· 2. La
réinvention de la culture du bien commun
· 1. Notre approche du bien commun
Le bien commun comme nous l'entendons, va au-delà du
« bien de la communauté » (cette somme des biens
privés et publics, matériels et moraux pour la
prospérité d'une société donnée) et s'ouvre
à la « communauté du bien » (cette forme
universelle) c'est-à-dire un bien qui dépasse la simple
satisfaction des besoins des membres dans une communauté encore close et
les adjoint, dans leur désir de l'être universel qui est en
l'Homme plus profond encore que tout désir égoïste. Au
niveau de l'universel, la prospérité que procure la
communauté du bien transcende les simples jouissances de l'avoir
collectif (le bien de la communauté) et comble ce désir qui vit
au plus intime de chaque individu, et le constitue en personne. A ce niveau,
on ne saurait plus dire de façon simpliste que
« l'intérêt général prime
l'intérêt particulier ». Tous et chacun, en tant que
communauté, doivent se mettre au service les uns des autres, pour le
plus grand bien de tous et de chacun. C'est pourquoi toute autorité qui
nie et viole les droits d'un individu se nie et se détruit
elle-même86(*), tous
étant constitués par « la même chair87(*) ». Le bien commun
est essentiellement un bien moral qui « demeure commun car
indivisible et parce qu'il n'est possible qu'ensemble de l'atteindre, de
l'accroître et de le conserver »88(*). Au-delà du
débat concernant le libéralisme, qui considère que la
liberté individuelle établit une tension continuelle entre les
principes universels et les intérêts particuliers, nous voulons
saisir le bien commun selon la perspective du magistère de l'Eglise, qui
conjugue la dialectique entre la personne humaine en tant qu'individu et la
communauté comme lieu de sa socialité éthique.
C'est dans ce sens que Léon XIII écrit : « Le
Bien est le principe créateur et l'élément conservateur de
la société... ce Bien commun est après Dieu, dans la
société, la loi première et
dernière »89(*). Pour Jean XXIII, le bien commun est
« l'ensemble des conditions sociales permettant à la personne
d'atteindre mieux et plus facilement son
épanouissement »90(*). S'efforçant de maintenir l'équilibre
entre société et individu, Jean XXIII considère que le
bien commun « embrasse l'ensemble des conditions de vie en
société qui permettent à l'homme d'atteindre sa perfection
propre de façon plus complète et plus
aisée »91(*). Selon ces différentes approches, le bien
commun réunit « tout ce qui existe d'institutions, des
règles juridiques et administratives, d'habitudes de vie et de
pensée qui font que les biens spirituels et temporels de la
communauté sont attribués à chaque groupe et à
chaque personne »92(*). C'est pourquoi, la réinvention de la culture
du bien commun en Afrique doit établir un équilibre qui englobe
tout ce qui perfectionne la nature humaine, l'achève, l'épanouit.
Il s'agit d'aller au-delà de toute vision matérialiste qui
pourrait « transformer le bien commun en simple bien-être
socio-économique, privé de toute finalisation transcendante,
c'est-à-dire de sa raison d'être profonde »93(*).
* 86 _ G. Fessard,
Autorité et Bien Commun, Paris, Aubier, 1944, pp. 51-66 ;
Cf. Les Annales de l'Académie d'éducation et d'Etudes Sociales
(A.E.S), Immigration et bien commun, Paris, François-Xavier de
Guibert, 2005-2006, pp. 205-207.
* 87 _ Merleau Ponty Le
visible et l'invisible, Op., Cit., p. 302. Le concept de
« chair » chez M. Ponty renvoie au fait que, toute
l'humanité est tissée de la même
« chair », « un tissu commun » qui,
fondamentalement, nous porte dans un « sentir
d'ensemble ».
* 88 _ Cf. Compendium de la
doctrine sociale de l'Eglise, n° 164.
* 89 _ Léon XIII, le
3 mais 1892. Cité par Gaston. Fessard. Cf. G. Fessard,
Autorité et Bien Commun, Paris, Aubier, 1944, p.52.
* 90 _ Jean XXIII,
Mater Magistra, n°65.
* 91 _ Jean XXIII,
Pacem in Terris, n° 58 ; Vat.II, GS., n°26.
* 92 _ Sevaistre, Olivier,
« Nation et bien commun », dans Le Supplément,
Revue d'Ethique et Théologie Morale, Volume 41, n° 167 (1988),
pp. 59-65.
* 93 _ Les Annales de
l'Académie d'éducation et d'Etudes Sociales (A.E.S),
Immigration et bien commun. Op., Cit., pp. 206-207.
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