourabi et la Bible. Mais ce n'est qu'en 1890 qu'on retient, à Titusville en Pennsylvanie aux Etats-Unis d'Amérique du Nord, la date officielle du forage du premier puits ayant pour but la découverte du pétrole. Le pétrole est devenu depuis lors l'une des richesses les plus convoitées du monde. On lui attribue la paternité de nombreux conflits et tensions dans le monde. C'est le cas, dans les pays producteurs d'Afrique au sud du Sahara où, la découverte de cette énergie fossile laisse le plus souvent entrevoir le spectre d'une guerre civile dont le but inavoué, est la volonté de contrôler la manne issue de la production pétrolière. Les devises produites par le pétrole servent généralement au financement des guerres et non à l'intérêt général des populations : on parle alors habituellement de « la malédiction du pétrole » avec pour conséquence, la paupérisation des populations condamnés à vivre dans l'indigence la plus totale. Les conflits frontaliers ont le plus souvent pour origine, la volonté étatique de contrôle d'une zone pétrolifère. Les observateurs politiques s'accordent pour dire que le conflit armé frontalier qui mettait aux prises le Cameroun et le Nigéria, au sujet de la presqu'ile de Bakassi 2(*),avait pour toile de fond le contrôle de ce territoire de prêt de 1000km² dont le sous sol regorgerait d'importantes réserves de pétrole. La raison du conflit sur les ilots de M'banié, Cocotier et Conga opposant le Gabon et la Guinée Equatoriale serait tout aussi le pétrole. Les pays producteurs de l'« or noir » l'utilisent comme moyens de pression pour faire entendre leurs voix sur la scène internationale. Le pétrole confère à ceux-ci un rôle stratégique dans la géopolitique mondiale. Le pétrole, du latin petra qui signifie pierre et oleum huile, soit « huile de pierre », est une roche liquide carbonée, ou huile minérale. Le pétrole est un mélange complexe d'hydrocarbures liquides qui se forment naturellement dans les nappes souterraines. On distingue d'une part, les produits pétroliers primaires à savoir : pétrole brut, liquide du gaz naturel et autres hydrocarbures. D'autre part, il y a des produits pétroliers secondaires (entrés en raffinerie) à savoir gaz de raffinerie, éthane, gaz de pétrole liquéfié, naphte, essence d'avion, carburéacteur type essence, essence sans plomb, essence au plomb, carburéacteur type kérosène, pétrole lampant, diésel de transport, fioul domestique et autres gazoles, fuel-oil résiduel à faible teneur en soufre, fuel-oil résiduel à haute teneur en soufre, white spirit + SBP, lubrifiants, bitume, paraffines, coke de pétrole, autres produits3(*). Le pétrole est souvent appelé « or noir », en référence à sa couleur et à son coût élevé. Cette énergie fossile fournit la quasi totalité des carburants liquides. C'est le produit de l'histoire géologique d'une région. Sa formation passe par la succession de trois conditions : L'accumulation de la matière organique, végétale essentiellement ; la maturation en hydrocarbures ; et l'emprisonnement. Selon un expert cité dans un film documentaire en 20084(*), « la majeure partie du pétrole de la planète s'est formée pendant des périodes très courtes de réchauffement extrême, il y a 90 à 150 millions d'années ». Il est produit par la décomposition de végétaux et d'animaux morts, enfouis sous le sable. En matière d'extraction pétrolière, on distingue trois niveaux de récupération. La méthode dite « primaire » consiste à récupérer « passivement » une partie du pétrole grâce à la pression élevée existant dans le gisement. Toutefois, plus le gisement vieillit, plus la pression interne du réservoir diminue, jusqu'à devenir insuffisante pour assurer la récupération. On recourt alors à des méthodes dites « secondaires », procédés complémentaires, visant à stimuler la production. Aujourd'hui on rescence plusieurs techniques d'extraction assistées de pétrole. Pour modifier la pression du fond, on peut injecter du gaz. C'est la méthode du « gaz lift », peu bénéfique à l'environnement. On peut également injecter de l'eau ou recourir à des pompes immergées en fond de puits. Pourtant, ces méthodes d'extraction ne permettent de récupérer que 30% en moyenne des réserves présentes dans les gisements. Ceci a amené les compagnies exploitantes à s'orienter vers des voies plus complexes de récupération dites « tertiaires », intervenant sur la viscosité des fluides ou la diffusion à l'intérieur du gisement via l'injection de C02, de vapeurs ou de composés tensioactifs. Jusque là délaissées, car non viables économiquement, ces procédés trouvent un regain d'intérêt devant les cours élevés de pétrole et le vieillissement des gisements exploités. L'exploration et la production du pétrole se fait soit en mer, soit sur terre. On parle alors selon les cas d'extraction off shore et d'extraction on shore. L'extraction on shore se fait sur le continent et, bien que nécessitant de grands moyens et une technologie complexe et à la pointe est moins alambiqué que la mise en place d'une plate-forme off shore qui est le mode par excellence pratiqué dans le Golfe de Guinée. La recherche par grande profondeur, d'eau de pétrole au moyen de forages, a révolutionné l'industrie pétrolière. Des prouesses technologiques ont été réalisées pour permettre de forer et d'explorer les puits d'hydrocarbures par plus de 3000 mètres de profondeur d'eau. Les structures mises en place sont appelées plates-formes. On distingue des plates-formes mobiles pour le forage d'exploration et de production, et les plates-formes permanentes pour la production des hydrocarbures. Les plates-formes permanentes peuvent être fixes, lorsqu'elles sont supportées par le fond de la mer (faible profondeur) ; et flottantes, lorsqu'elles sont ancrées par des lignes (caténaires pesantes, caténaires tendues « non pesantes » ou rigides tendues). Mais l'approche juridique des plates-formes distingue nettement les structures flottantes en plates-formes semi-submersibles et en navire de forage en raison de la ressemblance de ces derniers aux navires. Il y a donc juridiquement trois catégories de plates-formes pétrolières : les plates formes fixes, les plates-formes semi-submersibles et les navires de forage. Cette approche vise à soumettre les plates-formes au régime de droit maritime par assimilation au navire. En fin 1999, la région du Golfe de Guinée comptait à elle seule 43 gisements off shore, située entre 300m et 1893m de profondeur, 233 champs d'exploitations du pétrole et du gaz off shore avec environ 700 plates-formes5(*). Ces variables ont considérablement évolué ces dernières années du fait de la mise en développement de plusieurs gisements, à l'instar du champ de la Ceiba en Guinée Equatoriale, de quatre gisements en eaux profondes (Mer profonde Nord, Mer profonde Sud, Mer peu profonde Nord et Mer peu profonde Sud) au Congo, et du gisement ultra profond situé au Sud-est du Gabon. L'exploration et la production du pétrole et du gaz naturel sur terre ou en mer, ont un impact évident sur l'environnement et présentent des risques de pollution par accident (fuites des hydrocarbures ou incendie par exemple)6(*). Les pannes des équipements ou les accidents tels que les explosions ou autres dommages causés par des intempéries, ont des conséquences négatives significatives sur les ouvriers, la faune, la flore, la pêche et les populations qui fréquentent le littoral de la région atteinte par la pollution induite, et par conséquent sur le tourisme local. Ces incidents provoquent également la dispersion dans l'atmosphère de grande quantité de dioxyde de carbone (Co2), et d'oxyde de soufre et d'azote. L'appellation Golfe de Guinée recouvre un concept plus qu'une réalité, une volonté géostratégique, un projet, c'est-à-dire qu'il n'est pas facilement réductible à un espace précis. C'est une sous-région dont les contours réels et définitifs sont difficiles à saisir7(*). On peut cependant affirmer sans risque de nous tromper que le Golfe de Guinée se situe dans l'océan Atlantique au sud-ouest de l'Afrique. Celui-ci concerne la bordure occidentale du continent Africain, du détroit de Gilbratar au cap de Bonne Espérance. A proprement parlé, ses limites diffèrent en fonction des ouvrages. Le Golfe de Guinée dans son acceptation la plus large, va du Cap del palmes à l'Angola. Le Golfe de Guinée fait ainsi une synthèse entre l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique Centrale. C'est une zone à la fois anglo-saxonne, lusophone, hispanophone, et francophone où, vivent des civilisations bantous et sahéliennes et où se pratique l'islam, l'animisme et le christianisme. Cependant, le Golfe de Guinée d'un point de vue institutionnel se résume au domaine maritime des huit Etats adhérents à la Commission du Golfe de Guinée (CGG) que sont le Nigéria, le Cameroun, la Guinée Equatoriale, le Gabon, Sao Tomé et Principe, le Congo, la République Démocratique du Congo et l'Angola. Ces pays réunis, les 18 et 19 Novembre 1999, à Libreville au Gabon sous l'initiative de l'ex-président nigérian Olesegun Obasanjo lors du communiqué final de leur assise, avaient déclaré avoir créés un cadre « de concertation pour la coopération et le développement, ainsi que la prévention, la gestion et le règlement des conflits des pays du Golfe de Guinée dénommé Commission du Golfe de Guinée (CGG)8(*). Démographiquement parlant, le Golfe de Guinée compte près de 220 millions d'habitants, dont la majorité est jeune, répartis sur environ 6 millions de km2. Les protéines nécessaires à une alimentation équilibrée des populations du Golfe de Guinée proviennent en grande partie de la pêche, mais aussi de la chasse. C'est dans cette partie du monde qu'on retrouve le peuple des pygmées. Ceux-ci se caractérisent par leur petite taille et par une alimentation qui est du produit de la chasse, de la pêche, et de la cueillette. Ils vivent donc essentiellement des produits de la nature qui constitue aussi leur habitat naturel. Porter atteinte à leur environnement peut s'apparenter à un génocide. Tous les pays du Golfe de Guinée sont inégalement producteurs de pétrole. La conséquence immédiate est la présence sur le territoire de ceux-ci, de nombreuses multinationales pétrolières. Avec 4 millions de barils ( le baril équivaut à environ 160 litres) extraits chaque jour (b/j), représentant 5% de la production mondiale, le Golfe de Guinée a gagné sa place sur l'échiquier pétrolier mis en place par les Etats Unis, premier consommateur mondial de brut avec 9 millions de barils importés chaque jour. Le Nigéria avec une production journalière de plus de 2,5 millions de b/j, est le premier producteur du continent africain et huitième exportateur mondial. Sa production est évaluée à 119,23 millions de tonnes (Mt) de pétrole et 5210 milliards de m3 de gaz naturel. Les ressources pétrolières sont évaluées à 90% des ressources du pays et procurent annuellement près de 45 milliards de dollars US à l'Etat. Quant à l'Angola, sa production annuelle est estimée à 69,40 Mt équivalent en pétrole. Les revenus pétroliers contribuent à plus de la moitié du Produit intérieur brut (PIB) de l'Angola et représentent 90% des revenus, soit plus de 25 milliards de dollars US. Pour la Guinée Equatoriale dont la production en 2006 s'est élevée à 17,73 Mt par an, la première découverte a été réalisée en 1994, et ne cesse de s'accroitre exponentiellement. Le Gabon qui a du mal à se défaire de son image de petit eldorado pétrolier, a atteint une production de 11,60 Mt pour le pétrole et 34 milliards de m3 pour le gaz en 2006. Le Congo qui a connu de longues années de guerre civile, à cause des ambitions présidentielles de ses fils dans l'optique du contrôle des ressources pétrolière, a une production journalière estimée en 2006 à 250000 b/j. La République Démocratique du Congo a une production à peu près équivalente à 235 900 b/j. la récente découverte d'important gisements de pétrole dont les réserves sont estimées à des milliards de barils cachés sous le lac Albert, dans sa partie Congolaise, pourrait changer le destin du Congo et des Congolais. Sao Tomé et Principe, va bientôt faire partie des grands producteurs de pétrole du fait de la découverte récente dans ses eaux d'importantes réserves de pétrole. Le Cameroun est l'un des rares pays du Golfe de Guinée producteur de pétrole dont les revenus du pétrole participent à moins de 50% des recettes de l'Etat, a une production pétrolière annuelle de 3,20 Mt. L'augmentation du volume des extractions pétrolières au cours de ces dernières années dans le Golfe de Guinée est une réalité, une lapalissade. Le nombre des sociétés extractives à considérablement augmenté. Les revenus considérables que génère la production de pétrole devraient en principe, sortir cette zone du sous-développement qui la caractérise. Mais la réalité est autre. Les populations du Golfe de Guinée croupissent sous le poids de la faim et des maladies. Le pétrole a donc un effet négatif double sur les populations du Golfe de Guinée. Il les appauvrit et pollue leur environnement. On se pose donc la question de savoir si pour le bien des populations de cette partie du monde, on ne devrait pas purement et simplement arrêter de mener des activités extractives de pétrole ? La réponse est à la fois surprenante et pleine de bon sens : non. Car « pour les Africains, ce qui est pire que d'avoir une multinationale (pétrolière) sur son territoire, c'est de pas en avoir du tout ». Ceci s'explique lorsqu'on jette un regard sur l'apport du pétrole dans le budget de ces Etats. Au Congo par exemple, il représente 80% des recettes budgétaires. Il apparait à l'évidence que l'activité pétrolière dans le Golfe de Guinée, soulève un problème de sa gestion, et de son encadrement. Il est donc nécessaire d'élaborer un travail qui vise à identifier, mesurer et réduire autant que possible les retombés humaine, sociale, médicale et économique à long terme de la contamination pétrolière, ainsi que sur les écosystèmes indispensables à un environnement sain et au développement économique. En d'autres termes, il faut répondre à la question de savoir à quel point l'extraction du pétrole influence la qualité des sols, de l'eau, des cultures agricoles, des élevages de poisson et de l'air, ainsi que la biodiversité et la santé des habitants du Golfe de Guinée ? La réponse à cette question nous amène à présenter les effets néfastes de l'extraction pétrolière sur l'environnement (Partie I), avant que de montrer les mesures prises et visant à protéger l'environnement de ces effets dans le Golfe de Guinée (Partie II).
* 1 _ J.M. Laveille « Droit International de l'Environnement » * 2 _ Voir C.I.J. Recueil des Arrêts, avis consultatifs et ordonnances, 2002, Affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, Arrêt du 10 Octobre 2002. * 3 _ Voir le site <http://www.iea.org/Text base/states/Manual FR. pdf> * 4 _ Cruel sera le réveil, documentaire diffusé sur la chaine Arte le 16 septembre 2008, citation reprise dans le Monde, 18 Septembre 2008, page 31 * 5 _ HARBINSON (Dominic), KNIGHT (Roger) and WESTWOOD (John) * 6 _ UNEP 199è * 7 _ C.D.G. Awoumou « Le Golfe de Guinée face aux convoitises » 11éme Assemblée Générale du CODESRIA 6-10 Décembre Maputo, Mozambique sur le thème : « Repenser le développement de l'Afrique : au-delà de l'impasse, les alternatives. » * 8 _ L'Union n°7162, Libreville, 19 novembre 1999, P.2 |
|