B. Les stratégies à l'extérieur de la
salle de classe.
Ces stratégies s'articulent autour de la mise sur pied
des statistiques ventilées par sexe sur l'éducation, l'adoption
des mesures spéciales pour atteindre les filles les plus
désavantagées, l'ouverture des écoles plus proches du
domicile des enfants, la garantie de la sécurité des
écoliers, etc.
a) Réunir des statistiques ventilées par sexe
sur l'éducation.
Ces statistiques, on ne le dira jamais assez, doivent porter
notamment sur les résultats scolaires aux niveaux primaires, secondaire
et supérieur. Elles doivent servir
153 UNICEF, op.cit., p. 85.
154 Idem., p. 85
d'indicateur sur le taux de scolarisation des filles et des
garçons. Ces données sont essentielles pour l'amélioration
de la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage, et pour mesurer
les progrès accomplis vers la réalisation des OMD. Outre la
ventilation des statistiques par sexe, les données devraient, si
possible, être ventilées par facteur notamment la situation
géographique urbaine et rurale, la situation géographique de la
famille (famille pauvre, famille riche), la situation des enfants
handicapés, des enfants des peuples autochtones et le niveau
d'éducation de la mère. L'analyse des données de ce type
permet, à titre d'exemple, de comprendre comment la pauvreté d'un
enfant et son origine ethnique peuvent aggraver les difficultés
auxquelles un enfant se heurtait déjà à cause de son
sexe.
b) Adopter des mesures spéciales pour atteindre les
enfants les plus désavantagés.
L'analyse des rapports tout au long de notre recherche prouve
que les enfants des milieux ruraux et ceux des familles pauvres, sont les plus
souvent victimes de discrimination et d'exclusion, et particulièrement
les filles qui souffrent souvent des multiples désavantages en regard de
leur sexe. Plus une fille est désavantagée, plus il est important
que le système éducatif l'aide en adoptant des mesures
spéciales, plutôt que de supposer qu'elle prendra en marche le
train de l'éducation pour tous.
c) Ouvrir des écoles plus proches du domicile des
enfants.
Dans un pays comme la RDC où la guerre et
l'insécurité n'ont toujours pas cessé, les enfants ont une
difficulté majeure de se déplacer à une longue distance
pour aller à l'école dans les zones insécurisées.
Particulièrement, les jeunes filles sont les plus concernées par
les multiples violences exercées sur elles et notamment le viol et
l'enlèvement pour servir des rançons au d'esclaves sexuelles. A
cet effet, l'expérience du Burkina Faso pourrait servir d'exemple. Ce
pays, tenant compte du fait qu'il ait peu de chances que les filles aillent
à l'école si elles se trouvent loin de chez elles à cause
d'éventuels problèmes de sécurité sur le chemin, a
créé un réseau « d'écoles satellites ».
Il s'agit de petites écoles n'offrant que les trois premières
classes, ce qui permet aux jeunes enfants (qui commencent l'école
à 7 ans) d'acquérir leur première expérience de
l'école dans leur village ou à proximité. Depuis leur
création en 1995, plus de 100.000 filles et garçons ont
fréquenté ces 229 écoles satellites. Comparés aux
élèves qui fréquentent le système scolaire
classique, les enfants qui achèvent le cycle de ces écoles
satellites ont un meilleur niveau en écriture, en lecture et en
mathématique, avec des taux de réussite une fois
et demie, voire deux fois supérieurs. Ces écoles affichent
également le taux de rétention de près de 95 pour cent.
Ces résultats positifs s'expliquent par un certain nombre de facteurs,
notamment l'enseignement en langue locale, ce qui accélère
l'apprentissage, la motivation des parents et un nombre d'élèves
par enseignant plus faible que dans les autres écoles (25
élèves par enseignant dans les écoles satellites contre 48
élèves par enseignant dans les autres
écoles).155
d) Garantir la sécurité des
écoliers.
Cela signifie qu'il faut non seulement que les abords de
l'école soient sûrs, mais aussi les locaux eux-mêmes doivent
inspirer confiance. L'éducation est un facteur essentiel quant elle est
de bonne qualité mais elle ne remplit pas son rôle quand elle est
dispensée dans un environnement marqué par la violence. Lorsque
les écoles sont associées à une violence sexuelle ou
physique, ou encore à une corruption exagérée,
l'accès des filles à l'éducation s'en ressent car il est
évident que les parents hésiteront à les inscrire dans de
tels établissements.
De même, l'accès à l'eau potable et
installation des latrines est un atout important pour la santé des
élèves. Les toilettes des garçons doivent être
séparées de celles des filles pour éviter la
promiscuité. L'eau contribue davantage à l'assainissement des
écoles à côté de l'électricité et de
la peinture adoptée, ces trois facteurs permettent aux
élèves d'éviter des maladies nosocomiales qu'on attrape
dans un environnement malsain où l'on passe la plupart de son temps.
e) Faire participer la population locale.
Appelé encore « développement
endogène », cette stratégie permet à la
population locale de s'approprier tout projet de développement qui est
élaboré dans leur intérêt. Cela étant, la
campagne destinée à l'inscription massive des enfants à
l'école, tout comme la construction des nouvelles écoles dans les
milieux devaient montrer à la population locale, à travers les
chefs locaux, le bien fondé des activités en cause. Cela
permettrait une solution de plusieurs problèmes liés au milieu
respectif.
155 UNICEF, op.cit., p.86.
La participation locale pourrait alléger le travail
domestique qui fait que beaucoup de filles restent à la maison pour
aider aux tâches ménagères. En donnant aux
communautés ou aux groupes des femmes des équipements tels que
des moulins à céréales, des décortiqueuses, des
charrettes, des jerrycans pour la conservation de l'eau, on peut alléger
la charge de travail et libérer les filles qui pourront ainsi
fréquenter l'école.
Il en va de même lorsque les enfants ne sont pas
scolarisés parce qu'ils doivent aller tirer l'eau d'un puits
traditionnel ou à une pompe éloignée ; la création
de points d'eau peut soulager, tout en provisionnant en eau salubre l'ensemble
de la communauté.
Quoi qu'il en soit, le droit de l'enfant à
l'éducation étant à la fois programmatoire et à
réalisation progressive, les stratégies ci-avant
développées ne sont pas cumulatives pour un pays comme la RDC. Le
gouvernement devra procéder à une analyse des obstacles
particuliers que les élèves, et particulièrement les
filles, doivent surmonter avant d'opter le train de mesures le plus
approprié.
Toutefois, pour la RDC, rendre l'éducation gratuite et
obligatoire est la pierre angulaire de tout programme national visant à
éliminer les disparités entre les sexes dans l'éducation
et à atteindre l'objectif de l'éducation universelle. Cela
résoudrait un grand nombre de problèmes pour les parents qui sont
confrontés à des difficultés économiques qui les
obligent à faire un choix et qui décident enfin de compte
d'envoyer les garçons à l'école à la mercie des
filles. Ainsi, l'élimination des frais scolaires ou l'offre d'un soutien
financier aux familles dont les filles sont scolarisées, ainsi que
l'explication des avantages qui accompagnent la scolarisation des filles,
revêtent à ce égard une importance capitale. Pour y
parvenir, une certaine émulation doit guider les dirigeants congolais en
s'inspirant des progrès des autres pays tout en respectant les
engagements par eux pris au niveau international (section
3ème).
Section 3ème : Inspiration des
progrès des autres pays et le respect des engagements
internationaux.
Nous allons jeter un regard sur les stratégies mises en
place par le Rwanda et le Kenya (§1) avant de faire allusion aux
engagements internationaux (§2).
§1. Les stratégies mises en place par le
Rwanda et le Kenya.
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