L'amour comme paradigme de la morale chez Vladimir Jankélévitch( Télécharger le fichier original )par Marios KENGNE Grand séminaire Paul VI-Philosophat de Bafoussam - mémoire de fin de cycle 2002 |
2. L'influence de la deuxième guerre mondialeCette influence de la deuxième guerre mondiale sur la pensée de Vladimir Jankélévitch découle de son engagement dans la Résistance de 1939 en France. La Résistance de 1939 est l'action menée dans la clandestinité en France et en Europe par divers réseaux et organisations pour lutter contre l'occupation allemande durant la deuxième guerre mondiale. Habitant alors Paris, Jankélévitch se verra contraint de s'enfuir à Toulouse en 1940 avec sa famille, parce qu'étant révoqué par les lois antisémites du régime de Vichy. Ce gouvernement de Vichy, connu sous le nom d'Etat français, dirigea la France pendant la deuxième guerre mondiale. Il est orienté vers une politique de l'exclusion et de la discrimination. Ainsi, tous les Juifs étaient privés de la fonction publique, de l'éducation, du cinéma et de la presse, ainsi que de nombreux milieux publics. Vladimir Jankélévitch est, lui aussi, victime de cette politique de l'exclusion. Il est profondément marqué par la guerre et à plusieurs niveaux : Au niveau de sa vie privée, il est victime d'un grand pillage : « La guerre a coupé ma vie en deux. Il ne me reste rien de mon existence d'avant 1940, pas un livre, pas une photo, pas une lettre.»5(*) Bien qu'il fût un jeune universitaire très brillant, il est écarté de l'enseignement pendant un temps. Au niveau culturel et intellectuel, il va rejeter la culture allemande car il a en mémoire les tristes souvenirs de l'Allemagne nazie : « J'ai répudié à peu près toute la culture allemande, j'ai oublié la langue allemande. Je sais bien que c'est le côté passionnel de mon existence. Mais quelque chose d'innommable s'est passé, qui m'a concerné dans mes racines. C'est un hasard si je n'ai pas été anéanti. »6(*) Telles sont les raisons qui justifient l'horreur que Jankélévitch éprouve à l'égard des crimes nazis. Il se trouve isolé non seulement de ses collègues (à l'instar de Lacroix), mais aussi de ses étudiants. Ses ouvrages en pâtissent aussi car même la maison d'édition (Flammarion en l'occurrence) qui publiait ses ouvrages le dédaigne ; aucune revue ne s'intéresse ni à sa personne propre ni à ses ouvrages : il est entièrement ignoré. Dès lors, Jankélévitch conçoit la guerre comme un événement malheureux qui dépend entièrement de la volonté humaine et qui entre en contradiction avec la moralité : « La guerre, malheur voulu par les hommes, non point fléau en soi, satisfait cet instinct du non-être, de la laideur, de l'étroitesse et de la négation, qui est un profond instinct ésotérique de l'homme »7(*) Par ailleurs, la guerre apparaît pour Jankélévitch comme une humiliation pour les êtres de raison que sont les hommes : « C'est la honte de l'homme moderne que la guerre tienne lieu d'éthique, dans la religion générale de la jouissance sans frein. C'est qu'il y a dans l'éthique de la guerre une sorte de monstrueux vertuisme, l'idée que la paix est dégradante, avilissante, efféminante, et qu'elle porte ombrage au destin. »8(*) Cette situation fait que Jankélévitch mène une existence toute orientée vers les questions d'ordre moral. Sa vie elle-même en est profondément marquée. Dans ce combat, il privilégie la morale à tout autre chose ; sa vie est la manifestation du primat absolu de la morale sur toute autre instance. * 5 _BEAUDUC L., Une vie en toute lettre, Liana Lévi ,http://philo_be-vladimir Jankélévitch à travers le pardon.htlm. * 6 _ Ibid. * 7 _ JANKELEVITCH V., L'austérité et la vie morale, Paris, Flammarion, 1956, p. 6. * 8 _ Ibid., p. 7. |
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