· 2. La
dignité de l'Homme dans l'enseignement social de l'Église
Nous voulons, avant d'entrer dans le vif du sujet,
éclaircir le concept de dignité humaine selon la vision de
l'Église. Qu'entend-on par « dignité
humaine » ? La dignité inhérente à la
personne humaine ne se définit qu'à partir de la conception
même que l'on se fait de l'Homme55(*). Le modèle de l'Homme que l'Église
propose à partir de la révélation est riche de sens. Non
seulement l'homme a été « créé à
l'image de Dieu mais aussi Dieu l'a institué seigneur de toutes les
créatures terrestres pour les dominer et s'en servir » (GS
12). L'homme de la révélation chrétienne est tiré
de la solitude dès la création. Il est fondamentalement
« un être avec » malgré le mystère du
mal qui l'affecte tant comme individu qu'à travers lui, dans les
structures sociales qu'il institue. Le péché est le signe de
la profonde misère au coeur même de la sublimité de la
vocation humaine (GS 13). L'Homme est considéré dans son
ensemble, il est vraiment un, il est son corps et son âme (GS14). Il est
en même temps esprit et intelligence, capable de découvrir
l'invisible et rechercher l'amour de l'absolu (GS 15). L'homme est donc une
conscience libre, responsable des actes dont il devra se justifier devant Dieu
(GS17) qui est la visée ultime de sa vie (GS 18). En ce sens,
« Tous les hommes, doués d'une âme raisonnable et
créés à l'image de Dieu, ont même nature et
même origine ; tous, rachetés par le Christ, jouissent d'une
même vocation et d'une destinée divine : on doit donc, et
toujours davantage, reconnaître leur égalité
fondamentale » (GS 29). Van Parys56(*) définit la dignité comme un sentir
« personnel » qui peut s'exprimer de manières bien
différentes. Ce sentir est présent et actif chez tous les hommes
et chez toutes les femmes de notre temps, savants comme illettrés. Que
ce sentir s'exprime dans la politesse ou les manières de table, dans
l'attitude face au pouvoir ou au corps social, dans le refus de l'oppression ou
dans la revendication sociale, il n'est pas d'Homme en possession de
lui-même chez qui ce sentir ne s'exprime.
Dès lors, la dignité en laquelle on croit,
implique non seulement le refus de toute différence naturelle entre les
personnes unies dans l'image de la « famille humaine » mais
aussi l'égalité des droits, qui découle directement de
cette égalité originaire. Dans la pensée de l'Eglise comme
dans le Préambule de la Déclaration Universelle des Droits de
Homme, l'on retrouve les traces de la sagesse qui jaillissait
déjà de la conscience du roi Salomon qui se reconnaissait en tant
que foncièrement égal ou encore identique de nature à tous
les hommes (Sg 7,1-6).
* 55 _ Cf. H. De Decker,
« Quelque réflexions sur Justice et Paix ».
Dignité humaine en Afrique. Hommage à Henry De Decker.
In Cahier de l'UCAC, n°1 (1996), Yaoundé, Presses de
l'UCAC, pp. 61-63.
* 56 _ J.M. Van Parys,
Dignité et droit de l'homme. Recherches en Afrique,
Kinshasa, Loyola, 1996, pp. 24-27.
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