III.1.2.10. L'individu chez
KIERKEGAARD
Le philosophe danois a une conception individualiste de
l'homme. Dans sa pensée, il met l'accent sur l'individu et
néglige ou oublie presque la dimension communautaire de celui-ci. Cette
remarque se fait visible dans sa théorie des sphères d'existence
où l'esthète est présenté comme un homme seul
emporté par les passions du plaisir sensuel. Dans la sphère
éthique c'est encore l'homme seul devant le devoir, et le religieux qui
présente l'homme pécheur devant son Dieu. Il est certes vrai que
KIERKEGAARD parle de l'amour et de la charité, mais il met l'accent sur
l'individu, et l'autre pour qui le geste d'amour ou de charité est
posé, est oublié.
Il serait bien de mentionner que l'individu est un homme
appelé à vivre avec les autres. J'aime et je me sais aimé.
Je donne aux autres mes richesses et je m'enrichie des richesses des autres.
L'individu doit au lieu de vivre de manière close, entrer en relation
avec les autres. Car c'est seulement par cette ouverture aux autres que ma foi
deviendra un acte individuel mais vécu en communauté.
Dans l'effort pour une critique de la philosophie,
KIERKEGAARD s'affirme même sans le vouloir comme un philosophe. Il est
remarquable de voir jusqu'à quel point il utilise la spéculation
qu'il réfute de toutes ses forces. Sa conception de la foi reste
discutable ; et l'accent mis sur l'individu, le conduit à faire un
monde individualiste.
III.2. De l'individualisme au
personnalisme
Après ces manquements constatés à
l'égard de l'existentialisme, certains courants qui lui sont presque
dérivés tel que le personnalisme proposent une meilleure vision
de la personne humaine pour son épanouissement.
Certes KIERKEGAARD et les existentialistes prônent le
retour à l'existant, le retour à soi-même, mais dans ce
retour, on s'aperçoit que c'est l'individualisme qui est le plus
exalté. Le retour à l'essentiel c'est-à-dire à
l'existant, s'est converti en un rejet de l'aspect communautaire. Et pareille
attitude se verra être rejetée par le personnalisme pour qui il
est bon de faire un retour à l'existant qui avait été
oubliée au profit de la raison mais le plus important, et le plus urgent
pour notre monde, c'est le retour à la personne ayant un accent
particulier mis sur la relation communautaire et non sur l'individualisme.
Depuis plusieurs siècles, les jours consacrés
à la guerre sont plus longs que les jours consacrés à la
paix. La vie en société est une vraie guérilla permanente.
Là où l'hostilité s'apaise l'indifférence
s'installe ; l'amitié et l'amour semblent avoir perdu dans cet
immense échec de fraternité humaine. Pour les existentialistes
tels que HEIDEGGER et SARTRE, ce comportement s'expliquerait par l'emprise du
rationalisme sur l'existant qui crée en eux le désir de
posséder et de soumettre. Dans cette volonté de soumettre,
l'existant à soit le rôle de maître, soit le rôle
d'esclave. Une telle relation fait en sorte que le regard d'autrui me vole mon
univers, la présence d'autrui fige ma liberté et que son
élection m'entrave. Au point où l'amour serait devenu un
enfer.
Pour les existentialistes, la relation entre les personnes ne
doit pas s'établir par le biais de la raison mais seulement par le biais
de l'amour de la charité et de l'amour mutuel. Amour non pas compris au
sens Sartrien où vouloir que l'autre m'aime c'est le chosifier.
Cette attitude individualiste qui est un système de
moeurs, de sentiment qui pousse l'individu à vivre isolement et sans
défense, qui se laisse clairement dégager de la pensée de
KIERKEGAARD et d'autres existentialistes, sera l'antithèse du
personnalisme. Pour cela on opposera individu et personne.
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