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Sagesse et pouvoir. une herméneutique du pouvoir

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par Antoine BASUNGA Nzinga
ITCJ - Baccalauréat canonique en théologie 2010
  

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· 3. Vers la Sagesse du pouvoir

Il s'agit ici d'une reprise de l'affirmation de Sg 6, 3, à savoir tout pouvoir vient de Dieu. Si nous admettons que Dieu est au commencement de toutes choses, il serait absurde de ne pas reconnaître qu'il est fondement de tout pouvoir. Notre Dieu est un Dieu de l'ordre, et l'ordre conduit à Dieu. Egal en bonté envers toutes ses créatures, les humains en particulier, Dieu poursuit son oeuvre de création en collaborant pleinement avec les hommes et les femmes de bonne volonté. Le pouvoir que Dieu accorde aux rois, nous l'avons souligné, répond à une aspiration profonde : Dieu nous a créés pour le bonheur. Aussi couronne-t-il des rois afin qu'ils soient, sous son regard, de vrais régulateurs dans l'accomplissement du « déjà-là » de ce bonheur, en rendant possible l'épanouissement général des peuples.

La vision de l'homme qui se dégage du Livre de la Sagesse, ne reconnaît pas en lui l'origine du pouvoir : Le pouvoir est un don du créateur. L'homme, c'est Dieu qui l'a façonné depuis le sein maternel. L'homme n'est pas le fruit du hasard. Dieu se soucie de lui et prend continuellement soin de lui. L'homme doit obéissance à Dieu son créateur, qui est la lampe de ses pas. Dieu a un projet pour ses créatures, projet auquel il fait participer toute la création. La création, qui, toute entière converge vers « le bien ultime ». Ce bien n'est pas utopique ; il est un « projet » à réaliser hic et nunc dans l'ordinaire de nos activités, c'est-à-dire, dans la gestion de nos pays, villes et cités, comme le préconise la théologie de l'espérance de Moltmann.

En effet, Moltmann36(*) maintient que l'eschatologie concerne « l'avenir ultime », contrairement aux auteurs qui font de la réalité eschatologique un déjà-là, éternellement présent, au détriment de la force opératoire dans l'histoire présente, de l'avenir promis par Dieu. Seulement cette force opératoire doit infléchir le cours de l'histoire et investir toute la vie des croyants. Ainsi, tout divorce entre la foi et l'engagement dans le monde de Dieu et la terre des hommes, entre la théorie et la praxis, sera évité. L'eschatologie concerne en même temps un « déjà là », « un pas encore », et confie à l'homme la responsabilité, sous le regard de Dieu de continuer à travailler pour un monde meilleur37(*). Une attitude de prière et d'humilité, à l'instar de celle du roi Salomon, nous permet d'accéder à la Sagesse qui nous guide dans la réalisation de ce projet, et nous comble déjà de bonheur, en prélude à la réalisation des promesses eschatologiques.

La Sagesse, il faut la rechercher, car elle se laisse trouver par ceux qui la désirent. La Sagesse est présente en nous, mais elle est en nous comme un édifice à construire, un don à faire fructifier sous le regard de Dieu. La Sagesse imprime en nous le désir de la réussite et le désir d'accomplir le bien. Dans une cohérence profonde de soi avec soi, la Sagesse nous unifie en nous identifiant à Dieu. Comme un être qui tâtonne dans l'incertitude, l'homme peut manquer de Sagesse et faire un mauvais choix qui le conduit sur le chemin de la perdition. Il peut être l'objet d'une crise spirituelle qui lui fait remettre tout en question. Confusion et obscurité s'ensuivent au sujet de nombreuses questions existentielles, notamment celle du pouvoir qui nous occupe ici. L'affirmation que tout pouvoir vient de Dieu peut, sans l'ombre d'un doute, prêter à équivoque. Mais sa mise en question a souvent pour origine un désir malsain de se dérober du regard de Dieu38(*). Une telle dérobade peut être imputée soit aux rois soit aux peuples.

De la part des rois, elle peut naître de leur volonté de puissance. Des graves dictatures du genre de celles dont le monde actuel nous livre le spectacle, en sont la conséquence. Quand c'est le peuple qui refuse de reconnaître que l'origine du pouvoir est en Dieu, une anarchie mortelle peut s'en suivre. L'histoire politique mondiale en donne de nombreux témoignages. Par contre, quand il est mené sous le regard de Dieu, le jeu politique peut contribuer au bonheur du peuple tout entier. Les fruits tangibles en sont la paix, au-delà de la seule absence de guerre et la bonne gouvernance, avec tout ce qu'elle apporte, avant tout l'établissement d'une société juste.

Notre vie, inévitablement, est traversée de tensions : nous devons faire des choix, établir des priorités. Ces tensions ne peuvent être résorbées pae ce que nous percevons à l'aide de nos organes sensoriels, à savoir les yeux, les oreilles, la peau, la langue, le nez. Bref, la tension est toujours-et-déjà-là, nous devançant dans notre détermination. Pourtant le discernement et la bonne gestion du pouvoir et de nos personnes restent possibles. L'Homme n'est pas le prisonnier de son monde, mais reste ouvert à la transcendance. Dans toute entreprise, la Sagesse sous le regard de Dieu est la condition d'efficacité. Il n'est pas étonnant que l'histoire politique ait constamment remis en question le principe que le fondement du pouvoir est en Dieu39(*). Aujourd'hui encore la question est posée avec acuité. Les différentes démocraties, plus au moins déguisées, du 21e s, préfèrent se confier au pouvoir des armes.

Les abus de pouvoir, dans la gestion politique des choses du monde actuel, nous confrontent à la question de savoir : quel est le socle vitalisant sur lequel se fonde le pouvoir aujourd'hui ? Serait-ce sur le consensus40(*) humain ? Le Livre de la Sagesse de Salomon nous rappelle que le véritable fondement du pouvoir est en Dieu, qui nous préserve de toutes les perversions qui ont pour cause, le manque des repères dans l'exercice du pouvoir. Ces perversions ont élu domicile dans le fonctionnement de l'appareillage politique africain. Fonder le pouvoir autrement qu'en Dieu n'en augmente aucunement l''emprise. Au contraire, reconnaître que Dieu est la source de tout pouvoir est une exigence fondamentale pour un monde qui s'épuise dans une quête de paix sans repères divins qui lui sont fournis.

* 36 _ C'est ainsi que Claude Geffré comprend la théologie de l'espérance de J. Moltmann. Cf. C. Geffré, Un nouvel Age de la théologie. Paris, Cerf, 1972, pp.104-112.

* 37 _ Cf. Contemplation pour parvenir à l'amour. Exercices Spirituels n° 230.

* 38 _ Dans l'histoire de la Bible nous savons bien que les sujets doivent au roi une entière obéissance (Sg 6,6 ; Dt 17, 12 ; Rm 13, 1-2). Il n'y a qu'une exception à l'obéissance qu'on doit au roi, c'est quand il commande contre Dieu (Mt 22,21 ; 1P 2,13 ; Eph 6,5 ; Col 3, 22).

* 39 _ Telle la thèse contractuelle qui a constitué l'arsenal argumentaire du politique classique du 16ème siècle (Cf. Hobbes, Machiavel...)

* 40 _ La question ne voudrait pas mettre en branle tous les travaux de grands théoriciens de l'éthique du dialogue du 20e s. Nous sommes bien conscient de leur contribution dans la gestion politique mondiale. La question se pose plutôt au niveau de ce qui imprime le caractère sacré à un tel « consensus » qui ne devrait une simple factualité.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984