L'avènement du biosimilaire : un nouveau défi réglementaire et scientifique pour les industries de santé( Télécharger le fichier original )par Rokiatou SAMAKE Universite Paris VIII - Master II professionnel Propriété industrielle et industries de santé 2009 |
INTRODUCTIONL'histoire du médicament est largement associée à la recherche scientifique. Le médicament a évolué au gré des découvertes, lui permettant d'être de plus en plus performant, sécurisé et adapté à répondre aux besoins ainsi qu'aux pathologies. Au cours de l'histoire - de l'utilisation des plantes comme remède jusqu'à l'apparition de médicaments de plus en plus spécifiques - le médicament reflétait l'image de la société et l'état des croyances. Pendant longtemps, le soulagement des maux des êtres humains était la prérogative des dieux : du Moyen Âge jusqu'au début du XIXe siècle, la guérison suite à une maladie relevait souvent du mystique. Le XIXe siècle constitue une étape importante au regard des progrès scientifiques : des chercheurs sont parvenus à caractériser des principes actifs de substances connues. En 1803, la morphine est identifiée à partir de végétaux par Friedrich Satürner. De cette découverte va découler la possibilité pour les chercheurs de synthétiser les molécules découvertes par la nature : c'est le cas de l'aspirine commercialisée pour la première fois en 1893 en France. A partir de ce point de départ, le médicament va connaître une ère nouvelle suite à de nombreuses découvertes (telles que la découverte de l'action antibactérienne des sulfamides en 1937, ou bien celle de la pénicilline en 1947)3(*). Le système de copie de médicament naît parallèlement : en effet, dans les années 1960, les chercheurs parviennent à élaborer de nouveaux médicaments à partir de modèles de médicaments existants. Cette histoire est celle du médicament traditionnel (le médicament chimique, obtenu par synthèse chimique). Qu'en est-il des médicaments issus de la biotechnologie ? L'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) définit la biotechnologie comme une application des techniques et principes scientifiques mais également de l'ingénierie pour la transformation des matières et matériaux au moyen de facteurs biologiques, dans l'optique d'obtenir des services ou des biens innovants4(*). L'étymologie du mot « biotechnologie » révèle qu'il est constitué de deux termes : « bio » faisant référence à la biologie, c'est-à-dire à la science des êtres vivants, et « technologie » qui constitue l'ensemble des savoirs se rapportant aux nouvelles techniques, aux équipements modernes. Ainsi la biotechnologie couvre de nombreux domaines, contrairement à la vision qu'en a le grand public qui restreint la biotechnologie au domaine de la génétique et de la transgénèse. Le champ de la biotechnologie est en fait bien plus vaste : elle contribue notamment à la recherche d'alternatives propres et performantes destinées à remplacer des ressources énergétiques polluantes, ce qui revêt tout son sens dans le domaine agricole (le recours aux mécanismes biologiques permet d'éviter l'usage de pesticides par exemple). On distingue deux catégories de biotechnologie : les biotechnologies de première génération et celles de dernière génération. Les biotechnologies de première génération sont qualifiées de biotechnologies traditionnelles, regroupant les techniques exploitant les agents biologiques afin d'obtenir un produit fini correspondant aux exigences et aux normes souhaités. Ces biotechnologies se retrouvent largement dans le secteur de l'agroalimentaire (bière, vin, pain sont issus de la biotechnologie). La seconde catégorie est composée des biotechnologies modernes (de dernière génération) qui reposent sur l'utilisation d'équipements sophistiqués, faisant appel à une haute technicité. Ces équipements sont concentrés dans les secteurs ayant des besoins spécifiques tels que la bioinformatique. Contrairement à l'histoire du médicament chimique et aux idées reçues généralement répandues, l'histoire des produits fabriqué grâce à la biotechnologie remonte à plus de 5000 ans. Les populations de diverses régions du monde utilisaient et consommaient des produits issus de la biotechnologie, notamment le pain obtenu par fermentation de la levure ou encore le vin obtenu par fermentation alcoolique. Ce schéma se retrouve également dans la fabrication des yaourts ou du fromage. La biotechnologie, ne se restreint donc pas au secteur alimentaire. On parle aujourd'hui pour l'agriculture de « biotechnologie verte » : il s'agit d'une série de technologies ayant recours à l'utilisation de l'organisme des plantes et de leurs cellules afin de produire et transformer des produits alimentaires par exemple (ce sont les très controversés organismes génétiquement modifiés). Des avancées biotechnologiques dans le secteur maritime ont permis le développement de la « biotechnologie bleue » qui suppose l'extraction de produits maritimes. Enfin, « la biotechnologie blanche » concerne l'utilisation de certaines cellules dans la fabrication d'antibiotiques : elle suppose l'utilisation d'organismes biologiques afin obtenir des produits grâce à des mécanismes naturels tels que le processus de la fermentation. La « biotechnologie rouge » est celle du secteur de la santé : elle vise à une meilleure compréhension de l'organisme ainsi qu'à la recherche des origines des pathologies afin de mettre au point de nouveaux traitements. C'est sans doute dans le secteur de la santé que la biotechnologie prend tout son sens en raison de nouvelles avancées qu'elle a permise. II convient de préciser que la pratique nuance la caractérisation des groupes : le domaine pharmaceutique se retrouve à la fois dans la catégorie de la biotechnologie « blanche » (notamment par le recours des antibiotiques) et de la biotechnologie « rouge » (tels que les produits dérivés du sang). Dans le domaine du médicament, les recherches s'orientent de plus en plus vers les biotechnologies. Appliquée à la santé et à la médecine, ses potentialités sont très importantes. Historiquement, les débuts de la biotechnologie dans le domaine médical remontent à plus de vingt-cinq ans. Elle permet la fabrication de principes actifs d'origine biologique pour lutter contres des maladies rares : l'insuline est le premier principe actif issu de la biotechnologie, préconisé dans le traitement du diabète. La synthèse de l'insuline transférée à une bactérie - l'Escherichia Coli - a permis sa commercialisation pour la première fois en 1982, aux Etats-Unis. Grâce à de nouveaux outils puissants (le génie génétique, la transgénèse, la biologie moléculaire), une approche biologique et génétique des pathologies humaines se développe et offre une réponse à de nombreuses pathologies Les médicaments biologiques (ou les biomédicaments) prennent une place croissante dans l'innovation pharmaceutique : en 2003, 40 % des nouveaux médicaments mis à la disposition des malades, et plus du tiers des nouveaux médicaments en développement, étaient d'origine biologique5(*). Les médicaments issus de la biotechnologie tentent à répondre de manière plus précise aux besoins liés aux pathologies car leur action est ciblée et pallie l'absence de traitement chimique satisfaisant. Toutefois, la contrepartie principale est la haute complexité des médicaments issus de la biotechnologie qui nécessite une certaine expérience des fabricants. Ces médicaments présentent des caractéristiques quasi uniques car ils sont le résultat d'un procédé de fabrication complexe. Malgré les grandes potentialités des biomédicaments, leur coût élevé et les spécificités qui sont les siennes ont longtemps constitués un obstacle à un développement à large échelle. Cette situation a évolué depuis l'expiration des premiers brevets protégeant les médicaments issus de la biotechnologie : la fin de la protection ouvre la possibilité de copier ces médicaments. Les médicaments chimiques peuvent être copiés à l'identique lorsque les brevets qui les protègent viennent à expirer : ces copies sont appelées médicaments génériques. Sur le même modèle, les médicaments biologiques ont vocation à être copiés. Ces copies sont appelées médicaments biosimilaires ou les biosimilaires. Ces copies potentielles cristallisent beaucoup d'espérances quant au traitement de nombreuses pathologies, notamment en termes d'accès: en effet les médicaments issus de la biotechnologie sont coûteux, le remplacement par des copies implique une baisse du coût donc un avantage pour les patients. Dans une époque où les pouvoirs publics tentent de résoudre les problèmes liés aux dépenses de santé, le biosimilaire semble ouvrir une voie intéressante. Il convient donc de s'intéresser à l'avenir du biosimilaire, qui par son développement, fait entrer l'histoire du médicament et des médicaments issue de la biotechnologie dans une nouvelle ère. Ce mémoire se propose de dresser un état des lieux du biosimilaire aujourd'hui, en commençant par définir sa nature et ses caractéristiques (Partie I) et en se concentrant ensuite sur ces potentialités ce qui nécessitera de comprendre le traitement bien particulier dont il fait l'objet sur le marché européen et plus largement dans le monde (Partie II). * 3 _ GlaxoSmithKline (GSK) :« l'histoire du médicament », www.gsk.fr, 10-2008 * 4 _ Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) « biotechnologie, agriculture et alimentation », Éditions OCDE, 28-07-1992 accessible sur le site OCDE (http://www.oecd.org/document/41/0,334) * 5 _ GSK « l'histoire du médicament » op.cit. |
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