Les déterminants de la structure d'endettement des PME au Tchad( Télécharger le fichier original )par François DECHEBA Ngaoundéré - Master recherche 2010 |
Section II : PLACE DE L'ENDETTEMENT DANS LE FINANCEMENT DES PMELa problématique de la structure de financement des entreprises est d'une importance non négligeable et interpelle tous les dirigeants, car l'existence et le succès de leurs entreprises en dépendent. Cette structure de financement exprime les différents modes de financement dont l'endettement occupe une place de choix à la disposition de ces unités de production. Il appartient donc aux dirigeants de ces dernières d'effectuer un choix à leur convenance. Ainsi, de manière traditionnelle, le financement des PME repose sur des capitaux personnels et l'autofinancement. Cependant, ceux-ci sont souvent limités, l'entrepreneur doit alors recourir à d'autres sources de financement telles que l'endettement ou l'ouverture du capital. En général, après les capitaux personnels et l'autofinancement, les PME se tournent vers l'emprunt plutôt que vers les marchés financiers. Ce choix est justifié pour au moins deux raisons : leur taille et la crainte de la perte de contrôle. De par leur taille, les PME sont rarement en mesure de recourir directement aux marchés des capitaux ou quelque fois ces derniers sont absents. Mais la principale raison est en fait la crainte des dirigeants propriétaires de perdre le contrôle de leur entreprise. En effet, les nouveaux actionnaires extérieurs disposeront d'un droit de regard sur la gestion. Des conflits peuvent ainsi apparaître entre l'entrepreneur et les nouveaux actionnaires, ce qui posera un problème de coûts d'agence. Dans cette section, nous développons d'abord les principales théories de l'endettement et nous terminons par mettre en évidence le rôle que joue l'endettement dans le financement des PME. I- LES THEORIES DE L'ENDETTEMENT La base de la finance d'entreprise moderne est sans conteste l'article publié par Modigliani et Miller (1958) qui leur permit de devenir des pionniers dans la tentative de démystification de la problématique de l'endettement. Leurs apports dans ce domaine particulier furent considérablement conditionnés par le cadre théorique qu'ils se fixèrent préalablement ; cadre théorique dont l'hypothèse la plus forte est la perfection des marchés financiers. Cependant, cette conclusion théorique s'est heurtée à de nombreuses critiques dont la plus importante était sans nul doute le cadre théorique trop restrictif dans lequel elle a été énoncée. A cet égard, Modigliani et Miller (1963) ont enrichi leur étude précédente en intégrant une imperfection de marché qui n'est autre que la présence d'imposition sur les bénéfices des entreprises. Dès lors, dans ce nouveau cadre d'analyse, ces deux auteurs aboutissent à la conclusion qu'il est nécessaire d'endetter l'entreprise pour profiter des économies d'impôt dues à la déductibilité fiscale des charges des dettes. De plus, la levée des hypothèses d'absence de coûts de détresse financière, d'absence de coûts d'agence et d'absence d'asymétrie informationnelle va être à l'origine de trois autres familles de théories concernant les déterminants de l'endettement des entreprises. Ces trois familles sont respectivement appelées Théorie de l'Agence, Static Trade off Theory et Pecking Order Theory. A- La théorie de l'agence La remise en question de l'hypothèse d'absence de conflits entre les différents acteurs de la vie économique et financière de l'entreprise (dirigeant(s), actionnaire(s) et créancier(s) pour la majorité des PME) relève de la théorie dite de l'agence. Cette théorie, dont l'objectif est de représenter les caractéristiques des contrats optimaux qui peuvent être conclus entre le mandant et le mandataire Jensen et Meckling, 1976), repose sur le principe néoclassique selon lequel « chaque agent économique cherche à maximiser son intérêt particulier avant l'intérêt général, son comportement étant conditionné par la structure économique et juridique dans lesquels il opère » (Charreaux, 1987). La relation d'agence se définit donc comme un contrat par lequel un mandant a recours au service d'un mandataire pour accomplir en son nom et pour son compte une tâche, dans notre cas la gestion de l'entreprise. Le mandant et le mandataire maximisant leur utilité, leur relation est source de conflits (Ross, 1973). Nous analysons successivement le conflit entre actionnaires et dirigeant(1) et le conflit entre actionnaires et créanciers (2). 1- Le conflit d'agence entre actionnaires et dirigeant Si le dirigeant ne détient pas personnellement la totalité des droits de propriété de l'entreprise, la délégation de gestion qui en découle est source de coûts d'agence. Les causes de conflits peuvent être le détournement par le mandataire de richesses non financières de l'entreprise, détournement lié au fait qu'il ne bénéficie pas du gain total de son activité, mais en supporte personnellement la responsabilité (Jensen et Meckling, 1976). Le désaccord peut aussi provenir du fait que le dirigeant n'a de cesse de promouvoir la continuité de l'activité de l'entreprise, alors même que du point de vue des actionnaires, la liquidation est plus avantageuse en terme d'utilité (Harris et Raviv, 1990)19(*). Le phénomène de surinvestissement de la part du dirigeant est aussi un facteur de conflit dans le sens ou l'actionnaire trouve la distribution des cash flow disponibles plus efficace (Jensen, 1986). Selon Jensen (1986), les coûts d'agence de la relation se décomposent de la façon suivante : - Les dépenses de contrôle qui sont engagées par le mandant pour vérifier que la gestion du mandataire est compatible avec la maximisation de son utilité. - Les dépenses engagées par le mandataire pour signaler au mandant la bonne qualité de sa gestion. - Enfin des coûts résiduels apparaissent et proviennent de l'impossibilité d'exercer un contrôle total de la gestion du mandant, notamment lorsque le coût marginal du contrôle excède son revenu marginal. L'endettement de l'entreprise peut être vu comme un moyen efficace de résoudre une partie des coûts d'agence des fonds propres puisque celui-ci favorise la convergence des intérêts des actionnaires et du dirigeant. En effet, dans le cadre d'un endettement de type bancaire, l'augmentation de la proportion de dette aura pour conséquence une augmentation du contrôle par la banque de l'activité de gestion du mandataire (Diamond 1984)20(*). De plus, le paiement à échéances fixes d'intérêts de la dette réduira la possibilité d'investissement sous optimal de la part du dirigeant en diminuant le cash-flow disponible. Enfin, la nature du contrat de dette engendre l'augmentation du risque de défaut et du risque de perte d'emploi du dirigeant par le biais de l'option de liquidation par la banque. Toutefois, si l'endettement réduit efficacement les coûts d'agence des fonds propres liés aux conflits entre actionnaires et dirigeant, celui-ci en créait d'autres puisque les relations entre actionnaires et créanciers sont également sources de coûts d'agence. 2- Le conflit d'agence entre actionnaires et créanciers La relation qui s'établit entre un bailleur de fonds (la banque) et l'entreprise est sujette à l'asymétrie d'information. Cette hypothèse consiste à considérer que le niveau et la qualité de l'information ne sont pas identiques entre les agents et ceci durant la durée totale de la relation de crédit. Ainsi, avant la signature du contrat, l'existence de projets d'investissements de qualité différente pose le problème de la « sélection adverse » (Akerlof, 1970). Durant la relation de crédit, la banque (le mandant) peut se trouver, par manque d'information, dans l'impossibilité de vérifier exactement les efforts fournis par le mandataire (l'entreprise). Dans ce cas, le risque d'aléa moral est défini par la possibilité pour l'entreprise de détourner les fonds prêtés par les créanciers à des fins plus risquées que prévu de façon à maximiser la valeur de l'investissement au détriment du risque. Cette situation pose le problème de la « substitution d'actifs » lié à la nature de la rémunération contractuelle des créanciers (Jensen et Meckling, 1976). De plus, le bailleur de fonds peut être sujet, en raison de l'asymétrie informationnelle, au détournement de la part de l'entreprise d'une partie des gains liés à l'investissement. Il doit donc rechercher, en cas de difficultés de remboursement de l'entreprise, si cette situation provient effectivement d'une mauvaise conjoncture ou d'un comportement opportuniste de l'entreprise (Williamson, 1986). L'ensemble de ces phénomènes peuvent ainsi pousser les prêteurs à procéder à des ajustements avec rationnement des emprunteurs et possibilité d'exclusion (Stiglitz et Weiss,1981). C'est la situation de rationnement du crédit particulièrement importante sur le marché du crédit des PME. Dans cette optique, les dirigeants d'entreprises ayant de bons projets d'investissement doivent se signaler auprès des créanciers pour ne pas souffrir d'une trop forte asymétrie d'information. Ainsi, la structure des capitaux de la firme peut être un signal envoyé aux créanciers (Ross 1977). Dans ce modèle, le dirigeant détenant l'information sur la valeur de son projet d'investissement, engage une part importante des fonds de l'entreprise dans le projet de façon à se signaler auprès de la banque. Le degré de diversification du portefeuille du dirigeant peut également signaler aux créanciers la qualité des projets d'investissement de l'entreprise (Leland et Pyle, 1977). Ce raisonnement est particulièrement pertinent dans le cas de petites et moyennes entreprises pour lesquelles la part de richesse personnelle investie par le dirigeant s'avère révélatrice. Ainsi, si l'endettement constitue un mode majeur de résolution des conflits entre actionnaires et dirigeant, il génère d'autres conflits avec les créanciers qui engendrent eux même des coûts d'agence. Dans ces conditions, la structure de capital optimale peut être obtenue par arbitrage entre les avantages de l'endettement (réduction des coûts d'agence entre actionnaires et dirigeant) et les coûts d'agence relatifs aux relations avec les créanciers. · B- Les théories du static trade -off et du pecking order
* 19 _ M.Harris,A.Raviv (1990), « Capital structure and the international role of debt », Journal of Finance, vol 45, n°2, pp 321-349, cité par Ziane (2004) _ Diamond D.W., 1984, « Financial Intermediation and Delegated Monitoring », Review of Economic Studies, p. 393-414, cité par Mathieu Paquerot et Jean-michel Chapuis (2006) * 20
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