SECTION III : LIMITES ET RECOMMANDATIONS
Les recommandations de l'étude concernent d'une part,
la mise en oeuvre de la politique monétaire au regard des
résultats obtenus puis d'autre part, la dimension institutionnelle de la
Banque Centrale compétente. Par ailleurs, les limites de l'étude
d'ordre théorique, méthodologique et empirique ne sont pas
occultées.
III.1- Les limites de l'étude
Au niveau théorique, les recherches sur les gains en
bien-être de l'adoption des règles de ciblage de l'inflation ou du
niveau des prix se sont multipliées après le travail pionnier de
Svensson (1999) sur l'existence du free lunch. Dès lors, les
premiers résultats ont été améliorés. La
présente étude qui s'inspire fondamentalement du modèle de
Svensson s'en écarte du point de vue du traitement des anticipations
rationnelles de l'inflation aussi bien courante que future dans le programme
d'optimisation. Alors qu'elles sont supposées endogènes,
dépendantes de l'écart de production, la présente
étude a admis l'hypothèse d'anticipations exogènes dans un
souci de simplification comme le font Dittmar et Gavin (2000) puis Dittmar,
Gavin et Kydland (1999). Sans changer les principaux résultats obtenus
dans l'une ou l'autre approche, la démarche utilisée semble bien
cadrée avec la dynamique de l'espace UMOA ; cependant le cadre
général d'exploration que l'hypothèse d'anticipation
endogène permet peut révéler des enseignements assez
utiles. Par ailleurs, la fonction d'offre est représentée par une
courbe de Phillips augmentée de la théorie classique. De plus en
plus, la courbe de Phillips de type nouveau keynésien est estimée
pour représenter la fonction d'offre comme le font Dittmar, Gavin et
Kydland (1999), Aubert et Adjemian (2001). Si théoriquement dans le
cadre des économies développées, les résultats
conduisent à une supériorité de la règle de niveau
des prix, une étude empirique appliquée à l'UMOA peut
s'avérer intéressante pour évaluer le mécanisme
keynésien.
Au niveau méthodologique, les limites concernent les
variables d'inflation et d'output gap. Pour limiter l'impact des variations
erratiques sur l'inflation, le taux d'inflation en glissement annuel est
utilisé. En effet, les autorités monétaires doivent
répondre à une question importante : la politique
monétaire doit-elle prendre en compte toutes les fluctuations de
l'inflation, ou faut-il exclure les fluctuations à court terme
considérées comme exogènes? Dans la plupart des cas, le
ciblage est centré sur l'inflation sous-jacente, laquelle exclut de
l'IHPC des éléments -- comme l'énergie et les produits
alimentaires -- dont le prix est sujet à des variations atypiques et
transitoires liées aux aléas de l'offre. L'extraction du taux
d'inflation sous-jacente30 procède d'un processus plus ou
moins complexe dont l'approche pourrait améliorer la qualité des
résultats obtenus (Pikbougoum, 2004). Il est fait par ailleurs
l'hypothèse d'une politique crédible d'objectif d'inflation pour
estimer la courbe d'offre. Nonobstant la rigueur et la prudence dans la gestion
et le maintien à un niveau relativement stable de l'inflation dans la
zone, l'hypothèse apparait très forte et son relâchement
dans le cadre d'autres études pourrait s'avérer
intéressant.
La mesure de l'output gap est sujette à beaucoup de
controverses aussi bien théoriques qu'empiriques. Le produit potentiel
est obtenu par l'application du filtre Hodrick Prescott (HP) à la
série trimestrielle du PIB effectif sous Eviews. Du point de vue
théorique, des limites du filtre HP sont certaines et d'autres
techniques plus élaborées existent ; il s'agit des
méthodes procédant de la fonction de production ou du filtre de
Kalman. A cet effet, Diop (2000) montre que la méthode d'estimation par
la fonction de production contribue à une meilleure estimation de la
production potentielle dans l'espace UMOA ; toutefois, elle comporte aussi des
insuffisances liées au calcul du stock de capital et à une
moindre mesure de la dynamique du marché du travail. Compte tenu du
temps imparti à l'étude, ces méthodes plus complexes n'ont
pas été explorées pour apprécier leur effet sur la
qualité des résultats. Dans la même catégorie de
limite s'insère l'algorithme de Golstain et Khan (1976) utilisé
pour générer les observations du PIB effectif en fréquence
trimestrielle en l'absence de données y relatives.
Les contraintes et les conditions de mise en oeuvre de la
règle de ciblage du niveau
30 Les indicateurs de l'inflation sous-jacente sont
des mesures de la composante fondamentale de l'évolution des prix
permettant d'apprécier la partie de l'inflation correspondant aux
anticipations de l'inflation des agents économiques.
des prix sont potentiellement des limites à son
appropriation par les Banques Centrales des pays en développement en
général et la BCEAO en particulier. Une bonne illustration de
cette limite pratique est donnée par Croce et Khan dans leur article
dans Finance & Développement de Septembre 2000.
Si la règle de ciblage de l'inflation peut profiter aux
pays en développement de multiples façons, en leur donnant un
moyen de coordonner les anticipations inflationnistes et de jauger la
responsabilité des Banques Centrales, ces pays ont toutefois des
particularités qui peuvent rendre le système plus difficile
à appliquer que dans les pays industrialisés (Croce et Khan,
2000, pp 48-51). « ...Premièrement, le niveau relativement
élevé des taux d'inflation ne permet pas de prédire avec
exactitude le taux d'inflation futur. Le risque de manquer la cible est plus
fort que dans les pays développés... Deuxièmement, le
degré de répercussion des variations du taux de change sur les
prix et la présence généralisée de
mécanismes explicites ou même implicites d'indexation engendrent
une inflation inertielle considérable... Troisièmement, les
actifs et les obligations des pays en développement étant
libellés pour une bonne part en monnaies étrangères, des
variations importantes du taux de change peuvent avoir des conséquences
graves sur l'inflation. Quatrièmement, dans beaucoup de pays en
développement, l'indépendance de la Banque Centrale est plus
statutaire que réelle puisque ses décisions sont motivées
principalement par la nécessité de financer le déficit des
finances publiques et que la politique budgétaire reste dans une
certaine mesure dominante ».
Dans ces circonstances, les Banques Centrales pourraient bien
hésiter à relever les taux d'intérêt pour des
raisons budgétaires, même si ceci s'avère nécessaire
pour contenir l'inflation. Enfin, certains pays en développement
risquent d'avoir du mal à publier les informations sophistiquées
nécessaires aux prévisions de l'inflation. Croce et Khan
conviennent cependant que malgré ces problèmes, la règle
de ciblage semble prometteuse pour les pays en développement car, elle
offre un certain nombre d'avantages opérationnels et oblige les
responsables de la politique économique à approfondir les
réformes, à accroître la transparence et à
améliorer la politique budgétaire, avec la perspective d'une
convergence vers les niveaux internationaux d'inflation.
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