Les finances des établissements publics de santé( Télécharger le fichier original )par Madialé Birima NIANG Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise 2009 |
NOTE INTRODUCTIVE :Les établissements publics de santé sont une réponse de l'Etat au défi posé par la couverture des besoins de la population en matière de santé publique. La spécialisation induite par la technique de l'établissement public vient relever la primauté du service public. L'Etat y a vu un outil adapté pour assurer le service public de la santé en garantissant, autant que faire se peut, le respect des principes du service public. La réforme hospitalière de 1998 vient replacer le service public au coeur des préoccupations des pouvoirs publics. La nouvelle charpente structurelle qu'elle intègre dans le tissu administratif et organique de l'Etat en est une illustration. Une nouvelle approche, une nouvelle organisation et un nouveau cadre financier. Les finances publiques, sans lesquelles aucune action n'est concrète ni aucune mission satisfaite, sont au coeur de cette réforme. En effet elles permettent aux nouveaux établissements publics de santé de s'articuler sur une nouvelle structure mieux adaptée à l'évolution des besoins des populations ainsi que des possibilités réelles et concrètes de l'Etat. Un nouveau cadre administratif et financier a été aménagé, une nouvelle orientation définie. A terme, la pleine réalisation des missions confiées aux établissements publics de santé doit être atteinte. C'est donc ce cadre juridique qui englobe tous les aspects touchant au financement des établissements publics de santé. C`est une chose d'identifier les insuffisances structurelles d'un service public, y apporter des solutions idoines et définitives en est une autre. Ce qui veut dire que l'aspect financier de la réforme, s'il n'est pas le plus important, demeure la clef de voûte de la nouvelle structuration hospitalière du Sénégal. C'est cet aspect qui fonde notre analyse et c'est par elle que nous apprécierons la réforme. Il ne s'agit pas, bien entendu, de faire un « diagnostic complet et détaillé des maux » dont souffrent les établissements publics de santé, mais de voire, à travers l'aspect financier, le réel outillage dont la réforme a doté les hôpitaux. Le financement des établissements publics de santé et l'étendue des charges qu'ils doivent couvrir dans leur mission seront les arguments qui nous retiendrons. Ce seront les pans essentiels de nos développements et qui fonderont toute notre analyse. INTRODUCTION GENERALELa Constitution sénégalaise du 22 janvier 20011(*) proclame solennellement dans son préambule, en visant la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme2(*), le droit au bien-être. L'Etat sénégalais, par le truchement des institutions articulées à cet effet, doit assurer ce droit à toute la nation. Il doit également mobiliser les ressources nécessaires tout en aménageant des circuits efficaces pour que le financement en soit assuré. L'administration de la santé, après moult réaménagements superficiels et inachevés, a connu un tournant avec l'avènement d'une réforme en 19983(*). Celle-ci est engagée dans une optique de santé pour tous, justifiant une adaptation structurelle et contextuelle du système hospitalier national. Dans l'exposé des motifs de la loi portant réforme hospitalière le législateur explique que la dite réforme doit permettre aux structures sanitaires visées de « fonctionner selon un mode de gestion d'entreprises saines et performantes, afin qu'elles offrent des soins de qualité au meilleur coût possible, tout en assurant leur pérennité et leur développement ». C'est ainsi qu'un réaménagement des hôpitaux en Etablissements Publics de Santé (EPS) a été effectué. La technique de L'établissement public, transposée dans le cadre hospitalier, répond à la nécessité de rationaliser le fonctionnement des services de santé et d'optimiser les prestations qu'ils fournissent. C'est avec la loi du 02 mai 19664(*) que la notion d'établissement public a été introduite en droit sénégalais. Elle a été revue et assouplie par le régime découlant de la loi de 1972 avant d'être finalisée par la loi de 19775(*). C'est également avec la loi de 1966 qu'ont été précisés les critères permettant de caractériser l'établissement public et que sont sa structure organique (personne publique) et sa fonction (gestionnaire d'un service public)6(*). C'est alors une pratique permettant à l'Etat d'insuffler plus de dynamisme et d'efficacité à un service ou un ensemble de service public. Toutefois l'Etat disposera également d'un droit de regard et d'une marge d'intervention lui permettant d'orienter et/ ou de redéfinir la politique et l'administration du service publique à chaque fois que la nécessité en sera constatée et justifiée. Au Sénégal un grand nombre d'établissement publics ont vu le jour depuis l'approche nouvelle et pertinente initiée en 1966. La nouvelle typologie d'établissements publics créée en 19987(*), vient enrichir les quatre catégories existantes. Il s'agit des établissements publics administratifs (EPA), des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), des établissements publics professionnels (EPP) et des établissements publics scientifiques et technologiques (EPST). Cette volonté relève des exigences d'un certain interventionnisme ou, également, d'une certaine planification s'avérant nécessaire pour tel ou tel secteur économique ou social de la nation. Il peut aussi s'agir, parfois, d'une décentralisation fonctionnelle consistant à transférer la gestion d'un service public aux personnes évoluant dans ce domaine. Plus concrètement, la formule répond à une décentralisation fonctionnelle ou encore décentralisation par service. La personnalité juridique est accordée en plus d'une relative autonomie de gestion à un service public ou même un groupe de services publics. Il y'a donc une certaine personnalisation du service public. Cette personnalisation entraîne trois conséquences : o Une distinction entre l'Etat et les établissements publics du fait que ceux-ci disposent d'organes propres, de biens et peuvent ester en justice. o Personnes publiques, les établissements publics ne connaissent pas une participation privée dans leur capital et dans leur gestion. o Le principe de spécialisation s'applique à eux : ce qui implique qu'ils gèrent un service public déterminé et se limitent à celui-ci. Dans le contexte hospitalier, la création d'établissements publics de santé (EPS), au-delà d'une technique juridique classique8(*), s'inscrit dans une politique planificatrice, décentralisatrice de la gestion et de l'exécution du service public de santé. La décentralisation est administrative, fonctionnelle et accessoirement territoriale. Elle est fonctionnelle du fait du retrait de l'Etat de la gestion interne des E.P.S ; elle est administrative dans le transfert de l'encadrement financier, selon un degré relatif à la vocation et au statut de l'établissement, à des entités autres que l'Etat telles que les collectivités locales. C'est à ce dernier niveau qu'elle est territoriale puisque la situation géographique de l'établissement impliquera le pouvoir local, décentralisé, dans la gestion de l'établissement, sauf si l'on se trouve en présence d'un établissement national. L'Etat conserve tout de même l'encadrement technique9(*). Les collectivités locales ne peuvent intervenir dans la gestion technique des établissements publics de santé qui relève de la coordination centrale du ministère de la santé par le biais de la direction des établissements publics de santé. Telle est la charpente structurelle et hospitalière du Sénégal et tel est le cadre politique et administratif dans lequel se meuvent les E.P.S. Dès lors, aborder les finances des E.P.S requière une considération de leur environnement administratif et légal. Une analyse des finances des E.P.S ne peut occulter l'évolution connue par le service public de santé qui est passé d'une administration directe de l'Etat à une administration indirecte et déléguée, connaissant ainsi une mutation profonde à laquelle les finances n'ont pu échapper. Au-delà de la réforme hospitalière, la modification de l'organisation administrative du Sénégal marquée par les lois de 1996 précitées a incontestablement influé sur les E.P.S et sur les finances de ceux-ci. Les finances, outres les considérations pécuniaires, englobent tous les aspects touchant aux moyens concrets, matériels et juridiques mis à la disposition des E.P.S pour poursuivre et satisfaire la mission de service public qui leur est confiée. Ils touchent à la réalité de l'action de l'E.P.S et à son efficacité. Toutefois, le cadre juridique porteur et justificatif de la situation financière, la réalité de celle-ci retiendront notre attention et justifieront l'approche de notre réflexion. Soulignons que, à titre indicatif, il a existé des mécanismes de financement de la santé public dits alternatifs et qui ont été introduit dans le système de financement des structures publiques et parapubliques. Ces mécanismes s'appuyaient sur des institutions telles que les I.P.M (institut de prévoyance médicale), sur les mutuelles de santé et les comités de santé. Ce financement additif et palliatif traduisait les difficultés croissantes de l'Etat pour supporter le coût de la santé des populations et initiait le système de participation des populations. Pourtant ces mécanismes n'ont pu atteindre le voeu escompté, pour des raisons telles que la faiblesse des revenus d'une partie de la population. De même, des dysfonctionnements ont pu être notés surtout s'agissant des comités de santé10(*). Les considérations financières et budgétaires quant à la situation des E.P.S ne peuvent échapper aux constats dressés plus haut. Dans la logique des finances publiques, les ressources allouées aux E.P.S doivent servir à faire fonctionner le service public qui leur est dévolu. Le retrait partiel de l'Etat du service public de santé, du moins sous l'angle de la gestion directe et de l'administration immédiate, aura des répercussions sur la situation financières des E.P.S. De même, la spécialisation introduite par la technique de l'établissement public induira des effets sur les finances des E.P.S. Ce qui fait que, bien que relevant de la matière des finances publiques et de l'étude de celles-ci, les finances des E.P.S présentent une certaine originalité du fait de l'autonomie financière et de l'individualisation des budgets des E.P.S par rapport à celui de l'Etat, impliquant une liaison de notre analyse à ce contexte. La prise en compte de cette originalité motivera notre démarche et fondera notre problématique. L'interrogation sera : quelles sont les particularités des finances des E.P.S eu égard à leurs composantes ? L'analyse ne retiendra, comme centre d'intérêt, que les hôpitaux publics. La loi du 2 mars 199811(*) vise principalement les hôpitaux qui sont des personnes morales de droit public spécialisées, dotées d'un patrimoine propre dont l'objet consiste, dans le secteur de la santé et du social, à prendre en charge des patients, à produire des biens et des services, à former des personnels et à effectuer de la recherche. Ils sont classés en trois niveaux selon des critères techniques. D'où la nécessité de les différentier des centres de santé et autres postes de santé. Ceux-ci sont des E.P.S mais d'une moindre envergure, d'une dimension réduite avec une vocation limitée, et donc le service public y est diffèrent sur certains points. De plus, la réforme est plus prégnante chez les E.P.S hospitaliers. L'intérêt d'une telle démarche est double. D'un point de vue théorique, l'analyse du cadre juridique de la réforme hospitalière par le prétexte des finances permettra une appréciation de la technique juridique, axée sur une approche finance publique. Cette appréciation montrera la réalité juridico-financière des E.P.S, analysera les insuffisances tout en révélant les perspectives. L'intérêt pratique se situera dans la recherche des particularités notables chez les E.P.S, s'agissant de leurs finances, de façon globale, à un niveau où le service public est des plus larges du fait de sa vocation. Mais également à un niveau où les moyens financiers nécessaires à la réalisation de la mission de service public sont les plus importants et les plus précieux. Le budget des E.P.S qui constitue le tout des finances de l'établissement sera le point focal de nos propos. C'est à son niveau que l'analyse sera portée en nous intéressant, ainsi, aux ressources de ce budget et aux charges qu'elles doivent couvrir tout en essayant d'en faire ressortir les particularités. Pour ce faire, nous conjuguerons les textes à la réalité. Une étude des lois de 1998 et de leurs décrets d'application, à titre principale, accessoirement alliées aux autres textes intervenant de manière additive dans l'organisation et le fonctionnement des E.P.S. Mais également, pour une illustration concrète et pratique, une approche empirique fondée sur les données présentes du fonctionnement réel des E.P.S quant à leurs finances et principalement leur budget sera menée, notamment en s'appuyant sur les données recueillies au niveau de l'hôpital régional de Tambacounda. C'est ainsi que nos propos s'articuleront en deux parties. Nous procéderons, dans une première partie, à la présentation du budget de l'E.P.S hospitalier en étudiant ses composantes (PREMIERE PARTIE). Et dans un second temps, l'exécution du budget de l'E.P.S hospitalier sera analysée depuis son élaboration jusqu'au contrôle qui est assortie à cette exécution (DEUXIEME PARTIE). * 1 _ Loi n0 2001-03 du 22 janvier 2001 portant nouvelle Constitution de la République du Sénégal, JORS n0 spécial du 22 janvier 2001, p.27 * 2 _ Conf. Article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, in « Les 60 ans de la Déclaration Universelle des Doits de l'Homme » ; Amnesty International, 2008 * 3 _ Loi n0 98-02 du 2 mars 1998 portant réforme hospitalière, JORS n0 5904 du 14 mars 1998, p. 166-169 * 4 _Loi n0 du 2 mai 1966 portant statut des établissements publics, JORS du 24 mai 1966, p.571 * 5 _ Loi n0 77-92 du 10 août 1977 portant création et organisation de la nouvelle catégorie de société nationales et du contrôle des sociétés nationales, des sociétés d'économie mixtes et des établissements publics, JORS du 12 septembre 1977, p. * 6 _ Voire: BOCKEL A., Droit administratif, NEA-CREDILA, 1978, Dakar, p.331 et s. * 7 _ Loi n0 98-12 du 2 mars 1998 portant création et organisation des Etablissement Publics de Santé, JORS n0 5794 du 14 mars 1998, p. 217-219 * 8 _ En France les établissements publics ont constitués le principal moyen d'action des pouvoirs publics dans l'économique et le social. Ils sont apparus avec la constitution de monopoles étatiques (tabac, poudre, armes de guerre, allumettes...). Voire DELVOLVE, Droit public économique, Dalloz, Paris, 1997. * 9 _ Loi n0 96-06 et 96-07 du 22 mars 1996 portant respectivement code des collectivités locales et transfert des compétences aux collectivités locales, JORS n0 spécial du 20 mai 1996 ; Recueil des textes de la décentralisation, édition novembre 2003, p. 6 et s., p. 118 et s. * 10 _ Voire TINE Jean Marie Mandé, Les mécanismes institutionnels de financement alternatifs de la santé : les IPM, les Comités de santé, les mutuelles de santé ; Mémoire de DEA de droit de la santé, UCAD- FSJP, Dakar, 2004, p.54 * 11 _ Op. Cit. |
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