SECTION II : RESULTATS SOUS CIBLE D'INFLATION :
PRESENTATION ET ANALYSES
L'estimation de la fonction d'offre et l'optimisation de la
fonction de perte permettent de dériver la règle sous le
régime de ciblage du taux d'inflation.
II.1- La courbe de Phillips : estimation et
analyses
C'est une fonction d'offre globale de court terme, d'inspiration
néo classique, représentée par une courbe de Phillips avec
persistance et illustrant le fonctionnement d'un
régime visant la réalisation de cibles d'inflation
(nt) ou de niveau des prix (pt) dans laquelle
l'écart de production est généré par
l'équation :
Yt = PYt-i + a(nt -- Et-int) + Et (2.3)
Yr représente l'écart de
production à la période t, p mesure le degré de
persistance
de l'écart de production (0 < p < 1).
nt = pt -- pt-i mesure le taux d'inflation à la
période
23 Seulement, pour des raisons de commodité et
de simplification du modèle, l'output gap est considéré
dans la suite comme un processus AR(1) comme dans la plupart des
études.
t, avec pt étant le log du niveau des prix ; Et-int
traduit l'anticipation rationnelle du taux
d'inflation, compte tenu de l'information disponible à
la période précédente. Le paramètre a exprime la
vigueur de la réaction de la production à une variation
inattendue de l'inflation
(a>0).
Pour apprécier l'inflation anticipée, le
principe d'ajustement partiel du taux passé est adopté ainsi que
le fait Ténou (2002) dans ses travaux sur la règle
monétaire dans l'UMOA : l'inflation anticipée peut être
décrite comme une équation d'ajustement partiel du taux
d'inflation passé suivant la relation :
Et-int = gnt-i + (1 --g)n* (2.4)
g est un paramètre mesurant la
crédibilité de l'objectif d'inflation (n*).
L'équation (2.4) signifie que les agents économiques anticipent
que l'inflation future est une moyenne pondérée de l'objectif
d'inflation fixé et de l'inflation passée. g peut prendre deux
valeurs extrêmes : 0 et 1.
Une valeur de g = 0 signifie que l'objectif d'inflation,
explicite ou implicite, est crédible. Dans ce cas, l'équation
(2.4) s'écrit :
Et-int = n* (2.5)
A contrario, une valeur de g = 1 implique que l'objectif
d'inflation n'est pas réalisé, ni crédible.
L'équation (2.4) s'écrit dans ce cas :
Et-int = nt-i (2.6)
A l'instar de Ténou (2002) et d'autres encore,
l'hypothèse que les agents économiques de l'UMOA sont convaincus
de la capacité de la BCEAO à limiter l'inflation à son
niveau objectif est posée. Entre autres arguments favorables, le niveau
relativement modéré de l'inflation dans les pays de l'UMOA sur la
période d'étude, dans le cadre de la gestion prudente de la
monnaie, justifie cette hypothèse. Dans ces conditions, g = 0 et
Et_int = ff*. En d'autres termes, l'inflation
anticipée est égale à l'objectif d'inflation24.
En remplaçant Et_int par sa valeur dans l'équation (2.4), il s'en
suit :
Yt = PYt-i + a(1~-1*)+ Et (2.7)
Compte tenu de la cible communautaire établie à
3%, l'équation est estimée par la méthode Moindres
Carrés ordinaires, complétée de l'option «
robust » afin de corriger éventuellement les
t-Student de l'hétéroscédasticité des
erreurs. Les résultats de l'estimation sont consignés dans la
table 1 en annexe III et se résument ainsi :
outputgapt = 0.9434 (outputgapt_i) + 0.0352 (ecartinfglist)
(32.89) (1.37)
F (2, 55) = 615.54 Prob (F) = 0.0000
o. = 0.00926
Durbin-Watson d-statistic (2; 57) = 1.715023
|
Les chiffres entre parenthèses indiquent les
statistiques de Student associées aux coefficients auxquels elles se
rapportent. Avec un risque de première espèce de 5%, le
coefficient régresseur lié à l'écart de production
retardé est significativement non nul : il est rejeté
l'hypothèse nulle de l'estimateur p. Les caractéristiques
attendues du paramètre estimé sont bien observées pour la
formation de l'écart de production dans l'UMOA : la courbe de Phillips
avec persistance est donc caractéristique de la fonction d'offre de
court
terme dans les pays (0 < p = 0.9434 < 1). Par ailleurs,
le paramètre a exprimant la
vigueur de la réaction de la production à une
variation inattendue de l'inflation s'est
révélé significativement nul : l'hypothèse de
nullité du paramètre ne peut être rejeté,
nonobstant
le respect de la condition de positivité (a = 0.0352
> 0). Le faible poids de ce coefficient
estimé traduit en effet une faible
réactivité des agents à une variation du taux de
l'inflation
24
Depuis Janvier 1997, la norme communautaire fixée comme
l'objectif cible d'inflation (valeur maximale) est de 3%. Cette valeur a
été confirmée pour la période d'étude.
dans l'espace. Ceci appelle assurément des implications
de politique monétaire à envisager dans la suite. La
qualité globale de l'estimation est acceptable au regard du test de
Fischer ; le test de Durbin Waston rejette la présence d'auto
corrélation des erreurs (DW = 1.715). L'économie subit au cours
de chaque période un choc d'offre : il s'agit de chocs
indépendants et identiquement distribués (iid) de
moyenne zéro et de variance a2. Le graphe
II.4 montre les deux courbes de l'écart de production (outputgap)
observé puis l'écart estimé (linear prediction) : la
similitude des tendances corrobore bien la qualité de l'estimation avec
des erreurs minimales.
Graphe II.4 : Trajectoires comparées de
l'output gap effectif et estimé
1990 1995 2000 2005 2010
time
outp
utg
ap
Linear
prediction
L'écart de production dépend positivement et de
son niveau en période précédente et de l'écart
d'inflation courant sous l'hypothèse que l'inflation anticipée
est la réalisation de l'objectif cible fixé par la Banque
Centrale. Plus pratiquement, lorsque l'écart de production est positif
à la période t-1 (output effectif < output potentiel),
l'ajustement se fait à la période t pour réduire la
persistance dans la formation de l'écart courant. De même, lorsque
les agents anticipent une inflation au-delà de la cible annoncée
(écart de taux positif), il s'en suivra un dépassement de la
production potentielle compte tenu des capacités productives ;
seulement cette réponse reste faible dans l'espace
UMOA, posant alors la problématique des interactions entre sphère
réelle et sphère monétaire. Ces différents
résultats autorisent l'étude de la fonction de réaction
(ou fonction de perte) de la Banque Centrale pour le cas du ciblage de
l'inflation.
II.2- La fonction de perte : optimisation et
analyses
La fonction de perte représente le comportement de la
Banque Centrale avec pour arguments, l'inflation et l'écart de
production suivant l'équation,
Lt = Et E7=T fi't-T1/ 2 [(irt --
ir*)2 + ,1(yt)2] (2.8)
Le processus d'optimisation approprié de la Banque qui use
de son pouvoir discrétionnaire au cours de chaque période pour
minimiser Lt dans l'équation (2.8) sous la
contrainte imposée par l'équation (2.7) pour
définir le couple (yt, irt) est,
t=to
[min E / fi't-to 1/2 [(irt --
ir*)2 + ,1(yt)2 -- lit(yt -- Pyt-1 -- a(irt --
Et- iirt) -- Et)]
Les conditions de premier ordre de cette optimisation avec le
multiplicateur Lagrangien se déduisent ainsi. Par rapport à
l'argument yt, elles donnent :
2,1yt -- lit + fi'PEtlit+i = 0 (2.9)
En résolvant l'équation lagrangienne par rapport
à l'argument irt, la condition de premier ordre donne :
2(irt -- ir*) + alit = 0
(2.10)
En éliminant le multiplicateur lagrangien des conditions
de premier ordre, il en résulte l'équation d'Euler
représentée par :
i
'IYt + a (11-t -- 11-*) --
PaP
Et(11-t-Fi--11-*) = 0 (2.11)
Ainsi, la Banque Centrale lisse le taux d'inflation par
rapport à la cible avec un ajustement à l'écart de
production courant. La politique contra-cyclique de la Banque Centrale
transparaît dans cette relation d'Euler : en fonction des anticipations,
un écart positif de la production par rapport à son niveau
naturel conduit la Banque à abaisser l'inflation en dessous de sa
cible.
Il est postulé une solution25 linéaire
de l'équation (2.11) représentative de la règle de
décision relativement à l'inflation comme étant de la
forme,
11-t = Ai + AzYt-i + A3Et (2.12)
A partir de cette forme anticipée, les anticipations
à la période t -- 1 peuvent s'écrire :
Et-i11-t = Ai + AzYt-i (2.13)
Les équations (2.12) et (2.13) sont
intégrées dans la fonction d'offre représentative de la
courbe de Phillips et la contrainte du programme (équation 2.3).
L'équation d'output gap prend la forme :
Yt = PYt-i + (1 + aA3)Et (2.14)
Il est à observer que la règle de décision
en matière d'inflation reste invariante suivant les périodes. En
conséquence, l'inflation à la période t + 1 s'écrit
:
11-t-Fi = Ai + AzYt + A3Et-Fi
25.
A l'instar des études antérieures dans la
résolution du programme, la méthode des coefficients
indéterminés est utilisée.
Le principe consiste à anticiper la forme fonctionnelle
générale de la solution et ensuite d'utiliser le modèle
pour déterminer la valeur précise des coefficients.
7Tt+i = Al + A2 [PYt-1 + (1 +
aA3)Et] + A3Et+1 (2.15)
La substitution des facteurs nt et irt+i par leurs
expressions respectives,
représentées par (2.12) et (2.15) dans la relation
de condition de premier ordre (2.11),
compte tenu de l'anticipation, permet de déterminer les
coefficients A1, A2 , A3 par la
méthode d'identification des coefficients (Voir annexe
IV).
Les solutions du programme d'optimisation de la fonction de perte
se déduisent ainsi :
Yt = pyt_i +
|
l_pp2
2 Et (2.16)
l_pp2+kr
|
aÂ.p Â.
nt = n* - a
i_pp2y .,. - 1 - ·
1_13p2+Âa2 Et (2.17)
aÂ.
Âa2
Avec, p > 0 , 1-ap 2 >
0 et l_pp2+ > 0
L'analyse de ces principaux résultats permet
d'apprécier les déterminants des deux arguments entrant dans la
fonction de réaction de la Banque Centrale. A chaque période, le
taux d'inflation courant est égal au taux d'inflation cible (~*) avec
des ajustements contra- cycliques proportionnels à l'output gap
retardé et aux chocs de la période courante. Par ailleurs,
l'écart de production est un processus AR(1) dont la formation est
fonction de l'écart antérieur compte tenu du degré de
persistance (p), et des chocs à la période courante.
|