Le travail des enfants au Cameroun: le cas de la ville de Yaoundé (1952-2005)( Télécharger le fichier original )par Allamine Mariam Université de Yaoundé I - Cameroun - Master 2010 |
B- LES FACTEURS LIES AUX TENDANCES STRUCTURELLESLes facteurs liés aux tendances structurelles sont sans aucun doute influencés par le contexte économique de l'heure. En effet, que ce soit l'informalité du système économique ou le changement des statuts féminins, ils ne sont que le produit de la crise et de la mondialisation et ne pourraient toujours pas impliquer une mise au travail des enfants. 1- L'informalité de l'économie Le secteur informel désigne les activités non réglementées, souvent de petites tailles, effectuées par un individu ou un groupe d'individus53(*). Il est essentiellement répandu en milieu urbain où le taux de chômage est important. Il prend de l'essor au Cameroun et doit son existence à des problèmes structurels, notamment à l'incapacité de l'économie formelle d'absorber l'excèdent de la main-d'oeuvre54(*). La segmentation des marchés du travail rejoint également l'informalité de l'économie. En effet, le marché secondaire du travail tout comme l'emploi informel, comprennent essentiellement des activités exigeant une qualification limitée. En effet, ce sont essentiellement des tâches répétitives impliquant pour la plupart des cas une activité manuelle, exigeant une longue durée d'accomplissement. Elles englobent aussi bien des tâches légères que celles nécessitant un gros effort physique. Leur précarité les définit sans aucun doute comme emplois secondaires. Le travail ici n'exige jamais un apprentissage ou une quelconque formation ou qualification préalable. Ce type de marché du travail constitue la principale source d'emploi des enfants. Dans ce secteur, les travailleurs ne sont ni reconnus, ni protégés par la législation du travail. L'économie informelle manifeste sa vitalité à travers la création de micro-entreprises et de petites unités de production, lesquelles sont demandeuses d'une forte main-d'oeuvre. En réalité, ces petites unités n'ont pas un chiffre d'affaires élevé leur permettant de bénéficier d'une forte industrialisation. C'est dans ce sens qu'elles ont besoin d'une main-d'oeuvre bon marché et de grande taille qu'elles peuvent manipuler à volonté. Ces cibles ne sont autres que des enfants. La taille de ces unités et la modestie des revenus générés requièrent la recherche d'une main-d'oeuvre bon marché en termes de rémunération, mais aussi en termes de protection et de sécurité sociale. Comme l'a si mieux indiqué Agier : `'Un trait essentiel du marché secondaire du travail est qu'il n'offre pratiquement aucune sécurité de l'emploi''55(*). Ce contexte permet de comprendre le recours à l'emploi des enfants, car ils sont dociles et manifestent rarement leur état de vulnérabilité. Ce propos est élucidé par ces lignes de Miendjiem : Le secteur informel est le domaine par excellence de la non application du droit du travail ; les conditions de travail, la sécurité sociale, l'activité syndicale, la représentation du personnel, la sécurité de l'emploi y sont quasi absentes, il n'existe pratiquement pas de contrat de travail. Le niveau de rémunération est largement en dessous du niveau normal, parfois proche de l'esclavage56(*). Ces lignes permettent de voir que les acteurs du secteur informel sollicitent et convoitent des ressources humaines constituées d'une main-d'oeuvre infantile bon marché, peu qualifiée et docile. Ainsi, ces êtres vulnérables satisfont largement les exigences de l'emploi informel. 2- Le changement des statuts féminins Un autre déterminant permet de comprendre la mobilisation du marché du travail des enfants. Il s'agit de la multiplication des responsabilités féminines rendues possibles par leurs changements de statuts socio-économiques. La transition entre l'économie de subsistance traditionnelle et l'économie de marché imposée par les autorités coloniales françaises a permis à la femme d'accéder à la monétarisation. Par ces diverses mutations socio-économiques, la femme accède donc à l'emploi salarié. Pour gérer cette situation, la femme partage ses tâches ménagères habituelles et son travail salarié avec des enfants recrutés à cet effet57(*). Ainsi, les tâches accomplies initialement par les femmes sont désormais assignées à une autre forme de main-d'oeuvre représentée essentiellement par les enfants. Ce chapitre a examiné divers facteurs dont l'importance a varié en fonction du contexte historique. En général, les facteurs déterminant l'offre et la demande des enfants sur le marché du travail sont multidimensionnels. En effet, ces facteurs dépendent de la situation socio-économique. C'est ainsi que, conformément à notre analyse, nous avons relevé comme déterminants du travail des enfants au Cameroun, l'exécution du plan FIDES et la question de l'imposition, la crise économique des années 80 ainsi que les effets négatifs de la mondialisation, l'informalité de l'économie, le changement des statuts féminins et la tradition de confiage et de mise en apprentissage. La somme de ces différents facteurs a contribué considérablement à la mise précoce des enfants au travail. L'on peut sans risque de se tromper affirmer que la mise au travail des enfants n'agit pas par un facteur isolé, mais par un ensemble de circonstances qui réagissent par interactions. Celles-ci, n'ayant toujours pas des intentions négatives, introduisent des enfants dans des circuits de production de biens. Seulement qu'est-ce-qui permet d'identifier une activité infantile de travail des enfants ? Plusieurs critères permettent de qualifier une activité infantile de travail des enfants. Parmi ces critères, nous avons répertorié les caractéristiques physiques liées à l'enfant travailleur et les critères dépendant de l'exécution du travail. * 53 _ Wikipedia, L'encyclopédie libre, `'Travail des enfants'', 2007, p.13. * 54 _ BIT, `'Le travail dans le monde : Relations professionnelles, démocratie et cohésion sociale'', Genève, 1997-1998, p.25. * 55 _ Agier, M., et al, Classes ouvrières d'Afrique Noire, Paris, Khartala-Orstom, 1987, p.250. * 56 _ L. Miendjiem, Etude sur les questions des travailleurs migrants en Afrique Centrale : Etude de cas : République du Cameroun, Yaoundé, Bureau de l'Organisation Internationale du Travail pour l'Afrique Centrale, 2004, p.52. * 57 _S. C., Abéga, et al. La traite des enfants..., p.61. |
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