II.3- Nature et source de l'avantage gratuit
Comme le mentionnent Parkin (2001) et Svensson (1999), la
source de l'avantage est facile à déceler. Lorsque le taux
d'inflation est pris pour cible, la règle de décision fait en
sorte qu'il réagisse à l'écart de production. En
conséquence, la variance du taux d'inflation est proportionnelle
à celle de l'écart de production. Par ailleurs la ligne (6) du
tableau récapitulatif en annexe V établit l'équation du
niveau des prix suivant les deux régimes. Lorsque le niveau des prix est
ciblé, il réagit directement à l'écart de
production, de sorte que le taux d'inflation réagit alors à la
variation de l'écart de production. Or, il est
établi qu'à condition que le choc d'offre soit
suffisamment persistant (.1. > 0.5), comme
c'est le cas dans l'espace UMOA étudié, la variance
de la variation de l'écart de production est inférieure à
la variance de l'écart lui-même.
Plus pratiquement, en régime de ciblage du niveau des
prix, le niveau des prix est un processus stationnaire avec une tendance, celle
de pi*, avec une variance finie égale à
celle de l'inflation (voir ligne (7) du tableau récapitulatif). A
l'opposé, lorsque l'inflation est ciblée, le niveau des prix est
un processus non stationnaire mais plutôt intégré d'ordre 1
: il y a donc sous ce régime, une dérive du niveau des prix avec
une variance infinie. Et c'est parce que cette dérive n'est pas
corrigée périodiquement que la variabilité de l'inflation
est plus forte. Du point de vue de la vérification factuelle de ce
résultat de l'avantage gratuit, Parkin (2001) note qu'il est toujours
difficile de répondre à la question ; mais aussi, la
réponse dépend essentiellement de la crédibilité de
la Banque Centrale qui met en oeuvre la règle dans un cadre
discrétionnaire.
La règle de ciblage du niveau des prix qui permet
l'avantage gratuit, est une solution à l'existence tant du biais
inflationniste que du biais de stabilisation résultant d'une politique
discrétionnaire de la Banque Centrale peu crédible dans la
réalisation de l'objectif d'inflation du fait de l'incohérence
temporelle. Kydland et Prescott (1977) montrent en effet que, si les attentes
sont rationnelles, un décideur agissant de façon
discrétionnaire est incité à renier le
plan optimal précédent pour en adopter un nouveau
(passer par exemple de y* = 0 à y*
>
0) et influencer ainsi dans le mauvais sens les attentes avec un
biais inflationniste : la situation d'équilibre s'apparente au dilemme
du prisonnier.
Les économistes sont loin de s'entendre sur le
régime --engagement ou cadre discrétionnaire -- qui décrit
le mieux le problème d'optimisation de la Banque Centrale (Barnett &
Engineer, 2000, pp 134-135). Selon McCallum (1996), cité par Barnett et
Engineer (2000), les Banques Centrales peuvent très bien s'engager
à suivre une politique déterminée. Svensson (1999)
réplique que l'engagement envers une politique donnée ne permet
pas d'obtenir des équilibres parfaits pour des sous-jeux dans des
modèles de type standard. La vérité se trouve probablement
entre les deux options : la Banque Centrale doit user de son pouvoir
discrétionnaire, mais peut se voir attribuer une fonction de perte qui
combat les effets sous-optimaux d'un comportement discrétionnaire.
Souscrivant à ce raisonnement, Svensson (1999) et d'autres auteurs des
théories du ciblage du niveau des prix, préconisent pour la
Banque Centrale une fonction de perte liée à un objectif de
niveau des prix qui a l'avantage de réduire la variabilité de
l'inflation et effacer le biais inflationniste. Cet effet recherché dans
l'adoption d'une règle de ciblage du niveau des prix dans l'UMOA est
plausible car comme il transparaît dans la ligne (4) du tableau
récapitulatif annexé,
E(irt) - n* = 0
Si dans la présente étude qui suppose,
y* = 0, le biais inflationniste est
systématiquement nul pour les deux régimes, la
solution plus générale de Svensson (1999) permet de
discriminer. Lorsque la Banque Centrale cible un écart de production
positif,
(y* > 0), outre « l'avantage gratuit »,
seule la règle de ciblage du niveau des prix permet
d'éliminer le biais inflationniste. Dittmar et Gavin
(2000) ainsi que Vestin (2000) confirment cette conclusion avec une analyse
générale dans le cadre du modèle keynésien : ils
montrent qu'une persistance endogène dans la courbe de Phillips n'est
pas toujours nécessaire à l'obtention de l'avantage gratuit ; de
plus, la fonction de perte assortie d'un objectif de niveau des prix n'a pas
seulement l'avantage de réduire le biais de stabilisation lorsque
y* = 0 mais élimine également le biais
inflationniste quand y* > 0. En attribuant à la
Banque Centrale une fonction de perte assortie d'un objectif
de niveau des prix, la BCEAO peut améliorer le bien-être social en
réduisant la variation de l'inflation sans pour autant accroître
celle de la production. Cet avantage gratuit en terme d'amélioration du
bien être, ainsi étudié et vérifié dans
l'espace UMOA, tient au fait que la stationnarité des prix
contribue à atténuer la variabilité de
l'inflation, ce qui contribue à corriger le biais inflationniste et le
biais de stabilisation en régime discrétionnaire.
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