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L'arbitrage ohada à l'épreuve de l'arbitrage investisseur-etat

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par Cassius Jean SOSSOU
Université de Genève Faculté de Droit et Hautes Etudes Internationales et du Développement - Master of Advanced Studies in International Dispute Settlement (MIDS) 2008
  

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b.- La notion d'intérêt public : fondement de la différence entre arbitrages d'investissement et arbitrages commerciaux

165. De façon basique, comme nous l'avons déjà souligné, les arbitrages d'investissements diffèrent substantiellement des arbitrages commerciaux qui n'impliquent uniquement que des parties privées. En effet, les premiers induisent la protection des intérêts publics ce qui n'est pas le cas dans les arbitrages commerciaux privés. Or cette protection des intérêts publics passe par un certain nombre de fondamentaux pour lesquels l'investisseur privé, la plupart du temps, dans sa relation contractuelle avec l'Etat se trouve en porte-à-faux avec les intérêts publics de ce dernier. Ainsi, la nécessité pour l'Etat de protéger les intérêts publics dans un arbitrage d'investissement peut résulter des réalités qui suivent :

166. Dans un premier temps, il est à remarquer que les conflits surgissent la plupart du temps dans des secteurs de service public vitaux, très sensibles et relatifs au bien être des populations tels que la fourniture d'eau, le pétrole et le gaz, l'électricité, l'évacuation des déchets, le transport et les télécommunications. Le seul fait de la présence dans un arbitrage d'une entité étatique, et plus précisément d'un Etat en tant qu'autorité souveraine dépositaire de la puissance publique, soulève des questions d'intérêt public dans la mesure où les citoyens de cet Etat peuvent estimer être investi du droit d'information sur le déroulement des opérations d'arbitrage et des résultats auxquels ils aboutiront. Ceci les intéressent à plus d'un chef dans la mesure toutes les questions liées aux principes régissant les droits de l'homme et la bonne gouvernance des activités de l'Etat impliqué dans la procédure et pour lesquelles le tribunal arbitral aura à se prononcer se doivent d'être assujettis aux principes élémentaires de transparence et de participation publique. Dans ces conditions il est difficile de ne pas voir un fort intéressement de la population à ce que les contestations dans ces domaines critiques soumises à l'arbitrage OHADA soient résolues de façon à ce que leurs doits sur ces services publics ne soient altérés. D'où la corrélation entre l'existence de cet intérêt public et les implications sur la conduite de l'arbitrage.

167. En un second lieu, dans les arbitrages d'investissements il est souvent allégué la mauvaise conduite de l'Etat pour justifier le déclenchement de la procédure prévue à cet effet. Ainsi, ces arbitrages sont de plus en plus enclins à résoudre des contestations d'investisseurs privés avec comme toile de fond la remise en cause des mesures réglementaires prises par les Etats pour protéger le bien-être public de sa population pour peu que ces mesures affectent directement ou indirectement la valeur de l'investissement. De telles mesures peuvent inclure la législation relative aux droits humains, les réglementations sur la santé et la sécurité, celles sur les droits du travail, les droits relatifs à la protection environnementale. Ici aussi, les arbitrages d'investissements sont susceptibles d'avoir des répercussions sur ces droits y compris le bien-être des personnes et communautés du lieu de l'investissement. On en revient pratiquement à la même conclusion ici aussi comme quoi, il serait impossible de ne pas y voir l'intérêt public qui peut susciter l'engouement de la population et subséquemment sa participation.

168. Troisièmement, tout arbitrage investisseur-Etat a des conséquences sur le budget public de l'Etat ceci d'autant plus qu'il engage dans une large mesure la responsabilité financière de l'Etat affectant de ce fait la trésorerie de cet Etat dans la mesure où c'est le budget de l'Etat qui s'en trouve conséquemment affecté. Ainsi, les coûts qu'induit la défense des intérêts de l'Etat dans un tel arbitrage sont considérables mettant ainsi en péril les fonds publics de l'Etat qui autrement seraient affectés à la réalisation d'autres objectifs à caractère public. Mieux, la condamnation de l'Etat par un arbitre dans un arbitrage investisseur-Etat emporte généralement le paiement de sommes astronomiques grevant ainsi le budget de l'Etat.

169. Conclusion, personne ne peut supporter l'idée selon laquelle la participation étatique à un arbitrage d'investissement dans les conditions ci-dessus énumérées peut légitimement avoir lieu sans qu'aucune transparence ou opportunité de participation publique soit envisagée. Pourtant la transparence et la participation publique est ce qui doit ou typiquement ce qui se doit d'être fait dans un arbitrage d'investissement sous les auspices du droit OHADA dans l'hypothèse où une question ou tout autre est soumise à un panel arbitral. En effet, dans un arbitrage international d'investissement conduit sous les auspices de la CCJA telle qu'elle se présente actuellement, manquerait un des éléments fondamentaux qui caractérisent l'arbitrage d'investissement. Par exemple il serait impossible pour le public et même les autres Etats (non impliqués) de savoir qu'une demande d'arbitrage a été enregistrée, d'être informé de la nature de la question de fond soumise à la décision du panel arbitral, de suivre par souci d'intérêt les arguments oraux et écrits soumis par les parties à l'arbitrage, d'être mis au courant des décisions des arbitres sur les questions procédurales mais aussi du contenu de la sentence arbitrale.

170. Le secret entourant tout arbitrage privé commercial et qui est aussi observable dans l'arbitrage OHADA se doit de faire place au respect de la transparence et de la participation publique. L'arbitrage commercial impliquant les parties privées, au contraire, ne se soucie guère de l'importance de la notion d'intérêt public et donc par définition ne vise pas l'Etat et son patrimoine, c'est pour cette raison que cette revue ne s'intéressera qu'aux aspects du Règlement OHADA dans l'hypothèse de son application aux différends du contentieux de l'investissement et non à l'arbitrage privé commercial.

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