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L'arbitrage ohada à l'épreuve de l'arbitrage investisseur-etat

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par Cassius Jean SOSSOU
Université de Genève Faculté de Droit et Hautes Etudes Internationales et du Développement - Master of Advanced Studies in International Dispute Settlement (MIDS) 2008
  

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2.- Propositions

217. Les propositions que nous formulerons ici tendent à s'inspirer de la pratique en la matière observée dans d'autres sphères géographiques.

218. Selon le postulat de base qui a justifié la codification du droit des immunités en Australie et dans la plupart des pays anglo-saxons, il y a des liens entre le droit des immunités, la finance et le commerce international qui ne sont plus à démontrer. La participation croissante des Etats à ce type d'activités multiplie les contacts entre eux et les particuliers, et donc le risque de litiges. Ceux-ci ne peuvent être résolus que par les juges nationaux qu'à la condition que les Etats puissent être soumis à la juridiction des tribunaux des autres Etats ou tout au plus, à la compétence d'une juridiction arbitrale internationale. Ceci dit, un système juridique adhérant à la conception absolue de l'immunité et dont les règles ne sont pas claires, décourage ses investisseurs de nouer des contacts avec les Etats étrangers et donc les empêche, dans une certaine mesure, de participer au commerce international. Ces mêmes raisons ne favorisent pas non plus les investissements étrangers dans le pays. Cette constatation de base s'applique également à la zone OHADA où les juges se doivent de revoir les règles d'interprétation et d'application du principe des immunités.

219. Loin de nous l'idée d'un abandon total de l'application du principe de l'immunité d'exécution, vertu de sauvegarde de la souveraineté de la puissance étatique, mais plutôt l'esprit de discernement doit préluder à toute application dudit principe, comme cela se fait déjà dans d'autres systèmes juridiques à l'instar de la France, de l'Angleterre, des Etats-Unis et de la Suisse. En effet, dans l'hypothèse d'une sentence arbitrale d'investissement OHADA ou hors contexte OHADA dans laquelle un Etat-membre se trouverait condamné, l'application discernée du principe de l'immunité d'exécution, par le juge saisi d'une demande d'exequatur à l'encontre de ladite personne morale de droit public, accroîtrait la crédibilité de l'arbitrage OHADA et le mettrait en phase avec ses objectifs. Pour ce faire, le juge saisi doit distinguer entre acte de service public et acte de gestion de la personne morale en cause, avant de donner droit à tout exequatur. Il s'agira pour le juge saisi, d'abandonner l'application quasi absolue du principe pour s'en remettre à une application discernée, c'est-à-dire restrictive, sur la base de la qualification de la nature de l'acte accompli par l'entité public en cause. Aussi la tâche lui serait facilitée si, les promoteurs du droit OHADA des affaires peuvent orienter leur réflexion dans le sens de l'élaboration et de l'adoption d'un Acte Uniforme relatif aux immunités juridictionnelles, qui définiraient la problématique et les contours d'un tel droit. Les conditions de restriction des immunités pourront être clairement spécifiées dans un tel Acte Uniforme à l'instar de la Foreign Sovereign Immunities Act du 21 octobre 1976 des Etats-Unis, de la State Immunity Act du 20 juillet 1978 en vigueur au Royaume-Uni, de la European Convention on State Immunity du 16 mai 1972 en vigueur dans les pays européens partis à ladite convention, et bien d'autres encore195(*). Notons qu'en France l'application restrictive de la théorie de l'immunité de juridiction et d'exécution est de source jurisprudentielle. Comme le rappelle si bien Gaston KENFACK DOUAJNI196(*), c'est le système juridique français qui est l'inventeur de la distinction entre actes publics ou administratifs et actes privés197(*) ; distinction grâce à laquelle on peut aujourd'hui restreindre l'immunité d'exécution des Etats et autres personnes morales de droit public, dans un souci de promotion et de protection des investissements198(*).

220. Le besoin de codification dans ce domaine connexe du droit des affaires est d'autant plus pressant, qu'il urge pour l'OHADA d'adopter des dispositions normatives en la matière, qui feront état de solutions claires à la problématique de l'immunité aussi bien d'exécution que de juridiction et, du coup, attractives de l'investissement étranger. Ainsi, Pour y arriver, l'exemple de la «Tate Letter«199(*), qui favorise la théorie de l'application restrictive de l'immunité souveraine des Etats, peut servir de référentiel à une telle codification.

221. En conclusion, l'OHADA ayant vocation à promouvoir et protéger les investissements à travers la sécurisation juridique et judiciaire des activités économiques dans ses Etats-partis, il est possible et même nécessaire que l'immunité d'exécution des Etats et autres personnes morales de droit public soit restreinte dans l'espace OHADA ; ce qui n'est malheureusement pas le cas actuellement200(*).

* 195
_
Nous faisons allusion ici du Singapour qui a sa State Immunity Act du 26 octobre 1979, du Pakistan avec sa State Act Immunity Ordinance de 1981, l'Afrique du Sud avec sa Foreign Sovereign Immunity Acts du 6 octobre 1981, du Canada avec sa Canadian Bill on State Immunity du 15 juillet 1982.

* 196
_
Gaston KENFACK DOUAJNI, opt., cit., P. 10.

* 197
_
Catherine KESSEDJIAN et Michel COSNARD in «Les immunités de juridiction et d'exécution«, Rapport établi en juin 1995 à la demande du Ministère français de la Justice P. 2, adde Dominique CARREAU et Patrick JUILLARD «Droit International Economique« 4e éd. LGDJ n° 937 P. 368.

* 198
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Gaston KENFACK DOUAJNI, opt., cit., P. 9.

* 199
_
Dans la perspective d'harmoniser les divergences observées dans l'application de la théorie de l'immunité juridictionnelle, le Conseil Juridique du Département de Justice américain informa en 1952 sa hiérarchie dans une communication appelée «Tate Letter« que dorénavant le département d'Etat favoriserait une application restrictive de la théorie de l'immunité de l'Etat souverain. Cette théorie recommande le bénéfice de l'immunité dans les cas impliquant une autorité souveraine pour des actes publics commis (jure imperii) ; un tel bénéfice est exclu au cas où l'Etat souverain est impliqué dans des actes commerciaux, actes de nature à être accomplis par une partie privée (jure gestionis).

* 200
_
Gaston KENFACK DOUAJNI, opt., cit., P. 10.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld