Pavillon «des grands»
Il accueille
dix jeunes de 15 à 18 ans. Il offre six chambres dont une adaptée
à l'accueil de personne à mobilité réduite. Au
rez-de-chaussée, se trouve: la cuisine, la buanderie, la chaufferie, la
salle à manger ainsi que la chambre et la salle de bain adaptée
à la personne handicapée. Au premier étage, nous disposons
du bureau des éducateurs/ chambre de veille, de deux grandes chambres
doubles et de sanitaires. Au deuxième niveau, une chambre simple et deux
chambres doubles ainsi que des sanitaires. Un local au fond du jardin compose
le bureau de la direction et celui de la psychologue.
Les appartements.
Il s'agit de trois appartements pouvant recevoir chacun trois
jeunes de 16 à 21 ans. Dans chacun d'eux, les jeunes disposent d'une
chambre individuelle et partagent les espaces communs qui sont la cuisine, la
salle de bain et le séjour.
L'un des appartements dispose d'une pièce
supplémentaire qui sert de bureau pour les éducateurs.
3. Projet de l'association
Le projet est pensé pour l'accueil de jeunes de 12
à 21 ans en continu, c`est à dire un accueil 24 heures sur 24
tout au long de l'année. Il permet la pratique d'entrées et de
sorties permanentes en fonction des places disponibles. Autour d'objectifs
généraux s'organisent l'hébergement, la prise en charge du
collectif, l'évolution individuelle du jeune. Cela nécessite une
organisation d'équipe et un travail en partenariat avec tous les acteurs
intervenant dans la vie du jeune.
Les objectifs généraux: (tels qu'ils sont
présentés dans le livret d'accueil)
La protection de l'enfance en danger et le traitement de la
problématique afférente : carence de soins, carence
éducative, maltraitance physique et morale, abus sexuels et comportement
déviants et incestueux, échec scolaire, trouble relationnel
familial et social.
L'insertion scolaire, sociale, familiale, avec la mise en
place d'un soutien scolaire, la relation avec les services de milieu ouvert et
l'intégration du tissu social.
Promotion du jeune par la restauration de sa place de sujet au
sein de la communauté mais aussi au sein de la famille et par le
nécessaire accompagnement vers une suffisante autonomie qui permet de
trouver sa place d'adulte et de citoyen.
3.1.Du projet à la
réalité
Comme dans tout projet avec objectifs, on se rend compte que
ces derniers sont nobles et empreints de grands principes
généraux. Objectifs qui sont perdus de vue par moments lors de la
prise en charge des jeunes.
L'association n'a pas reçu de courrier de la part des
services A.S.E. un suivi de prise en charge ou autre document
définissant la continuité de la prise en charge d'un jeune. Le
jour de c'est dix huit ans, la direction sous couvert de loi, nous a
demandé tout bonnement de lui faire quitter le foyer. La
réalité s'est traduite ainsi:
«... C'était le matin de ces dix huit ans,
nous étions un samedi. L'éducateur en poste ce jour là
avait reçu la consigne de demander au jeune dès son réveil
de quitter l'établissement. Nous savions qu'il n'avait nulle part
où aller.
Toute l'équipe éducative se retrouva sur la
structure à 9 heures du matin, afin d'étudier les
possibilités qu'ils étaient en mesure de mettre en place pour
aider ce jeune tout en respectant la demande de la direction.
Chacun avait conscience que la situation était due
au fait que nous n'avions pas fait notre travail. En effet, l'éducateur
référent de la structure qui s'occupait du jeune était en
longue maladie. Il avait dit avoir fait le nécessaire, à savoir
une demande de continuité de prise en charge, appelé prise en
charge jeune majeur. Nous, nous sommes contentés de ses dires et n'en
avons pas vérifié la véracité. Il s'est
avéré que le travail n'était pas fait.
Après réflexion, nous nous sommes
cotisés et avons payé l'hôtel au jeune pour la semaine
suivante. Cette initiative permis au référent A.S.E. de faire une
demande de contrat jeune majeur en urgence.
Quand la direction prit connaissance de notre initiative,
elle nous fit part de son mécontentement mais ne put se permettre de
sanctionner l'ensemble de l'équipe...»
Journal de
bord 2006
Un exemple comme celui ci n'est pas un cas isolé, mais
ce n'est pas dans le même temps le fonctionnement habituel de la
structure. Les suivis des jeunes sont assurés et assumés pour
beaucoup d'entre eux.
Les objectifs spécifiques(tels qui sont
présentés dans le livret d'accueil). Je ne modifierai en rien le
texte et sa présentation, afin de mettre en avant l'écriture
administrative et impersonnelle de ce dernier.
- Accueillir, protéger, éduquer les
jeunes confiés et ainsi favoriser leur
épanouissement.
Maintenir ou rétablir les liens familiaux en liaison
avec les services sociaux et favoriser le retour en famille chaque fois que
cela est possible.
Définir un projet individualisé pour chaque
jeune accueilli en lien avec les travailleurs sociaux, les magistrats et la
famille. Soutenir la scolarité et favoriser la construction d'un projet
professionnel. Apporter le soutien éducatif et pédagogique
permettant la re-mobilisation scolaire et la réintégration la
plus rapide possible dans le système éducatif traditionnel pour
les jeunes qui en seraient sortis. Offrir un soutien éducatif et
psychologique nécessaire au bon développement du jeune. Favoriser
l'intégration des jeunes dé-scolarisés dans les
dispositifs d'insertion de droit commun. Organiser une orientation si
nécessaire. Développer l'éveil et la participation aux
activités culturelles et sportives permettant de structurer la
personnalité et favoriser la socialisation. Privilégier
l'inscription du jeune dans les activités proposées à
l'extérieur du foyer, par les organisations locales qu'elles soient
municipales ou associatives. Favoriser la participation des jeunes et des
familles dans la mise en place et le fonctionnement d'un conseil
d'établissement adapté.
Le conseil d'établissement est une obligation de la loi
de janvier 2002. Cette obligation bien que présente dans les objectifs
spécifiques n`a jamais été mis en place.
Certains professionnels impliqués dans la prise en
charge individuelle d'un jeune mettent leur professionnalisme à
l'application des objectifs. Comme cet éducateur, qui durant ces heures
de temps libre a cherché un établissement professionnel pour le
jeune dont il était référent. En plus de son temps, il a
mis toute sa motivation à convaincre le directeur d'établissement
afin que le jeune soit admis en formation. Son discours auprès des
intervenants a permis à ce jeune d'intégrer un lycée
professionnel, dans la filière de son choix.
Tous les professionnels n'ont pas la même implication,
le même dynamisme. Cette différence a souvent été
évoquée avec la direction en réunion. Une des
réponses préconisées fut de mandater un éducateur
au service scolaire. Cette solution ne fut jamais mise en place.
Les liens familiaux sont souvent mis en avant par les
éducateurs comme moyen de sanction (si tu..... tu n'iras pas en
week-end!). Cette posture ne peut être en adéquation avec les
objectifs spécifiques et encore moins avec la demande du juge, et les
textes en vigueur dans notre pays.
Ces objectifs (généraux et spécifiques)
ne sont jamais communiqués aux éducateurs lors de leur
recrutement et il en est de même pour les fiches de postes de ces
derniers. Par ailleurs, ces documents sont très rarement demandés
par les professionnels qui postulent pour un poste, qu'ils soient
expérimentés ou pas!
Est ce cela qui amène à des situations où
le jeune se sent frustré?
Comme ce jeune qui est arrivé au sein du foyer
après un an d'errance. Une année passée hors de tout
système social et de toutes règles. Comme il était en
obligation scolaire, l'éducateur responsable du jeune l'inscrit au
collège, sans concertation avec ce dernier et sans réflexion sur
l'aménagement d'un rythme de réinsertion scolaire.
«Du jour au lendemain, le jeune dut se lever tous les
matins, respecter toutes les règles de l'institution. Une pression
constante, mot souvent utilisé par les professionnels face aux jeunes
quand ils sont pris en charge par l'institution, fut mise sur le jeune. Un
matin, le jeune se leva mais n'arriva jamais au collège. Ce fut le
début d'une longue série de fugues. Il advint ce qui devait
arriver; la direction du foyer demanda une main levée pour la prise en
charge de ce jeune en justifiant qu'il était impossible de
travailler avec ce dernier de part son comportement. Ses
affaires furent ramenées à l'A.S.E....»
Journal de bord 2006
Aujourd'hui, on parle pour les sans domicile fixe de
réinsertion palliative, car on a pris conscience que la
réintégration sociale ne pouvait s'effectuer du jour au
lendemain. Même si le profil n'est pas le même, ne doit-on pas
laisser aussi aux enfants le temps de l'intégration sociale?
3.2. Cadre juridique
Placements dans le cadre de l'article 375.
Suite à un signalement émis par un tiers, qui
peut être un membre de la famille, un voisin, l'école, voire
le jeune lui-même, qui estime que:
La santé, la sécurité, la moralité
sont en danger. Voir que les conditions éducatives d'un mineur sont
compromises. Après enquête de la part des services A.S.E., un juge
est saisi. C'est ce dernier qui décide quel type de mesure mettre en
place pour la protection du mineur. Quelle que soit sa décision, ce
dernier la transmet à l'A.S.E. Quand une demande de placement est
formulée, l'A.S.E. se met en quête d'une place en foyer
éducatif. C'est dans ce cadre ci que nous sommes contactés.
L'A.S.E. nous adresse la synthèse présentée au juge, ainsi
que l'ordonnance de placement. Il est à noter: Que la demande ne sera
prise en compte que si un projet scolaire ou professionnel est présent
dans la synthèse.
La principale problématique rencontrée face
à ces jeunes qui nous sont confiés, est "la non-acceptation" de
la décision du juge. Non-acceptation présente même quand
c'est lui qui dénonce ces parents.
«...D'origine malienne, le jeune A. vivait avec ses
parents, ses frères et soeurs. Le père travaillait toute la
journée. La mère s'occupait de l'éducation des enfants. Un
jour en rentrant de l'école, le jeune A. informa sa mère qu'elle
était convoquée au collège suite à des
problèmes liés à son comportement. La mère
traduisant le comportement de son fils comme un manque de respect face à
l'effort d'intégration de ses parents, le frappa avec le manche à
balai.
Le lendemain au collège, le professeur interrogea
le jeune A. pour connaître la réaction de ses parents suite
à la convocation. Ce dernier expliqua sa soirée. Sur ce, le
professeur fit un signalement auprès de l'assistante sociale de
l'école. Le signalement suivit son cours, pour arriver sur le bureau
d'un juge qui convoqua le jeune et les parents.
La mère explique qu'elle ne pouvait accepter que
son fils se comporte ainsi, et que la punition corporelle n'était en
rien répréhensible dans son pays. Qu'elle-même avait
été élevée ainsi !
Le positionnement du juge fut tout autre. Il expliqua que
les punitions corporelles n'étaient pas admises en France et que de part
ce fait c'est son comportement (à la mère) qui faisait percevoir
une non intégration de la famille aux lois de la France. De par ces
faits, il décida de placer le jeune A. en foyer
d'accueil..»
Journal de bord
2005
Outre "la non-acceptation" de la part de l'enfant, il y a
aussi la non-acceptation de la part des parents qui traduisent cette
décision comme un jugement négatif vis à vis de
l'éducation, et l'amour qu'ils portent à leur enfant. (Ex:
«nous ne sommes pas de mauvais parents!» «On les
aime...»)
Placements «directs».
Le placement«direct» est fait sur l'initiative de la
famille, en accord avec les services A.S.E.. Il intervient bien souvent
après que les parents ont sollicité les services sociaux suite
à un conflit familial, un problème financier, et ou un
problème scolaire. Le placement est le fruit d'échanges entrent
les services sociaux et la famille.
Il est en règle générale proposé
par l'A.S.E. Ce mode de placement ne sollicite pas l'intervention d'un juge des
enfants.
La problématique principale, face au placement direct
est : les parents s'attribuent comme un échec parental leur
décision. De ce fait, involontairement, dans leur comportement aux
travers de critiques portées contre l'institution, ils essaient de faire
échouer ce dernier.
«...Le mari de Madame X. était
hospitalisé. Madame n'arrivait plus à gérer le
comportement de son fils. Depuis l'hospitalisation de son père, le jeune
refusait toutes formes d'autorité, à la maison, mais aussi
à l'école. Madame X. débordée pris contact avec les
services A.S.E. Durant plusieurs semaines, et malgré l'intervention d'un
éducateur le fils de Madame X ne changea pas de comportement. Quand les
services sociaux proposèrent à cette dernière un placement
en structure, madame X y adhéra. C'est ainsi que le jeune K. arriva chez
nous.
Les premiers temps, nos relations avec Madame
étaient constructives. Madame relayait les paroles portées par
l'institution. Le temps passait et le jeune ne changeait en rien de
comportement. Il continuait à sécher les cours, fuguait du foyer.
Ses retours en week-end se passaient très mal.
Lors du placement, Madame X. s'était remise en
cause, et avait exprimé le fait de ne pas réussir à
élever son enfant. Lors des entretiens, elle remit en cause ses
qualités éducatives de mère. Plus la prise en charge
avançait, plus son discours négatif vis à vis d'elle se
déplaçait sur l'équipe éducative parce que le
comportement de son fils n'évoluait pas.
A la fin de l'année scolaire, Madame X. retira son
enfant de la structure pour le confier à ses oncles «qui seraient
plus aptes que nous.....» (propos de la mère)
Journal de bord 2006
4.De la visée théorique aux
pratiques
Historique du métier d'éducateur
Les écrits professionnels des travailleurs sociaux
reflètent des pratiques fortement marquées par leur
époque, les représentations, et les conceptions. On peut voir aux
travers des exemples cités ci après que la vision des
professionnels a toujours été marquée par les normes
dominantes de leurs époques. Exemples d'écrits aux travers des
temps. Exemples extraits du lien social de janvier 1995.
Ainsi en 1961 n'hésite t-on pas à
présenter les familles comme fragiles, révélant à
la fois leurs insuffisances éducatives (l'autorité paternelle
étant devenue inopérante vis-à-vis de l'enfant) et leur
mode de vie défectueux.
En 1965, on parle de «déviations morales» des
parents, de leur«incompétence» à concevoir une
organisation familiale d'où découle
l'insécurité.
Le désoeuvrement des enfants, on évoque
l'ignorance qui rappelait l'époque moyenâgeuse, les taches des
éducatrices et éducateurs étant présentées
comme insurmontables. Et de disserter sur la paresse qui serait l'aboutissement
des chutes successives de la morale, de l'autorité des rites
familiaux:«Beaucoup d'enfants issus des familles suivies ont un genre de
vie ralenti, restreint, pauvre. Ils méconnaissent les principes
élémentaires qui aident à découvrir les bienfaits
de l'éducation, des relations avec les autres. Du reste leur
pauvreté verbale les empêche à des échanges
valables, de communiquer avec un autre monde que le leur.
En 1975, on soutient la dimension de la reproduction
intergénérationnelle de ces modes de vie: les
récidives des déviances familiales se constatent
héréditairement. Nous constatons le même
phénomène qui se reproduit avec les enfants devenus parents,
c'est-à-dire la rusticité qui empêche
l'évolution,«Tel père est présenté en 1967
comme réputé courageux et alcoolique, comme ses parents
d'ailleurs. Les pères en général sont abordés
à partir de leur fonction instrumentale: pourvoyeur de revenus, leur
rapport au travail est essentiel» les ressources sont suffisantes bien que
le père ne travaille pas. Comme il y a un enfant chaque année et
parfois deux dans les bonnes années le montant des allocations
familiales s'élève tous les ans «(1964) ou encore «
Monsieur est paresseux parasite de la société» (1964) sans
oublier les jugements particulièrement stigmatisants» monsieur
semble avoir abandonné son penchant pour la bouteille» (1965) ou
encore «Monsieur est un homme dépravé par l'alcool,
père considéré comme une ruine, un déchet,
irrécupérable, complètement abruti» (1968).
Quant à la mère elle est assignée au
foyer, à l'accomplissement des taches ménagères et
d'éducation» La mère est très fatiguée,
mauvaise maîtresse de maison, elle ne fait aucun effort pour tenir son
foyer» (1962)» Nous estimons que le métier de veilleuse de
nuit à l'Hôpital n'est guère conciliable avec le rôle
d'une mère de deux très jeunes enfants et bientôt un
troisième et nous souhaiterions que madame quitte cet emploi pour se
consacrer à ses enfants. Madame est à surveiller et à
contrôler»(1978)«la jeune mère peut se préparer
à son destin d'épouse, de mère et de
ménagère.» (1975)«La mère de moeurs
légères. Le logement est très isolé, ce qui est un
inconvénient car madame peut recevoir ces amants en l'absence de son
mari»
Si l'on se réfère aux textes de loi
précités ci dessus (chapitre origine de la loi), on se rend
compte du décalage entre le contenu du texte dans sa demande et son
approche, et le contenu des écrits des professionnels dans les
mêmes périodes. Au travers de ce comparatif et le constat de ce
décalage. La parution d'une loi n'est appliquée qu'avec du temps,
de la réflexion et de l'évolution des mentalités des
professionnels.
Educateur depuis plusieurs années mon rôle
consiste à la prise en charge des jeunes mineurs qui nous sont
confiés par la DASS, dans le cadre de l'article 375.
Prendre en charge signifie accompagner dans le quotidien les
jeunes. Leur apporter un cadre sécurisant, être à leur
écoute, les accompagner dans leur scolarité, être le relais
avec leur famille afin que ces derniers puissent à plus ou moins long
terme réintégrer cette dernière quand cela s'avère
possible.
Le rôle de l'éducateur est de veiller sur les
personnes qui lui sont confiées avec une obligation de par la loi et les
contraintes professionnelles sont plus importantes que vis-à-vis de sa
famille.
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