Le travail des enfants au Cameroun: le cas de la ville de Yaoundé (1952-2005)( Télécharger le fichier original )par Allamine Mariam Université de Yaoundé I - Cameroun - Master 2010 |
A- FACTEURS DECOULANT DU SYSTEME COLONIAL FRANÇAISCes facteurs sont essentiellement lies à une forte demande de main d'oeuvre dans l'industrie, demande qui datait déjà des années qui ont suivi la Deuxième Guerre Mondiale. En effet, au cours de cette période et jusqu'à la décennie 1950, plusieurs mesures ont été prises par l'administration coloniale française afin de développer les infrastructures économiques et sociales. Parmi ces mesures, le plan FIDES. Celui-ci a occasionné l'épineux problème de la main-d'oeuvre. Cette main-d'oeuvre souffrait déjà de la question de l'imposition. 1- L'exécution du plan FIDES Mis sur pied par l'autorité coloniale française, le Fonds d'Investissement pour le Développement Economique et Social est un programme initié en 1946 et qui prévoit la construction et le développement des infrastructures. La première phase du plan qui va de 1946 à 1952 est axée sur le développement des moyens de communication. La seconde phase qui s'étend de 1953 à 1957 s'est beaucoup plus attardée sur le développement de la production. Son exécution dans la ville de Yaoundé est sous-tendue par des raisons aussi bien économiques que politiques. En effet, le transfert de la capitale à Yaoundé exigeait de l'administration coloniale de désenclaver la région du Centre34(*). Il fallait établir un point de liaison avec Douala, principal port maritime du territoire en vue de faciliter la sortie et l'écoulement des produits d'exportation. C'est ainsi que furent réalisés à Yaoundé des travaux d'assainissement et construites des infrastructures socio-économiques et administratives35(*). Ainsi, les travailleurs indigènes (locaux) y sont engagés considérablement. Les besoins en main-d'oeuvre ont accru notamment à Yaoundé. Le tableau ci-dessous l'indique de façon parfaite 36(*): Tableau n°1 : Besoins en main-d'oeuvre pour l'exécution du plan d'équipement économique et social (Yaoundé) 1949-1952.
Source : ANY, APA 10782, Recrutement de la main d'oeuvre 1949-1952. Une lecture analytique de ces données montre que l'exécution des différents chantiers issus du plan FIDES a bouleversé les activités habituelles. De ce fait, les enfants sont considérablement enrôlés dans des travaux jadis exécutés par une main d'oeuvre constituée d'adultes. Cette main d'oeuvre étant destinée à la réalisation du plan d'équipement dressé par les autorités françaises. 2- La question de l'imposition A ce moment précis, la question de l'imposition se posa avec acuité. L'impôt de capitation est une taxe payée par une personne37(*). En effet, c'était un supplément souple en rapport avec le raidissement des méthodes coloniales qui étaient observées auparavant et qui relevaient du travail forcé. Il n'était pas exclu qu'en 1952, ce travail forcé existerait encore par suite du poids excessif des impôts38(*). En effet, le taux de fixation de l'impôt personnel indigène s'est accru de manière exponentielle comme l'indique le tableau qui suit: Tableau n°2 : Evolution de l'impôt personnel indigène 1950-1957.
Source : Réalisé sur la base des données tirées des Rapports Annuels de l'ONU. L'institution des impôts coloniaux amène donc de nombreux enfants à s'enrôler. Ceux qui ne peuvent pas payer sont mis de force au service des patrons ou d'entreprises qui se chargent de payer à leur place, pour obtenir une compensation à travers le travail des ces corvéables à merci. Parmi ces masses enrôlées, on compte des jeunes de moins de quinze ans39(*). D'autant plus que : `'La plupart des chefs coutumiers faisaient payer l'impôt aux jeunes dès l'âge de treize ans''40(*). De quelle manière les enfants verseront-ils l'impôt? C'est alors que ceux qui prouvaient l'incapacité de verser l'impôt étaient victimes de réquisition. Le régime de réquisition est défini comme étant : `'Une procédure qui autorisait l'administration à contraindre un particulier de lui offrir ses prestations''41(*). L'impôt avait ici un double rôle : trouver les moyens pour réaliser les travaux publics et résoudre l'épineux problème de la main-d'oeuvre. On parle donc de rachat de prestations car l'on savait que beaucoup d'indigènes n'avaient pour moyens de payer l'impôt que leur force de travail. Le tableau suivant illustre parfaitement notre propos 42(*): Tableau n°3 : Nombre de prestataires convoqués à dix journées de travaux.
Source : Badjang Nken Martin, `' Les impôts directs et leurs conséquences socio-économiques au Cameroun sous mandat français : le cas de la subdivision de Yaoundé et du lamidat de Ngaounderé'', mémoire de maîtrise en histoire, université de Yaoundé, 1981, p.19. A travers une lecture pertinente et analytique de ces données, il est visible que le nombre de prestataires convoqués pour la réalisation des travaux d'entretien et de construction des infrastructures dans la ville de Yaoundé est de 7.300. Ce chiffre est certes important et dévoile le réel problème de la main-d'oeuvre. Par ce genre de prestations, il était donc question de résoudre ce problème. Mais le prix à payer reste donc la mise au travail des enfants. Parallèlement à cette situation et sur l'aspect social, une tradition de confiage basée sur la mise en apprentissage a largement contribué à la mise au travail des enfants. * 34 _ A.F. Dikoumé, `'Les travaux publics au Cameroun sous administration française de 1922 à 1960 : mutations économiques et sociales'', thèse de doctorat en histoire, université de Yaoundé I, 2006, p.54. * 35 _ Ibid, p.197. * 36 _ ANY, APA 10782, Recrutement de la main-d'oeuvre 1949-1952. * 37 _ Cet impôt est encore appelé impôt par tête ou impôt personnel indigène. * 38 _ ANY, APA10778/B, 190cf/cc, Office de la main-d'oeuvre, 14 avril 1952. * 39 _ S. C., Abéga, et al. La traite des enfants à des fins d'exploitation de leur travail au Cameroun, Yaoundé, BIT-IPEC-LUTRENA, 2005, p.54. * 40 _ ANY, APA 1971, Conférences des affaires sociales, 1954. * 41 _ L. Djuimukam, `'La main-d'oeuvre infantile dans le Littoral et l'Ouest du Cameroun de 1884 a 1960'', mémoire de maîtrise en histoire, université de Yaoundé I, 2008, p.33. * 42 _ M., Badjang Nken, `' Les impôts directs et leurs conséquences socio-économiques au Cameroun sous mandat français : le cas de la subdivision de Yaoundé et du lamidat de Ngaounderé'', mémoire de maîtrise en histoire, université de Yaoundé, 1981, p.19. |
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