CHAPITRE II
RESULTATS ET ANALYSES EMPIRIQUES
Après l'exploration des cadres théorique et
méthodologique de la recherche, ce chapitre présente les
résultats empiriques dont l'analyse permettra d'infirmer ou de confirmer
l'hypothèse de l'étude, nécessaire pour la
réalisation de l'objectif défini. Dans cette partie empirique de
l'étude, les différents résultats sont exposés
suivant l'un ou l'autre des deux régimes de ciblage : le niveau des prix
et l'inflation.
SECTION I : PROPRIETES STATISTIQUES DES VARIABLES
Au regard de l'importance des caractéristiques
intrinsèques des variables retenues dans le modèle empirique, il
est apparu nécessaire de procéder à l'étude
statistique des observations afin de valider au mieux les résultats du
modèle dans le cas spécifique de l'UMOA. Il est passé en
revue, pour chacune des observations, l'évolution dans le temps puis les
tests de normalité et de stationnarité sans omettre la
caractérisation du processus autorégressif des variables.
I.1- Le niveau des prix (IHPC)
L'Indice Harmonisé des Prix à la Consommation
(IHPC) mesure le niveau général des prix dans l'ensemble des pays
de l'UMOA depuis Janvier 1997, date de son adoption. Le graphe II.1 retrace
l'évolution de la variable sur la période d'étude.
L'envolée des prix consécutive à la
dévaluation du franc CFA de Janvier 1994 explique l'ascendance de la
courbe dès cette année, avant de connaître une relative
stabilisation autour de 1996, l'année de base. Un accroissement du
niveau des prix suivant une tendance est remarquable de 1997 à 2007,
justifiant ainsi une relative maîtrise des variations des prix dans
l'espace. L'année 2008 a enregistré un dépassement du
niveau de 140 points avec donc une forte variation des prix par rapport aux
périodes précédentes : la triple crise
énergétique, alimentaire et financière à
l'échelle mondiale est la cause de cette nouvelle envolée des
prix.
Graphe II.1 : Trajectoire du niveau des prix
(IHPC)
1990 1995 2000 2005 2010
time
Comparativement à décembre 2007, soit en
glissement annuel, le niveau général des prix a progressé
de 8,5 % ; les types de consommation qui ont influencé à la
hausse le niveau général des prix sont principalement les
produits alimentaires, les services de logement et ceux des transports dont les
contributions à l'inflation se sont établies à 5,4 points,
0,7 point et 0,8 point, respectivement20. Le premier trimestre de
l'année 2009 augure des perspectives meilleures quant à la
décrue du niveau général des prix dans l'espace.
Le test de normalité de la variable est fait avec la
statistique JB. Le résultat se présente ainsi :
Skewness/Kurtosis tests for Normality
joint
Variable | Pr(Skewness) Pr(Kurtosis) adj chi2(2) Prob>chi2
+
ihpc | 0.298 0.305 2.23 0.3278
20 Commission de l'UEMOA : Note IHPC décembre 2008
La probabilité du test est de 0.32 ; on ne peut donc
rejeter l'hypothèse nulle de normalité au seuil de 5%. La
variable de niveau des prix (ihpc) présente en conséquence une
distribution normale, se prêtant alors aux hypothèses requises
pour l'estimation du modèle.
Deux tests standards ont été utilisés
pour l'étude de la stationnarité des séries : le test de
Dickey-Fuller Augmenté (ADF), et le test de Philips-Perron (PP) pour la
solidité du résultat. Ils sont effectués avec ou sans
inclusion de constante et de tendance déterministe sous
l'hypothèse nulle de la présence d'une racine unitaire ou la non
stationnarité. Les tables 1 et 2 de l'Annexe I présentent les
résultats de ces tests pour la série de niveau des prix sur la
période 1993.4 - 2008.4. Les résultats des différents
tests sont unanimes : la variable de niveau des prix (ihpc) est stationnaire
sans tendance ni constante au seuil de 1%, avec k = 3 nombre de
retards21. Les tests sont globalement favorables à la
stationnarité de la série ; le niveau des prix est
intégré d'ordre 0. Par ailleurs, l'analyse du
corrélogramme des fonctions d'autocorrélation et
d'autocorrélation partielle révèle bien la
représentation du mécanisme générateur de la
série par un processus autorégressif AR(4) ; ceci renforce bien
l'approche du taux d'inflation en glissement annuel retenue.
I.2- Le taux d'inflation
Svensson (1999) et les autres auteurs qui abordent
l'étude des règles de ciblage dans le cas des économies
intégrées (USA, Canada, UE) considère le taux d'inflation
comme la variation des indices de prix entre deux trimestres
consécutifs. L'inflation en glissement annuel est retenue dans le cadre
de cette étude afin de minimiser l'effet des variations erratiques
parfois importantes entre deux mois dans l'espace UMOA.
inft = log(ihpct) -log(ihpct_4) (2.1)
Le graphe II.2 retrace la trajectoire de la variable de taux
d'inflation sur la période d'étude, calculé selon les deux
approches. Il transparait alors de manière claire que l'inflation en
glissement annuel représentée par la courbe « infglis
» connaît moins de
21
Le critère reposant sur le choix optimal à partir
de la valeur k max est retenu avec des estimations successives jusqu'au dernier
k significatif (Ng et Perron, 1995).
variations transitoires que l'inflation mesurée entre
deux trimestres consécutifs représentée par la courbe
« inf ». Ce qui confirme l'hypothèse de travail
convenue à ce propos et qui milite en faveur de l'inflation en
glissement annuel retenu. Les effets inflationnistes de la dévaluation
de 1994 ont persisté jusqu'à 1996 avec un fort taux d'inflation
au-delà de 10 points de pourcentage. Tout comme l'indique
l'évolution du niveau des prix, l'inflation a été
modérée entre 1997 et 2007, avant d'enregistrer une forte
élévation en 2008 du fait de la survenue des crises.
Graphe II.2 : Trajectoire du taux
d'inflation
1990 1995 2000 2005 2010
time
inf
infgl
is
Deux pics sont cependant remarquables en 2003 et 2005
au-delà de la norme communautaire de 3% : par rapport à juin
2004, les prix à la consommation ont augmenté de 4,5 % en rapport
avec la progression du niveau des prix des produits alimentaires et des
services liés aux transports et au logement. En 2008, le taux
d'inflation s'est établi à plus de 10%, compte tenu des crises
ayant touché notamment les secteurs de l'énergie et des aliments
dans l'ensemble des pays de l'union.
Le test de normalité de la variable est fait avec la
statistique JB. Le résultat se présente ainsi :
Skewness/Kurtosis tests for Normality
joint
Variable | Pr(Skewness) Pr(Kurtosis) adj chi2(2) Prob>chi2
+
inf | 0.000 0.000 56.90 0.0000
infglis | 0.000 0.000 52.82 0.0000
Il s'en dégage, qu'au seuil de 5%, les deux mesures de
l'inflation présentent une distribution non normale au sens du test de
Jarque-Bera, leur probabilité étant inférieure à
0,05 ou de manière équivalente, JB > 5,99. L'hypothèse
de normalité de la série est en conséquence rejetée
; toutefois, l'asymétrie présente une bonne distribution
(skewness = 0).
De la même manière que le niveau des prix, deux
tests standards ont été utilisés pour l'étude de la
stationnarité des séries : le test de Dickey-Fuller
Augmenté (ADF) et le test de Philips-Perron (PP) pour la solidité
du résultat. Ils sont effectués avec ou sans inclusion de
constante et de tendance déterministe sous l'hypothèse nulle de
la présence d'une racine unitaire ou la non stationnarité. Les
tables 3 et 4 de l'Annexe I présentent les résultats de ces tests
pour la série de taux d'inflation mesuré en glissement annuel sur
la période d'étude. Les résultats des différents
tests sont unanimes : la variable de taux d'inflation en glissement annuel
(infglis) est stationnaire avec constante mais sans tendance au seuil
de 5%, avec k = 1 nombre de retards. Le test de Perron est apparu plus
favorable à la stationnarité de la série au seuil de 1% ;
le taux d'inflation est intégré d'ordre 0. Par ailleurs,
l'analyse du corrélogramme des fonctions d'autocorrélation et
d'autocorrélation partielle révèle bien la
représentation du mécanisme générateur de la
série par un processus autorégressif AR(2).
I.3- L'output gap
L'écart de production ou l'output gap mesure la
différence entre le produit effectif et le produit potentiel.
L'obtention des fréquences trimestrielles implique une
désagrégation, donc une méthode adéquate
d'estimation pour générer des valeurs trimestrielles
équivalentes à l'agrégat annuel. Dans cette perspective,
l'algorithme d'interpolation de
séries trimestrielles à partir de données
annuelles pour générer des PIB trimestriels proposé par
Golstein et Khan (1976) est utilisé (voir Annexe II). Seulement si cette
trimestrialisation est possible pour la série du PIB effectif, il n'en
demeure pas de même du produit potentiel non observable, correspondant
à un équilibre de plein emploi dont l'appréciation et
l'évaluation restent complexes. L'approche statistique du filtre
Hodrick-Prescott est utilisée pour évaluer la production
potentielle22. Comme dans la plupart des études, la mesure de
l'output gap est appréhendée par,
ys = log (outputs) - log (output potentiels) (2.2)
Le graphe II.3 retrace la trajectoire de la variable de
l'écart de production sur la période d'étude.
1990 1995 2000 2005 2010
ti me
Graphe II.3 : Trajectoire de l'output
gap
22Les autres différentes méthodes
achoppent au manque de données statistiques fiables lié à
l'indétermination du seuil de plein emploi pour les pays à
économie sous développée notamment.
Deux périodes peuvent être distinguées
dans la trajectoire de l'écart de production. La sous période de
1994 à 1999 est caractérisée par un écart de
production positif signifiant un dépassement du niveau potentiel de
l'output dans l'espace UMOA : les effets de relance imputables à la
dévaluation peuvent bien expliquer cette dynamique productive des
économies étudiées. Les capacités productives sont
apparues insuffisamment utilisées sur la période 2000 à
2006, impliquant une sous production par rapport au niveau potentiel. Par
ailleurs, la relance de 2007, caractérisée par un écart
positif a été très brève avec la baisse de la
production estimée de l'année 2008 liée à la triple
crise précédemment évoquée.
Le test de normalité de la variable est fait avec la
statistique JB. Le résultat se présente ainsi :
Skewness/Kurtosis tests for Normality
joint
Variable | Pr(Skewness) Pr(Kurtosis) adj chi2(2) Prob>chi2
+
outputgap | 0.300 0.000 27.02 0.0000
Au terme du test de Jarque-Bera, l'hypothèse de
normalité ne peut être acceptée au seuil de 5% au regard de
la probabilité ainsi affichée ; notamment, le coefficient
d'aplatissement de la série (Kurtosis = 0) étant nul en
comparaison à la valeur normale (K = 3). Ce résultat n'est pas
néanmoins loin d'être imputable au processus qui a permis de
générer la composante potentielle.
L'étude de la stationnarité de la variable est
faite avec les deux tests standards utilisés précédemment
: le test de Dickey-Fuller Augmenté (ADF), et le test de Philips-Perron
(PP) pour la solidité du résultat. Ils sont effectués avec
ou sans inclusion de constante et de tendance déterministe sous
l'hypothèse nulle de la présence d'une racine unitaire ou la non
stationnarité. Les tables 5, 6 et 7 de l'Annexe I présentent les
résultats de ces tests pour la série de taux d'inflation
mesuré en glissement annuel sur la période d'étude. En
niveau, les résultats des différents tests sont unanimes : la
variable de l'écart de production (outputgap) est non stationnaire.
L'output gap s'est révélé un processus Differency
Stationary : seule la première différence de la série
est stationnaire sans tendance ni constante au seuil de 1%
pour les deux tests. L'écart de production est un
processus intégré d'ordre 1. Par ailleurs, l'analyse du
corrélogramme des fonctions d'autocorrélation et
d'autocorrélation partielle révèle bien la
représentation du mécanisme générateur de la
série par un processus autorégressif AR(2). Ainsi se trouve
confirmée partiellement, l'hypothèse de persistance de
l'écart de production, laquelle est fondamentale pour construire la
courbe de Phillips de type néoclassique23.
Le modèle d'analyse inclut d'une part la fonction
d'offre globale représentée par une courbe de Phillips avec
persistance puis d'autre part, une fonction quadratique de perte sociale de la
Banque Centrale ayant pour arguments, l'écart de production et
l'inflation. Les résultats empiriques vont concerner ces deux
composantes des stratégies de ciblage suivant que la cible est
l'inflation ou le niveau des prix. La méthode d'optimisation permet de
dériver les différentes règles pour en juger les
efficacités respectives dans l'UMOA.
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